La mobilisation était organisée par la coordination Terra, rassemblant onze associations de défense de l'environnement et de la santé. Des militants et des élus de Core in Fronte, Femu a Corsica et du PNC étaient également présents
Ce mercredi matin, environ 150 personnes étaient rassemblées à l'appel de la coordination Terra, qui réunit onze associations de défense de l'environnement et de la santé.
Mot d'ordre de la mobilisation : dire non aux escales de plus en plus nombreuses des bateaux de croisières dans le port d'Ajaccio. Sur des pancartes en carton, les slogans laissent peu de place à l'ambiguité :
"Croisières criminelles" , " Nos vies valent plus que votre argent ", " Non assistance à planète en danger ", " Les riches font des croisières, les pauvres font des cancers ".
Dans l'assistance, outre les habitués des mobilisations de terrain initiées par les associations, on remarque la présence de militants et d'élus politiques, notamment des partis nationalistes Femu a Corsica, Core in Fronte et PNC.
Ces derniers avaient déjà organisé, samedi dernier, une « action symbolique » en bloquant pendant une heure l’accostage du Mein Schiff II, un navire de 263 mètres affichant une capacité d’accueil de plus de 1800 passagers.
Jusqu'à 30.000 euros l'escale
Cette année, les actions se sont faites plus nombreuses et pour cause, les bateaux de croisières défilent chaque jour ou presque dans le port d'Ajaccio. Souvent de très grosses unités permettant d'accueillir plusieurs milliers de passagers.
Selon les chiffres de la Collectivité de Corse, 473 escales sont programmées sur l'année 2022, dont 228 à Ajaccio.
Une manne financière très importante pour la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Corse-du-Sud, gestionnaire des 4 ports de commerces du Pumonte (lesquels sont propriétés de la Collectivité de Corse), puisque les géants des mers doivent débourser entre 10.000 et 30.000 euros pour avoir le droit de faire escale dans la cité impériale.
"Avà Basta!"
Si les études d'impact ne sont pas légion et que les retombées économiques ne sont pas précisément quantifiées, certains secteurs assurent aussi profiter de ce type de tourisme : autocaristes, activités de plein air, parcs aventure, guides, notamment.
"Nous ne sommes pas contre le tourisme, ce serait très réducteur de le présenter comme cela, précise Véronique Pietri, conseillère territoriale Core in Fronte présente à la manifestation. Ce que nous demandons, c'est une clarification : il y a trop d'incertitudes. On voudrait savoir exactement quel est l'impact environnemental de ces nombreuses escales et connaître plus en détails les retombées économiques. On ne peut pas laisser faire n'importe quoi avec des conséquences sur notre santé pour que quelques uns en tirent bénéfice".
La santé publique, c'est aussi ce qui réoccupe le docteur Sauveur Merlinghi, président de la ligue contre le cancer de Corse-du-Sud :" On est là aujourd’hui pour dire Avà Basta! Ce que nous consommons vient de l’eau, vient de l’air, vient du sol! Tout ce qui en perturbe la qualité nous importe parce que cela a des conséquences sur notre santé. On ne peut pas garantir la santé de demain si on ne fait pas ce qu’il faut pour préserver l’environnement ".
Dans les rangs des manifestants, on l'assure, il ne s'agit pas de demander l'interdiction des bateaux de croisières mais plutôt de réguler leurs passages.
"Différence de traitement"
"Dans l'immédiat nous demandons des contrôles de carburant et que la Méditerranée devienne une zone à émission contrôlée (ECA)", ce qui permettrait de réduire la teneur en soufre des carburants à 0,1% (aujourd'hui la quantité est limitée à 0,5%, ndlr) réclame Muriel Segondy, militante de l'association de défense de l'environnement "le GARDE".
Cette nouvelle norme, déjà en vigueur en Amérique du Nord et en mer du Nord, devrait être applicable à partir de 2025 en Méditerranée. Une "différence de traitement" entre les citoyens qui offusque les manifestants.
Pour "marquer le coup", quelques manifestants décident de se rendre devant les locaux de la CCI, en criant "CCI, ça suffit". Le cortège défile devant une assemblée de touristes étrangers qui débarquent des bateaux de croisières, interloqués par la mobilisation.
Argument de vente
" Nous avons choisi de ne pas voyager sur une grosse unité, parce que les petits bateaux sont plus à taille humaine et ont un impact plus mesuré sur l’environnement, expliquent Sonia et Elisa, deux touristes autrichiennes. Polluer moins, c’est un argument de vente des bateaux de croisières, on fait attention à cela quand on décide d’embarquer. Mais on peut comprendre que les gens protestent, s’il y a trop de bateaux dans la ville. C’est aux autorités politiques de restreindre leur nombre ".
De son côté, Stéphane Sbraggia, nouveau maire d’Ajaccio a fait connaître sa position par le biais d’un communiqué de presse.
Chartes croisière
Il y « invoque la nécessité de ne pas opposer les défis qui attendent notre territoire (cause environnementale et développement économiq0ue) » et « propose des solutions d’accompagnement vers un tourisme durable », telles que "négocier un cahier des charges avec les compagnies maritimes" ou 'interdire l’accès aux navires les plus anciens".
Sollicités, les dirigeants de la CCI n’ont pas souhaité faire de commentaires ni donner de précisions sur les conditions d’accueil des navires de croisières dans le port d’Ajaccio.