Journal de bord d'une confinée : le gras au corps

Depuis la mi-mars, et l'instauration du confinement dans le pays, l'une de nos journalistes raconte ses journées. Ce jeudi, on comprend que pendant ce confinement tout le monde a fait du gras ... sauf sa mère. 

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Retrouvez le chapitre 49 : 

  • Chapitre 50 : le gras au corps


Ma copine-super-chouette avait coincé son téléphone entre sa peau et sa culotte pour aller marcher, faute de poches. Elle m’a dit, « tu sais à quoi je sais que j’ai fait du gras ? ». J’ai certainement paru dubitative sur la question. Elle a poursuivi, « parce que je ne sens plus mon smartphone vibrer sur ma hanche». Je crois que j’ai pouffé de rire.

 


Poursuivie par les lipides…

Je dois lui raconter ici qu’en rentrant de la mienne, de promenade, j’ai entendu mon prénom retentir dans la rue. Quand je me suis retournée, Tony, un ami dont la famille tient une pâtisserie dans le quartier où vivaient mes grands-parents, me lançait, casque de moto sur la tête,  « j’ai vu ta chevelure passer, rentre manger un gâteau ».

Nous étions à la fermeture du magasin, je me suis donc arrêtée quelques minutes, refusant catégoriquement la douceur qui m’était offerte : je n’en peux plus de faire gras ! Après un échange intéressant concernant les gestes barrières énoncé le matin même par la médecine du travail au sein de l’entité où travaille mon ami (remise d’un masque aux visiteurs à l’entrée, interdiction d’utilisation de la machine à café, deux mètres de distance en discussion, interdiction d’accès au bureau de son collègue, désinfection des poignées de porte uniquement maniée par l’occupant du bureau, etc…), j’ai repris mon chemin.

J’avais fait à peine quelques pas que retentissait de nouveau mon prénom. Mon ami me poursuivait avec, à la main, un sachet rempli de viennoiseries, « Tu les mangeras demain matin avec Nicolas ». En rentrant, je me suis empressée de les remettre à mon voisin en lui disant, « elles sont pour toi, de la part de Tony ». 

Je crois que, hier, j’ai redistribué tout ce qui ressemblait de près ou de loin à du gras. Du gras que j’avais commandé notamment. Car j’ai fini par récupérer la commande de fromages passée quelques jours auparavant. Rendez-vous m’était donné, en bord de route, quartier des Palmiers, pour réceptionner les trois « brebis » fermier et les faisselles de brocciu, directement livrés de Pratavone. Le point de ralliement me permettait de croiser ma cousine adorée que je n’avais plus vue depuis un moment. Juste le temps d’un coucou de loin cependant parce que je devais me rendre chez ma mère, qui, elle, ne fait pas de gras et avec laquelle on peut partager le sien.
 


Maman sylphide…

Effectivement, ma chère mère a la particularité de ne pas en faire (du gras). Non, elle, au deuxième enfant, elle était moins « grosse » qu’avant ses grossesses, c’est-à-dire toute fine avec des formes juste là où il faut ce qui, en plus de son port altier, m’a toujours valu les compliments de mes ami(e)s et connaissances concernant son élégance naturelle (à ce niveau-là, elle ne m’a fait cadeau de rien, elle a tout gardé). J’ai pourtant cherché une grande partie de ma vie : pas l’ombre d’un soupçon de ressemblance avec celle qui m’a donné la vie concernant la silhouette.

Quand, hier, je me suis plainte de gagner en volume, elle a dit, « moi aussi, j’ai grossi ». Nous étions assises sur sa terrasse (oui, maintenant, je me déchausse et je cours vers l’extérieur pour rester un peu), j’ai regardé son lobe d’oreille droit voir s’il ne s’était pas un peu empâté, ce qui aurait d’ailleurs expliqué le problème avec le masque, évoqué dans un précédent papier… mais non.

D’ailleurs, j’étais même surprise, car elle revenait sur le sujet pour me dire, « on va bien devoir le porter (le masque)... ». Sa sœur, qui vit au Sénégal, l’avait appelée dans les jours précédents pour lui dire qu’elle en faisait faire dans des tissus colorés de là-bas. Je me suis dit que cela l’avait peut-être convaincue. J’ai proposé, « demande lui de t’en envoyer dans des motifs vifs, cela peut être sympa ». J’avais repensé à la réflexion rapportée par ma copine joggeuse à laquelle un monsieur avait soufflé, « vous avez un joli masque ». Peut-être que dans la vie d’après, « vous avez un jolie sourire », ne sera plus d’actualité.

Ma mère a failli me faire perdre le mien quand elle a dit, « 2,5kg, c’est la prise de poids moyenne durant ce confinement ». J’ai répondu, « je ne sais pas, je ne me pèse pas ». Et j’ai cherché où elle avait pu placer ses deux kilos et cinq cent grammes. J’ai également repensé à cette blague qui circulait sur les réseaux sociaux, « le confinement est prolongé de 5 kilos ».

Ma mère m’a dit qu’elle mangeait beaucoup sucré en ce moment. C’est vrai qu’elle est devenue plus gourmande en veillissant. Puis elle est revenue sur les masques pour me parler du lavage. Ma tante, qui fréquente des scientifiques de son pays, aurait informé sa sœur d’un procédé simple pour désinfecter les bouts de tissu après chaque utilisation : les positionner quelques minutes au-dessus d’une casserole d’eau en ébullition. J’imagine ma mère en apprenti chimiste, elle qui passe son temps à se brûler, tour à tour, avec son four ou son fer à repasser. « Tu comprends, s’il faut les laver à chaque fois à 60 degrés, ils ne vont pas tenir longtemps ! ». Oui, maman, je comprends. Est-ce que je lui dis que la méthode préconisée pour aseptiser dans les petits magasins de prêt-à-porter après chaque essayage est le fer à défroisser ? (c’est ma copine-super-chouette-qui-fait-du-gras-sur-la-hanche qui me l’a rapporté.)

 


Installée sur la terrasse de ma mère, je pensais aux fromages qu’il me restait à distribuer pour bannir le gras de mon alimentation, quand je me suis écriée, « regarde, maman, c’est Juliette-la-tourterelle ! » (et sûrement Roméo à ses côtés.) 

Là, dans un éclair de génie, je me suis dit, et si je jetais tout ce qui fait grossir aux pigeons, les gâteaux, le pain… les bonbons ? Là, le téléphone a sonné : « coucou, je ne t’ai pas croisée aujourd’hui sur la promenade du bord de mer », a dit la voix à l’autre bout du fil.

Non, aujourd’hui, j’ai préféré rester sur le balcon à faire du gras avec ma mère (qui, elle, n’en fait pas)!

 
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