Ce mercredi 26 janvier, au second jour du procès de Julien Houillon, la cour d’Assises de Corse-du-Sud a étudié les faits. L’accusé, un marginal, comparaît pour le meurtre de Douglas Leca, un autre marginalisé, le 27 mars 2015 à Ajaccio.
Comment s’est déroulée l’altercation entre Julien Houillon et Douglas Leca dans la soirée du 27 mars 2015 ? C’est ce qu’a cherché à définir la cour d’Assises de Corse-du-Sud, ce mercredi 26 janvier, au second jour du procès de Julien Houillon.
Depuis le début des audiences, l’accusé le répète : "je n’ai pas voulu tuer Douglas Leca, c’était un ami et je ne tue pas mes amis." Les deux hommes, se sont rencontrés quelques années plus tôt, lors d’un séjour psychiatrique à l’hôpital de Castelluccio. Ils sont toxicomanes et sans domicile fixe.
L’origine de la dispute qui oppose les deux hommes est établie : Julien Houillon reproche à Douglas Leca une relation sexuelle avec sa compagne d’alors. Si l'accusé affirme qu'au moment des faits, il n'a bu "que trois bières", plusieurs témoignages attestent d'un homme "qui pue l'alcool".
"Je voulais avoir une explication, il me devait la vérité. Comme il ne voulait pas avouer, j’ai eu l’idée d’appeler Cindy [la compagne ndlr.] et elle a confirmé. Ça n’a pas plu à Douglas et il m’a poussé, je suis tombé, mais moi, je ne voulais pas me battre", explique, tendu, Julien Houillon.
"Je voulais avoir le bras"
Alors au sol, toujours selon les dires de l’accusé, "Douglas essaye de me donner des coups au visage." Julien Houillon se sent alors "bloqué", il "panique". "J’ai sorti mon couteau pour me défendre, pour qu’il me lâche. Je voulais avoir le bras, je n’ai pas vraiment visé, je voulais lui faire du mal pour qu’il me lâche."
Une fois le coup de couteau donné, l’accusé se relève, tout comme Douglas Leca. "En se relevant, il m’a dit quelque chose comme : ‘Tu m’as donné un coup de couteau, mais moi, je t’ai donné une manchette.’ Je suis passé devant les trois témoins qui n’ont pas réagi, je suis parti et j’ai rejoint le domicile de mes amis qui se trouvait juste au-dessus sur le Cours Napoléon", complète l’accusé.
"Mais aviez-vous compris que c’était grave ?", demande Maître Marc Maroselli, avocat des parties civiles. Julien Houillon répond par l’affirmative. "Et malgré tout, vous partez ? Vous ne vous posez pas la question de savoir comment il va ?", reprend l’avocat. "Non, mais quand j’ai vu qu’il y avait les pompiers, je me suis dit que ça pouvait être grave. Et puis j’avais du sang sur mon pantalon et ma veste", rétorque l’accusé. Avenue Jean-Jérôme Levie, Douglas Leca, lui, s’est effondré. Pris en charge par les secours, il décède une heure plus tard au centre hospitalier d’Ajaccio.
Opinel
Interpellé le lendemain et placé en garde à vue durant 48 heures, l’accusé reconnaît les faits. "Il raconte qu’il n’avait pas le dessus, qu’il donne un coup de couteau pour pouvoir s’en sortir", se souvient, à la barre, l’enquêteur en charge de l’enquête.
Néanmoins, de nombreux points restent encore flous. Et notamment la position qu’avaient les deux hommes lors de l’altercation et la façon dont Julien Houillon a pu ouvrir l’Opinel utilisé pour frapper Douglas Leca. La lame de ce type de couteau se replie à l'intérieur du manche. Une bague de sécurité permet, lorsque le couteau est fermé, qu’il ne s’ouvre pas par inadvertance, lorsque le couteau est ouvert, de bloquer la lame afin qu’elle ne se referme pas.
Selon les propos de l’accusé, au moment des faits, il se trouve au sol, Douglas Leca est au-dessus de lui, fléchi, à moitié couché. Pour se protéger, Julien Houillon dit qu’il retient la victime avec son bras gauche. "Comment avez-vous fait pour ouvrir la lame dans votre position ? Il ne vous reste plus que la main droite ...", interroge Me Marc Maroselli. "J’ai tapé le manche par terre", répond l’accusé. "Mais la lame était alors à moitié ouverte, comment faites-vous pour l’ouvrir totalement", reprend Me Marc Maroselli. "Je l’ai raclé au sol", continue Julien Houillon. "Mais comment avez-vous tourné la bague ?", insiste l’avocat. "Je ne l’ai pas fait", déclare l’accusé.
"C’est techniquement impossible"
Entendu en visioconférence, le médecin légiste qui a autopsié le corps de Douglas Leca indique que le coup porté à la victime a été donné avec une certaine force. Lorsque la lame incise la cage thoracique, elle incise aussi un ventricule du cœur. "Il n’y a pas de décalage entre les deux incisions", précise le médecin. La lame a été totalement enfoncée, un peu plus de 10 centimètres.
Selon l’expert, l’arme n’a pas pu être utilisée de manière circulaire comme le soutient l’accusé. "Ce que dit Monsieur Houillon, d’un geste circulaire avec la victime à moitié couchée sur lui, c’est impossible. Dans cette position, la lame entre forcément par le côté. Là, l’incision se trouve sous le mamelon. C’est donc techniquement impossible", continue le médecin légiste.
Maître Laura Furioli, avocate de Julien Houillon, se lève et demande : "Est-ce que, selon vous, Julien Houillon a pu délibérément viser le cœur ?" "Non, c’est un geste qui a été commis dans la précipitation", répond le médecin.
Le procès se poursuit jusqu'au 28 janvier. Les témoignages des parties civiles sont attendus jeudi.