La cour d'assises de l'Isère a entendu, ce lundi, l'ex-meilleur ami de Ludovic Bertin auprès duquel il s'était confié après le meurtre de Victorine Dartois. Le témoin a maintenu ses déclarations, provoquant la colère de l'accusé.
"C’est Ludo, mon pote, mon frère", dira Maxime* aux gendarmes en venant dénoncer son meilleur ami. C’est lui qui, deux semaines après la mort de Victorine Dartois à Villefontaine (Isère), permettra aux enquêteurs de remonter jusqu’à Ludovic Bertin, jugé devant la cour d'assises de l'Isère pour le meurtre de l'étudiante de 18 ans précédé d'une tentative de viol.
"Cet acte m’a coûté mais c’était obligatoire. J’ai fait ce que je devais faire. Je l’ai fait pour moi, je l’ai fait pour la famille Dartois et indirectement, je l’ai fait pour Ludovic", affirme Maxime lors de sa déposition ce lundi 2 décembre.
Le restaurateur de 30 ans, crâne rasé et barbe fournie, connaît Ludovic Bertin depuis l’enfance. Ensemble, ils ont partagé quelques années au collège, des soirées, des petits délits étant plus jeunes. Et c’est vers Maxime que l’accusé s’est tourné lorsqu'il a souhaité parler de cette soirée du 26 septembre 2020.
"Pendant une conversation en Facetime, on parlait du fait divers qui s’est passé en bas de chez lui [le meurtre de Victorine, NDLR] et sur un air de plaisanterie, je lui ai demandé s’il n’avait pas fait le coup. Il a raccroché et 15 minutes après, il était chez moi. Il a dit 'c’est moi'. Je ne m’attendais pas du tout à ce que ça soit réel", se rappelle Maxime, les mains jointes dans le dos, sur un ton clair et assuré.
"J'en déduis qu'il est allé chercher une proie"
Le témoin évoque également les "regrets" de son meilleur ami, qui lui raconte le déroulé des faits. "Il a expliqué qu’il avait voulu la violer, mais ne l’avait pas fait dans un élan de bonne conscience", explique-t-il. "Il se rend compte qu’il est en train de faire une bêtise. Il change d’avis mais il ne peut pas la laisser repartir et l'étrangle."
Ludovic Bertin assure alors, selon Maxime, qu'il va se rendre. "Mais les jours passent et moi, je ne dors pas. J’attends. (...) Je suis obligé d’en conclure que je dois prendre les devants parce qu’une famille attend et moi, je suis une victime collatérale de cette histoire", poursuit-il.
L'accusé, alors marié et père d'un jeune garçon, lui dit avoir consommé de la cocaïne ce jour-là et être parti de chez lui à pied avant de croiser par hasard le chemin de Victorine Dartois. "Quelqu’un qui part sans son téléphone, qui pose sa voiture, qui laisse une fille morte et dévêtue [son pantalon était retiré, NDLR] – chose que je ne savais pas, que j’ai appris après par la presse – j’en déduis qu’il est allé chercher une proie. C’est ma déduction après lui avoir parlé", estime son ex-meilleur ami.
Son discours a évolué tout au long de ma détention. Au début, il voulait m’aider et maintenant, il a la haine contre moi.
Ludovic BertinAccusé du meurtre de Victorine Dartois
Depuis son box, l'accusé s'emporte face aux déclarations du témoin. "C’est le discours de quelqu’un qui a la haine contre moi. Son discours a évolué tout au long de ma détention. Au début, il voulait m’aider et maintenant, il a la haine contre moi", juge-t-il.
"Il adapte bien ses mots, il sait parler pour me faire passer pour un violeur. Son but, c’est que je ne sorte jamais (de prison). Je ne me rappelle pas lui avoir parlé de viol", assène Ludovic Bertin qui a reconnu dès sa garde à vue le meurtre de Victorine Dartois, mais toujours nié la tentative de viol.
Après avoir reçu ces confidences, Maxime s'est à son tour livré à quelques amis "pour prendre la bonne décision". "On sait ce qu’on a à faire intérieurement parce qu’on est normalement constitué mais il y a la question de savoir comment le faire. Et pour ça, j’avais besoin d’aide", justifie le témoin.
Versions discordantes
Florent* s'est ainsi retrouvé dans l'arrière-cour d'un restaurant avec Maxime qui lui a tout dévoilé. "Il me dit directement que Ludovic est à l’origine du décès de Victorine. J’en perds mes mots, je suis très choqué. Je pensais à un accident mais Maxime me dit que non, qu’il a laissé son téléphone et sa voiture chez lui dans le but d’aller chercher une proie à violer", retrace Florent, commerçant de 30 ans, qui connaissait Ludovic Bertin sans être un ami proche.
Dans la foulée, celui-ci emmène Maxime pour qu'il se livre à un gendarme qu'il connaissait. "C’est une évidence qu’il devait le faire parce que ce sont des faits qui sont dramatiques. Mais ça restait son meilleur ami, son frère, donc c’était difficile", complète Florent.
Je resterai toujours sur mes gardes, absolument toute ma vie. Parce que je me méfie de ce qu’il pourrait avoir envie de faire.
MaximeEx-meilleur ami de Ludovic Bertin
Maxime a rapidement été entendu par les enquêteurs en charge des investigations sur la mort de Victorine. Mais trois jours passent et Ludovic Bertin n'est pas interpellé. Son meilleur ami reçoit une vidéo de lui, arme à la main. "Je ne sais pas ce que je dois comprendre. Je lui demande ce qu’il compte faire avec mais il ne me répond pas", souffle-t-il.
Le père de famille de 29 ans est interpellé dans les heures qui suivent, alors qu'il fait le plein de son véhicule à une station-service. L'arme est retrouvée dans le vide-poche. Au cours de l'instruction, il a toujours affirmé avoir étranglé Victorine Dartois après une bousculade et que la victime l'a "insulté" alors qu'il faisait un jogging.
"(Maxime) ne dit pas tout, il ne dit que ce qui l’arrange", maintient Ludovic Bertin qui détaillera sa version des faits mercredi 4 décembre devant la cour d'assises, se disant prêt à "assumer". "Je resterai toujours sur mes gardes, absolument toute ma vie. Parce que je me méfie de ce qu’il pourrait avoir envie de faire, livre l'ex-meilleur ami pour conclure sa déposition. Je suis sur mes gardes constamment et pour toute mon existence."
* Prénoms d’emprunt.