Ludovic Bertin est jugé devant la cour d'assises de l'Isère pour le meurtre aggravé de Victorine Dartois et le viol d'une autre jeune femme, Vicky, qui a témoigné ce jeudi. Elle a raconté avoir été étranglée et violée, ce que l'accusé conteste.
C'est une soirée en boîte de nuit comme Vicky* en faisait presque tous les week-ends. Ce soir-là, elle sort avec une amie au César Palace, un club non loin de Villefontaine (Isère), et croise la route de Ludovic Bertin. Tous deux s'étaient déjà rencontrés dans le même club quelques semaines auparavant. Ils avaient sympathisé, passé la fin de soirée ensemble.
Mais cette nuit du 8 au 9 septembre 2018 va "tout changer" pour Vicky, alors âgée de 19 ans. "Je me suis beaucoup renfermée, j’étais en dépression", se rappelle la jeune femme ce jeudi 28 novembre à la barre de la cour d'assises de l'Isère. "C’est très compliqué, mais il fallait que je sois là."
Cheveux attachés en chignon, vêtue d'un large chandail noir, Vicky a raconté la nuit où elle affirme avoir été violée par Ludovic Bertin, également jugé jusqu'au 6 décembre pour le meurtre aggravé de Victorine Dartois.
Alors que la soirée en boîte touche à sa fin, l'accusé se propose, ce soir-là, de raccompagner la jeune femme. "C’était quelqu’un de sympa, on avait passé une bonne soirée, je ne voyais pas le problème", retrace-t-elle. Tous deux s'arrêtent brièvement devant le domicile de Ludovic Bertin pour qu'il y récupère de la cocaïne. Nouvel arrêt sur un chemin de campagne quelques minutes plus tard.
"Il a sorti une petite arme noire de son vide-poche. Il s’est amusé à tirer en l'air", évoque Vicky. Tous deux ont bu de l'alcool et consommé de la cocaïne une partie de la soirée. A l'heure d'arriver chez la jeune femme, Ludovic Bertin entre "pour boire un verre d’eau", dit-elle.
"Je n'arrivais plus à respirer"
Vêtue d'un t-shirt transparent, Vicky part se changer dans les toilettes lorsqu'il entre dans la pièce. "Quand je me suis retournée, c’était plus la même personne. Son regard avait changé. Il a commencé à m’insulter, à me tirer par les cheveux en me disant que je l’avais allumé toute la soirée", explique-t-elle, en pleurs.
"Il me tire par les cheveux, m'étrangle. Il serre, il serre… Il me demande de coucher avec lui. Au début, je disais non. J’ai réussi à le mordre donc il a desserré et là, j’ai dit que je ferai tout ce qu’il voulait, souffle Vicky. Si je ne cédais pas, j’allais y rester. Je n’arrivais plus à respirer. Et il a eu un rapport sexuel avec moi."
Un acte dont elle garde très peu de souvenirs. "C’est comme si j’étais au-dessus. Comme si je survolais la scène. J’ai l’impression que ça a duré une éternité", continue-t-elle difficilement. Prétextant de devoir se rendre au travail, elle demande à Ludovic Bertin de la déposer au bar que tient sa mère à Saint-Laurent-de-Mure (Rhône).
"Elle est rentrée en courant. Elle était à genoux sous le bar. Elle m'a dit 'il est là'", se remémore la serveuse qui venait d'ouvrir l'établissement. Elle décide d'appeler la mère de Vicky. "Je suis entrée dans la cuisine et j'ai vu ma fille par terre en train de pleurer avec des billets dans la main. Elle bégayait. Elle m’a expliqué qu’elle s’était fait violer, qu’il avait retiré de l’argent. Elle n'en voulait pas", témoigne cette dernière.
De l'argent que Ludovic Bertin aurait donné à la victime en "dédommagement", d'après celle-ci. "Dans l’état dans lequel elle était, ajoute sa mère, elle ne pouvait pas inventer." Vicky décide toutefois de ne pas porter plainte, souhaitant "oublier". "J’avais pris de l’alcool, la drogue. Je me suis dit que personne n’allait me croire, que ça ne me servait à rien."
Elle se confie rapidement à ses amis qui lui conseillent d'échanger des messages avec lui pour conserver des preuves. Vicky lui dit avoir "très mal au cou", douleurs pour lesquelles elle a consulté son médecin qui lui a prescrit un traitement. "Putain désolé j'suis con. Si je peux faire quelque chose, dis-moi. Je suis pas comme ça normalement. J'étais pas dans mon état normal, t'as du voir", lui répond l'accusé au lendemain des faits, assurant toutefois ne pas l'avoir "forcée à coucher avec (lui)".
L'accusé dément
Une version des faits que Ludovic Bertin a maintenue devant la cour d'assises. "Elle est allée dans la salle de bain. Je me rappelle qu’elle est sortie, on a pris de la cocaïne. Il y avait deux verres de rhum et on a eu un rapport", raconte-t-il depuis son box.
"J’ai peut-être été un peu brutal pendant le rapport mais elle ne s’en est pas plainte. Pas brutal dans la violence, c’était un rapport où je lui ai tiré les cheveux et je l’ai insultée", décrit encore le jeune homme, démentant l'avoir étranglée.
"Il n’y a pas deux victimes. Il y a une victime et une plaignante", déclare-t-il. Egalement interrogé, le frère de l'accusé estime que Ludovic Bertin "n'est pas un violeur". "Elle avait énormément d’attirance pour mon frère, elle le suivait toute la soirée. (...) Pour moi, il ne ferait pas ça", avance-t-il.
Elle est beaucoup moins festive, marrante, très angoissée. C’est un peu normal. Ça a tout changé.
La mère de Vicky
Vicky s'est résolue à déposer plainte deux ans plus tard, après avoir vu le visage de Ludovic Bertin "à la télé" alors qu'il venait d'être interpellé pour le meurtre de Victorine Dartois, étudiante de 18 ans dont le corps a été découvert partiellement dénudé moins de 48 heures après sa disparition, en septembre 2020.
"J’ai eu énormément de culpabilité. Peut-être que si j’avais parlé à l’époque, ça ne serait pas arrivé", sanglote Vicky, décrivant ses "angoisses". "Depuis que j’ai porté plainte, ça a été très compliqué pour moi. J’ai pris beaucoup de poids. A l’époque des faits, je faisais 65 kg. J’ai pris 25 kg."
"Elle est beaucoup moins festive, marrante, très angoissée. C’est un peu normal. Ça a tout changé. Heureusement, elle rigole toujours. Mais elle n’a plus confiance en elle", constate la mère de la jeune femme avec laquelle elle décrit une relation "fusionnelle".
En fin de journée, l'accusé estimait qu'aucun élément "n’avait prouvé une quelconque culpabilité de (sa) part" pour les faits de viol. De nouveaux témoins, proches de Vicky, s'exprimeront vendredi devant la cour d'assises de l'Isère avant de laisser place à la famille de Victorine Dartois, très éprouvée depuis l'ouverture des débats.
* Prénom d'emprunt.