Ludovic Bertin a été entendu par la cour d'assises de l'Isère, ce mercredi 27 novembre, sur la dualité de son parcours, entre sa vie de famille et ses addictions. L'accusé comparaît jusqu'au 6 décembre pour le meurtre de Victorine Dartois précédé d'une tentative de viol.
Longuement interrogé mercredi 27 novembre, Ludovic Bertin s'est expliqué sur ses "vies parallèles". D'un côté, celle d'un mari, père de famille, chef d'entreprise et de l'autre, celle d'un fêtard dépendant à la cocaïne, enchaînant les conquêtes.
"Il y a ces deux vies qui ne se croisent pas", a résumé la présidente de la cour d'assises de l'Isère, interrogeant l'accusé, jugé pour le meurtre aggravé de Victorine Dartois et le viol d'une autre jeune femme. "Qui êtes-vous, M. Bertin ?", lui a-t-elle demandé en préambule, le laissant dérouler le fil de sa vie.
"Toute ma vie, j’ai voulu avoir une vie de famille. Mais à côté, j’étais le Ludovic qui sortait en soirée, qui était infidèle. Je passe le permis mais je conduis sans permis. J’ai toujours voulu faire des trucs bien mais à côté, je fais un peu n’importe quoi. J’ai toujours eu un pied dans le bien et un pied dans le mal", résume Ludovic Bertin, debout, les mains posées sur le rebord du box.
En "guerre" avec sa mère
Des transgressions qui prennent racine, selon lui, dans une enfance "pas facile" passée à Bonnefamille, petit village de l'Isère, aux côtés de sa mère et de ses six frères et sœurs. "J’ai jamais trop accroché l’école, surtout dans ce village. Je me suis toujours senti un peu à l’écart. J’étais le seul élève de couleur. Je me suis jamais senti bien intégré", raconte-t-il.
Ludovic Bertin a grandi au sein d'une famille modeste avec une mère qui s'est occupée seule de la fratrie, et un père décédé alors qu'il avait 9 ans. "Ma mère travaillait, donc elle n’avait pas trop le temps de bien s’occuper de nous à l’époque. On mangeait souvent la même chose. Acheter des vêtements à tout le monde, c’était pas forcément possible, donc j’ai mis ceux de mes grands frères", poursuit Ludovic Bertin, racontant aussi le climat conflictuel qui régnait à la maison.
J’ai été mis à la porte, j’ai souvent dormi dehors, j’ai passé des hivers dehors.
Ludovic BertinAccusé du meurtre de Victorine Dartois
Il s'est dit "en guerre" avec sa mère lors de son adolescence. En échec scolaire, il a été renvoyé de son collège et a abandonné deux CAP qu'il avait débutés. Ludovic Bertin a trouvé un travail à 18 ans, motivé à l'idée de gagner l'argent qui lui a "manqué" lorsqu'il était plus jeune. Aussitôt, il a quitté le domicile familial pour s'installer avec son ex-femme, rencontrée quatre ans auparavant.
"Je ne pouvais plus rester là-bas. J’étais puni H24, j’ai pris des coups", décrit l'accusé. "J’ai été mis à la porte, j’ai souvent dormi dehors, j’ai passé des hivers dehors. À 16 ans, j’ai acheté une voiture pour dormir dedans. Une Clio que j’avais payée 150 euros sur Leboncoin. Elle démarrait, il y avait le chauffage."
Violences conjugales
Tout juste majeur, Ludovic Bertin avait déjà été condamné à quatre reprises pour vol, recel, conduite sans permis et sans assurance. Et les condamnations se sont enchaînées. "J’ai travaillé, essayé de mener une vie de famille. C’est vrai que j’avais pas forcément de bonnes fréquentations, j’ai pas forcément fait les bons choix", reconnaît-il.
La vie du couple est émaillée de violences dès les premiers temps. "On est deux tornades", image l'accusé. "Je cassais tout quand je me disputais avec elle. Nos disputes étaient vraiment violentes. Mais c’était pas tous les jours, c’était exceptionnel. Avec le temps, on a appris à vivre ensemble."
Mais son addiction à la cocaïne se renforce. Un élément que tous ses proches semblaient ignorer. "Ça ne s’est jamais arrêté. C’est monté crescendo, explique-t-il. Ça ne m’a pas forcément réussi. Au début, c’était cool. Mais quand ça commence à avoir un impact sur la vie personnelle, professionnelle, ça devient ingérable."
Très vite, la famille de son ex-femme rompt tout contact avec le couple, n'approuvant pas leur relation. "Il est filou, malin, vicieux. Il y a quelque chose de sombre, de diabolique en lui", avait assuré aux gendarmes l'ex-belle-mère de l'accusé qui ne s'est pas présentée pour témoigner à l'audience pour raisons médicales.
Devenu père d'un petit garçon en 2019, Ludovic Bertin continue de mener une double vie. "Même si j’étais marié, j’aimais plaire, je sortais beaucoup. Il m’est arrivé d’avoir des relations extraconjugales. C’était des relations d’un soir, il n’y a pas eu de relations sérieuses", assure-t-il.
"La détention lui fait du bien"
Au cours de l'enquête, quelque 350 fichiers à caractère pornographique sont découverts dans son téléphone et son ordinateur, ainsi que des centaines de vidéos violentes et images d'armes. L'accusé a démenti toute "addiction" à la pornographie. Incarcéré depuis près de quatre ans, il affirme avoir entamé un suivi psychologique pour tenter de "comprendre" ce qui l'a conduit en détention.
"Je comprends parce que j’ai fait une bêtise… C’est même pas une bêtise, je ne sais pas comment le qualifier. Ça m’a emmené en prison, c’est censé être ma punition, je comprends ça", dit-il en cherchant ses mots, le regard rivé vers la cour, tandis que la famille de Victorine Dartois ne le quitte pas des yeux.
On peut au moins lui donner le crédit d'avoir voulu se regarder en face, d'avoir cherché et trouvé des débuts d'explication à son comportement.
Me Arnaud AdéliseAvocat de Ludovic Bertin
"La détention lui fait du bien. Il a commencé un travail depuis plusieurs années. Ce travail est continu, ne s'arrêtera pas. On peut au moins lui donner le crédit d'avoir voulu se regarder en face, d'avoir cherché et trouvé des débuts d'explication à son comportement", souligne son avocat, Me Arnaud Adélise.
Ludovic Bertin comparaît jusqu'au 6 décembre devant la cour d'assises de l'Isère pour le meurtre de Victorine Dartois, étudiante de 18 ans, précédé d'une tentative de viol. S'il a reconnu avoir donné la mort à la jeune fille, l'accusé a toujours nié le mobile sexuel. Il est également jugé pour le viol d'une autre jeune fille, "Vicky", commis en 2018. Celle-ci sera entendue par la cour jeudi, tout comme Ludovic Bertin qui a toujours parlé d'une "relation consentie".