Ajaccio : l'école de Castelluccio menacée de fermeture

Lors d'un récent conseil d'école, les services de la Ville d'Ajaccio ont annoncé que l'établissement situé à Castelluccio pourrait peut-être fermer en fin d'année scolaire. Inquiets, les parents des 56 élèves attendent des explications des autorités compétentes. Entre sécurité et convention de bail, les arguments présentés concernant les causes de cette possible fermeture semblent multiples.

L'école de Castelluccio va-t-elle fermer ses portes en fin d'année scolaire ? 

Depuis cette semaine, l'avenir de l'établissement ajaccien qui accueille 56 élèves semble incertain. 

Mardi 14 novembre, lors du traditionnel conseil d'école trimestriel, il a été annoncé aux personnels et aux parents d'élèves qu'un "projet de fermeture était à l'ordre du jour".

"La directrice générale des services (DGS) techniques de la Ville d'Ajaccio est venue nous annoncer le projet d'une éventuelle fermeture de l’école de Castelluccio pour la rentrée prochaine de septembre, indique Isabelle Tampigny-Emmanuelli, déléguée des parents d'élèves. Aucun document ne nous a été remis. Selon la DGS, c’est encore à l’état de projet, mais cela aurait été validé par l'inspection académique. Soi-disant, elle était venue ce soir-là pour recueillir notre avis et le faire remonter. Elle n’a pas été en mesure de nous dire autre chose. J'ai depuis contacté le cabinet du maire, je n'ai pas eu de réponse." 

"C'était une simple consultation au niveau du conseil d'école, tempère Rose-Marie Ottavy Sarrola, adjointe au maire d'Ajaccio et déléguée aux affaires scolaires. La directrice générale des services techniques est allée pour informer et exposer la situation. Nous ne sommes pas arrivés en disant que l'école allait fermer demain. Mais nous sommes quand même dans une démarche de travail avec la direction de l'Éducation."

Selon la représentante des parents d'élèves, l'une des causes de cette possible fermeture serait liée à des questions de sécurité : 

"Les services de la Ville ne parviennent pas à mettre en place le boîtier du dispositif PPMS (Plan particulier de mise en sécurité) qui concerne les risques majeurs et les attentats intrusion, explique la maman qui a ses deux filles scolarisées à Castelluccio. Tous les établissements doivent en être dotés. Dans le nôtre, une procédure a été mise en place. Il y a un boîtier dans les locaux de la maternelle mais pas dans ceux du primaire. Cela reste assez flou. On n'arrive pas à savoir pourquoi ils ne parviennent pas à installer ce dispositif au primaire. À la maternelle, le boîtier a été installé il y a deux ans et n’a été mis en service que l’an dernier. Jusqu’à maintenant, on a vécu sans au primaire. Pourquoi se réveillent-ils maintenant, d’un coup ? Une procédure avait été élaborée par l’équipe de l’école et avait été adoptée par tout le monde. Pourquoi ça bloque aujourd’hui ? "

Déployé à la suite des attentats terroristes de novembre 2015 en France, le Plan particulier de mise en sécurité (PPMS) s'applique dans tous les établissements scolaires du pays. Récemment, la question de la sécurité dans les écoles est revenue sur la table à la suite de l'assassinat du professeur Dominique Bernard, le 13 octobre dernier, dans un lycée d'Arras. Depuis, le dispositif a été renforcé. 

"Depuis le mois de mai, nous sommes dans le cadre d'une politique globale de réaménagement et de repositionnement des écoles au sein de la ville d'Ajaccio, indique Rose-Mary Ottavy Sarrola. Dans ce cadre-là, nous avons décidé de nous orienter vers l'école de Castelluccio où il y a quand même des problèmes de sécurité au niveau des enfants. Le renforcement récent du plan vigipirate nous oblige de réagir dans l'intérêt des enfants et de leur sécurité. C'est l'inquiétude principale du maire d'Ajaccio."

