Commémoration de la mort du préfet Erignac : "il faut tourner la page"

Prononcé à Ajaccio devant de nombreux élus insulaires, le discours d'apaisement du ministre de l'Intérieur apparaît comme une main tendue envers l'Exécutif de Corse. La reprise des discussions sur l'avenir institutionnel de l'île semble en bonne voie.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

"25 ans après la mort du préfet Erignac, il est temps d’inaugurer ensemble le début de la suite. Oui, il est temps d’écrire une  nouvelle page de l’histoire de la Corse, d’inscrire dans le marbre de la paix, dans l’avenir, que chacun se sente infiniment respecté.  Le gouvernement de la République y est prêt, il vous attend."

Avenue Colonel Colonna d’Ornano, là où le préfet Erignac a été assassiné le 6 février 1998, le ton du ministre de l’Intérieur est solennel. Les mots sont posés et pesés.

Face à une assistance composée essentiellement d'élus, maires, hauts fonctionnaires et officiels, la teneur du discours de Gérald Darmanin n’est pas la même que celle du dernier haut représentant de l’État à être venu commémorer l’anniversaire de la mort de Claude Erignac. C’était Emmanuel Macron, en 2018. La mort du préfet "ne se plaide pas" avait alors précisé, dans une allocution sans concession, le président de la République.

Cinq ans plus tard, la tonalité du discours étatique a changé. Le contexte politique aussi. Un autre assassinat, celui d’Yvan Colonna en mars dernier, et les violences qui en ont découlé sont venus rebattre les cartes des relations entre Paris et l’exécutif autonomiste. Un exécutif à qui Gérald Darmanin a dit "tendre la main" ce lundi à Ajaccio.

Car en toile de fond de ces commémorations se joue aussi la reprise des discussions - jusque-là suspendues - entre le gouvernement et les élus insulaires. En témoigne le discours en deux temps du ministre : une première partie mémorielle, une seconde politique.

La lumière et les tombeaux

En amont de cette cérémonie, nombreux étaient les élus à se demander si Gérald Darmanin aborderait ici la question du processus. "Ça m’étonnerait", glisse un maire de Haute-Corse, contredit quelques minutes plus tard par l’allocution du pensionnaire de la place Beauvau : "C’est pour la cause de la paix que l’État et les élus locaux ont renoué le dialogue et vivifié ces derniers mois de nouveaux projets pour la Corse", déclare le ministre.

"Jusqu’à son dernier souffle, poursuit-il, Claude Erignac fut habité par cette promesse de la République. 25 ans après, c’est lui qui nous réunit au service de la paix. À présent, il faut laisser la lumière estomper le contour des tombeaux", ajoute-t-il, balayant du regard l’ensemble des représentants du monde politique insulaire, toutes tendances confondues. Une formule empruntée à l’écrivain corse Jérôme Ferrari. Et qui s’adresse peut-être aussi aux indépendantistes de Corsica Libera et de Core in Fronte qui ne sont pas là.

José Rossi et Emile Zuccarelli

Visage fermé et crispé, Gilles Simeoni écoute le ministre employer à plusieurs reprises le mot "paix", tout en citant Aragon. Le député Jean-Félix Acquaviva, également président de la commission d’enquête parlementaire sur l’assassinat d’Yvan Colonna, est lui aussi présent. Tout comme ses homologues de Corse-du-Sud Paul-André Colombani et Laurent Marcangeli, rapporteur de cette même commission parlementaire.

Tous deux anciens ministres, José Rossi et Emile Zuccarelli sont eux aussi attentifs aux propos de Gérald Darmanin. Les deux hommes avaient d’ailleurs participé au processus de Matignon deux décennies avant celui de Beauvau. Là aussi, le contexte était différent. La question de la semi-liberté de Pierre Alessandri et d’Alain Ferrandi n’était alors pas d’actualité. Et ne constituait pas, comme aujourd’hui, "un préalable" à la poursuite des discussions.

"J’ai été choqué de l’assassinat du préfet Erignac il y a 25 ans, confie l’ancien député-maire de Bastia Emile Zuccarelli. Mais si la justice de mon pays dit que les peines ont été exécutées et que l'on peut aller vers d’autres formes de souvenir, si j’ose dire, ça me parait très bien. J’ai noté la décision de justice concernant Pierre Alessandri (semi-liberté accordée le 31 janvier, ndlr) et j’ai cru comprendre qu’on attendait une décision un peu analogue pour Alain Ferrandi (elle sera rendue le 23 février, ndlr)."

Applaudissements

Au pied de la stèle érigée en mémoire de Claude Erignac, le ministre et l'actuel préfet déposent des fleurs. Le député Laurent Marcangeli et le sénateur Jean-Jacques Panunzi aussi. "Une nouvelle fois, on regrette que le président de l’exécutif n’en ait pas fait de même", glissent sotto voce deux anciens élus locaux non nationalistes.

Comme l’ensemble de l’assistance et des élus autonomistes présents, Gilles Simeoni applaudit le discours de Gérald Darmanin. Ce qu’il n’avait pas fait ici même en 2018 après l’allocution d’Emmanuel Macron. Peut-être le signe que la page est en train d'être tournée. Des deux côtés.

"[La page] aurait dû être tournée après l’assassinat du préfet Erignac, l'État n'a pas su prendre la main qu'il fallait"

Demetrius Dragacci

Ancien directeur du SRPJ de Corse

"Le Ministre a fait un discours intelligent, analyse Demetrius Dragacci, l’ancien directeur de la police judiciaire en Corse. Ce n’est pas le premier, j'espère que ce ne sera pas le dernier. Pour le reste, je n'ai pas à commenter des questions politiques. Il faut tourner la page, il faut qu’on tourne la page, et que l'État nous aide à tourner la page. Elle aurait dû être tournée après l’assassinat du préfet Erignac, l'État n'a pas su prendre la main qu'il fallait."

Lundi à Ajaccio, Gérald Darmanin l’a de nouveau tendue. Verbalement et physiquement.

Il a aussi convié une vingtaine de maires à un déjeuner en préfecture.

Au sortir de ce repas, on apprenait que les réunions sur l'avenir institutionnel de l'île devraient reprendre à partir du 24 février à Paris. La veille, la cour d’appel antiterroriste rendra son jugement concernant la demande de semi-liberté d’Alain Ferrandi.

Entre-temps, le ministre a prévu de revenir en Corse.

Le reportage de nos équipes lundi à Ajaccio : 

durée de la vidéo : 00h02mn08s
À Ajaccio, de nombreux élus insulaires ont assisté à la cérémonie en hommage au préfet Claude Érignac présidée par le ministre de l'Intérieur. ©D. Moret - F. Rombaldi - L. Salini

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information