Les faits se sont déroulés à la mi-juin, à la sortie d'un bar du centre-ville. Les deux jeunes hommes ont été pris à partie par quatre ou cinq personnes qui n'avaient pas apprécié de les voir s'embrasser.. Une plainte a été déposée pour violences volontaires en réunion.

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C'était un mardi soir de juin pour Eric* et Nicolas*. 
Une de ces nuits qui a le parfum inimitable des débuts d'été en Corse.
Une de ces nuits plus longues, plus languissantes, plus chaleureuses.
Une de ces nuits où l'on s'attarde aux terrasses des cafés, où l'on flâne dans les rues désertes, grappillant les courants d'air qui montent du port et se faufilent entre les ruelles de la vieille ville. 
Une de ces nuits où tout semble possible. 
Le meilleur, et parfois le pire.

 

Un simple baiser, au mauvais endroit

Eric a fini son service un peu plus tôt que d'habitude.  
Le restaurant a fermé à une heure décente, et le serveur a envoyé un SMS à Nicolas, son petit ami. 
Nicolas a 17 ans, presque dix ans de moins qu'Eric, et il est en vacances. Alors dès qu'Eric a du temps libre, il le passe avec lui. 
Les deux hommes se retrouvent dans un de ces bars qui ont les faveurs de la jeunesse ajaccienne. 
A l'intérieur, là où l'ambiance est plus festive, la musique plus forte, et le comptoir plus accessible. 

Vous n'avez pas honte de vous embrasser ici ?

La nuit avance, sans prévenir, et il est presque 3 heures du matin quand le couple se résout à rentrer. 
Ils ne vivent pas ensemble, et il est temps de se dire au revoir. 
Est-ce l'insouciance de ce nouvel été qui débute, l'alcool, l'espoir, un peu fou, que les choses ont changé ?
Nicolas et Eric échangent un baiser.
Pas un baiser langoureux, un simple smack. 
Qui ne plaît pas à tout le monde. 
 

Une homophobie ordinaire

Eric se souvient : "je sens une main sur mon épaule, je me retourne et me retrouve nez à nez avec un type d'une vingtaine d'années, qui me dit : "vous n'avez pas honte de vous embrasser ici ?" J'enlève la main de son épaule, et le ton monte". 
Quelques insultes fusent, les bras commencent à s'agiter un peu trop, mais avant que les choses ne dégénèrent, quelques personnes s'interposent."L'une d'elle, un gars un peu plus âgé, m'a conseillé de ne rien dire, que c'était des débiles".
Tout le monde n'est pas aussi bienveillant. L'un des responsables du bar vient voir le jeune couple, l'air un peu irrité, pour leur reprocher de s'être embrassés "là". Comme si c'était une provocation qui ne pouvait déboucher que sur ce genre d'altercation...
Eric et Nicolas se dirigent vers la sortie. "On comptait rentrer, de toute façon", sourit Nicolas. 
Mais la soirée n'est pas finie.

"J'ai pris aussi des cazzotti à la mâchoire, j'ai pas pu mâcher pendant quatre jours..."

Quatre ou cinq personnes, "impossible de se souvenir exactement, c'est allé super vite", les suivent sur le trottoir. 
"On n'a même pas eu le temps de se retourner qu'ils ont commencé à frapper. J'avais bu deux Despé, j'étais clair, mais j'ai vu rouge. Vraiment", se rappelle Eric. 
Pour autant, à deux contre quatre ou cinq, difficile de faire le poids. "Je tombais, je me relevais, je mettais un coup de poing, je prenais des coups, je retombais..."
 

Le nez en sang, la chemise déchirée

Le temps que les autres clients réagissent, et sortent du bar, attirés par les cris, les agresseurs sont partis. 
Eric et Nicolas sont toujours là, dans un sale état. 
Eric, particulièrement, qui était en première ligne. Le nez en sang, la chemise déchirée, maculée...
"J'ai pris aussi des cazzotti à la mâchoire, j'ai pas pu mâcher pendant quatre jours..."

L'un des agresseurs, je le connaissais. J'avais fait une saison avec lui, une avec son frère

Les deux victimes de la rixe prennent le chemin du commissariat, même si elles ne sont pas sûres de ce qu'elles vont y faire. 
"Je ne croyais pas trop aux plaintes, raconte Eric. On entend tellement de gens raconter que ça n'a servi à rien..."
Là encore, ce n'est pas simple. Commissariat d'Ajaccio


"L'un des policiers qui nous a reçus nous a dit la même chose que le gérant du bar. Qu'on n'avait pas à faire ça. A s'embrasser en public. D'autres nous ont écouté, et nous ont conseillé de porter plainte. Mais pour l'heure on ne pouvait pas, moi j'étais à 0,38 degrés d'alcool dans le sang, et Nicolas, lui, est mineur. Et puis ils avaient besoin d'un examen médical pour prendre notre plainte."
Un examen médical qu'ils effectueront le lendemain, et qui se soldera par 5 jours d'ITT pour Eric.  

5 jours d'ITT

Eric et Nicolas sont retournés au commissariat, et ont porté plainte pour violences volontaires en réunion, et injures à caractère homophobe.
Ils espèrent que leur histoire permettra de sensibiliser l'opinion publique, et les autorités, sur ce genre d'affaires. 
Près d'un mois après l'agression, la douleur des coups est passée. Reste l'amertume. 
"L'un des agresseurs, je le connaissais. J'avais fait une saison avec lui, et une avec son frère. On n'était pas amis, juste collègues, il travaillait en salle, moi au bar... Il savait que j'étais gay, tout le monde le sait. Mais il n'y avait jamais eu aucun problème. Jusqu'à ce soir-là. Que quelqu'un de mon entourage, même lointain, ne tente pas de calmer son pote, mais entre plutôt dans la bagarre, ça me fait bien chier..."

*Les prénoms ont été modifiés à la demande des victimes
 

L'arcu a dénoncé cette agression par un communiqué de presse, dans lequel l'association LGBTI interpelle les élus insulaires. 

 
Laurent Marcangeli, maire d'Ajaccio, a publié un communiqué de presse où il affirme que "les victimes de violences homophobes me trouveront toujours à leur côté : je leur dis tout mon soutien et toute ma solidarité."

Communiqué de presse de Laurent Marcangeli

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