L'élue ajaccienne poursuit : "Quand les enfants sortent, plusieurs fois par jour, des salles de classe, ils sont obligés de descendre le long du trottoir de la route pour aller dans la cour de l'école. Ce bâtiment, il faut donc le mettre aux normes de sécurité, il n'y a pas d'enceinte de sécurité. Il est impossible, si l'on veut restructurer l'école, de mettre une enceinte de sécurité autour du bâtiment puisqu'il ne nous appartient pas." 

"Quand Dominique Bernard a été assassiné, les écoles de la ville ont eu une présence policière devant leurs portes. La nôtre, jamais, fait remarquer Isabelle Tampigny-Emmanuelli, au nom des parents d'élèves. Alors, qu’on ne vienne pas nous parler maintenant de sécurité... Depuis un an et demi, le bouton pour déverrouiller le portail d’entrée de l’école est à la portée de tout le monde, enfants comme visiteurs. C'est dangereux. La directrice se bat pour le faire changer de place, en vain. Alors, là aussi, qu'on ne vienne nous parler de sécurité ! Dans leur pseudo-argumentaire, les services de la Ville disent que l'école est dangereuse car les enfants doivent sortir et marcher 50 mètres pour se rendre à la cantine. J’ai appris que dans d'autres écoles de la ville, ça se passait aussi comme ça. Pour nous, ces arguments sont de fausses excuses pour fermer l'école. Derrière tout ça, il y a un conflit politique entre la mairie et la Collectivité de Corse qui n'arrivent pas à se mettre d'accord concernant le bail."

"Bail non renouvelé"

À Castelluccio, l'école s'organise en deux parties : les élèves de maternelle occupent des préfabriqués qui donnent sur la petite cour de récréation ; les classes du primaire se situent quant à elles au rez-de-chaussée d'un bâtiment attenant. 

Propriété de la Collectivité de Corse, le bâtiment qui abrite l'école est géré par l'Office Public de l'Habitat de Corse. La gestion de l'établissement scolaire est elle assurée par la mairie d'Ajaccio qui n'aurait pas renouvelé la prochaine convention de bail avec l'OPHC. 

"Dernièrement, nous avons été destinataires d'un mail de la mairie d'Ajaccio qui nous informait de son souhait de ne pas renouveler le bail qui nous lie à elle pour l'école de Castelluccio à compter du 31 juillet 2024, confirme Juliette Ponzevera, présidente de l'Office Public de l'Habitat de Corse. La mairie d'Ajaccio a décidé de le résilier."  

Depuis 2021, l'OPHC a repris la gestion des bâtiments et des logements de Castellucio dans lesquels se trouve l'école. 

"L'OPHC n'est pas propriétaire de la structure mais a un bail emphytéotique avec la Collectivité de Corse sur cet ensemble de logements, précise Juliette Ponzevera qui se dit "surprise" de la décision prise par la mairie d'Ajaccio : la politique de l'Office Public de l'Habitat est de créer du service, apporter du service public au plus près de nos locataires. Ce n'est donc pas une volonté de l'OPH de voir cette école fermée. Au contraire. J'invite la mairie à prendre contact avec nous. Si c'est une affaire uniquement financière, l'OPHC est prêt à discuter avec la mairie d'Ajaccio pour que cette école reste ouverte." 

"On ne dispose pas de plus d'informations que ce mail qui nous stipule juste le souhait de la mairie de mettre un terme à la convention."

Juliette Ponzevera

Présidente de l'OPHC

Quant aux raisons de la mairie d'Ajaccio de ne pas reconduire le bail, l'Office Public de l'Habitat dit ne pas en avoir eu connaissance. "À l'heure où je vous parle, ajoute Juliette Ponzevera, on ne dispose pas de plus d'informations que ce mail qui nous stipule juste le souhait de la mairie de mettre un terme à la convention qui nous lie jusqu'au 31 juillet prochain. Le contrat de location équivaut à un loyer dérisoire car ce sont des loyers qui sont calculés sur la même échelle que ceux d'un logement social."

"Au fur et à mesure, les coûts de fonctionnement de l'école ont augmenté, glisse une source proche du dossier. Un système de partenariat entre l'hôpital de Castelluccio et la mairie avait été mis en place. L'hôpital de Castellucio finance les personnels de l'école (hors enseignants). Le fond du sujet pourrait donc bien être d'ordre financier." 

"Inquiétudes"

Du côté des parents, qui se sont regroupés pour s'opposer à la fermeture, et de leurs enfants, l'inquiétude se faisait ressentir ce vendredi 17 novembre devant les grilles de l'établissement :

"Nous sommes tous unis et unanimes, confie Isabelle Tampigny-Emmanuelli, dont les deux filles sont scolarisées en CP et CM1 à Castelluccio. On a dit aux enfants qu'on allait se battre. Ils sont très contrariés, surtout les plus petits qui ont du mal avec le fait que leur école puisse fermer. Ils ne savent pas ce qu’ils vont faire et nous ne sommes pas en mesure de leur apporter des réponses car la mairie n’était pas en mesure de nous en donner. Les enfants nous ont demandé qu’on les aide à élaborer des pancartes pour qu'ils les accrochent aux grilles de leur école."

Parmi les parents des 56 élèves, près de la moitié est des employés de l'hôpital de Castelluccio. C'est le cas de Romain Mondoloni : 

"Nous avons tous été extrêmement surpris de cette décision annoncée lors du conseil d'école. Nous avons essayé d’en savoir un petit peu plus mais les informations ne sont pas très claires. La réputation de cette école n’est plus à faire. Le personnel est extrêmement dévoué, les résultats des élèves, apparemment, sont pris en exemple ailleurs en ville. C'est une école où il n'y a jamais eu aucun problème significatif. Les arguments présentés concernant la sécurité pourraient également être avancés pour d'autres écoles de la ville. Nous avons donc décidé de mener un combat pour nous opposer à la fermeture de cette école à laquelle nous tenons énormément. Ouverte depuis plus de 40 ans, elle fonctionne comme un petit village, tout le monde se connaît. Pour nous, c’est inconcevable et incompréhensible. Nous attendons des réponses et surtout des solutions dans une situation actuelle où tout le monde sait que les écoles sont surchargées." 

Si l'école était amenée à fermer, se poserait alors la question de la redistribution de tous les élèves. 

"Je comprends profondément l'inquiétude des parents, c'est quelque chose qui va un peu perturber leur vie journalière, répond Rose-Marie Ottavy Sarrola. Mais nous serons à leur disposition et nous les accompagnerons dans la démarche de repositionnement de leurs enfants. On ne leur imposera pas une école en fonction de leur lieu d'habitation. Leur choix sera propre." 

"Jusqu'à présent, nous n'avions pas la possibilité de repositionner les enfants dans d'autres écoles de la ville. Là, nous avons un certain nombre d'écoles qui peuvent les recevoir."

Rose-Marie Ottavy Sarrola

Adjointe aux affaires scolaires à la mairie d'Ajaccio

L'élue ajaccienne ajoute : "Jusqu'à présent, nous n'avions pas la possibilité de repositionner les enfants dans d'autres écoles de la ville. Là, nous avons un certain nombre d'écoles qui peuvent les recevoir. Par exemple, à l'école Saint-Jean, des bâtiments vont se libérer. On va créer une école élémentaire à Bodiccione où il n'y avait qu'une maternelle. Nous faisons cela dans le cadre de cette politique nouvelle de la ville."

Pour l'heure, les parents d'élèves disent attendre des "réponses claires et précises de la mairie". Ils se disent "décidés à poursuivre leur mobilisation" et ne s'interdisent pas de "futures actions" dans les prochains jours.

Ce vendredi, ils ont mis en ligne une pétition pour s'opposer à la fermeture de l'école. En fin de journée, elle comptabilisait plus de 200 signatures. 

Le reportage de Sylvie Wolinsky et Jennifer Cappaï-Squarcini :

durée de la vidéo : 00h02mn48s
L'école de Castelluccio pourrait peut-être fermer ses portes à la fin de l'année scolaire. ©S. Wolinsky - J. Cappaï-Squarcini - G. Jongis

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