"On a même des vacanciers qui viennent pour nous aider". L'association Corsica Clean Nature au rendez-vous pour nettoyer les plages d'Ajaccio

À chaque tournée hebdomadaire, les bénévoles de l'association ramassent des centaines de litres de déchets sur les plages à proximité d'Ajaccio. La Méditerranée est la mer la plus polluée du monde.

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Avec l'été, à Ajaccio arrivent les touristes en masse et l'impératif de leur offrir des plages propres... tout en veillant au bon respect des règles par chacun. Cette année encore, des associations comme Corsica Clean Nature participent au nettoyage des plages du sud, de "Petit Capo" à Mare E Sole.

À chaque tournée hebdomadaire, d'avril à octobre, ils ramassent des centaines de litres de déchets humains, et ça en moins de deux heures.

Lors de leur dernière tournée, mardi 20 août dernier, sur la plage d'Agosta, ils étaient 14 à donner de leur temps pour réparer les incivilités et maladresses de leurs prochains. L'événement est ouvert à tous, adhérents ou non.

Des déchets qui exaspèrent

S'il y a bien un type de déchet qui énerve profondément Danielle Chiaroni, ce sont les mégots de cigarettes. "Combien de fois on a étalé notre serviette dans du sable plein de mégots...", soupire celle qui est bénévole pour l'association depuis 3 ans, avec son mari. "C'est exaspérant de voir ça, surtout sur la plage des Sanguinaires, qui est magnifique. À travers cette association, on a voulu soutenir des gens qui se donnent la peine d'y croire. En plus, elle n'est pas contraignante, on peut venir quand on veut."

La bénévole est autant témoin d'incivilités de la part des touristes que des locaux. "Une fois, j'ai vu un bus de touristes allemands qui faisaient une pause cigarette à côté de la plage de la Terre Sacrée et qui jetaient leurs mégots par terre", se souvient la médecin généraliste retraitée. "C'est assez décourageant, sachant qu'en plus ça fait courir des risques d'incendie. Il y a aussi le problème des paillotes, certaines sont exemplaires, mais d'autres n'installent pas de cendrier sur les tables, et on se retrouve avec des mégots partout autour dans le sable, avec des enfants qui jouent carrément dedans."

Au moins, quand on fait nos opérations de nettoyage, il y a toujours des gens qui viennent nous remercier pour ce qu'on fait. On a même des vacanciers qui viennent pour nous aider.

Danielle Chiaroni, bénévole

Lors de leur dernière opération nettoyage, mardi dernier les bénévoles ont rempli trois sacs jaunes et un noir, soit 300 litres, principalement de déchets plastiques, et ramassé 2400 mégots. "D'habitude, on est plutôt entre 3 000 et 5 000", explique Sylvie Michel, présidente de l'association, qui lutte depuis cinq ans contre l'accumulation des déchets humains sur les plages corses.

"On trouve par exemple beaucoup de cotons-tiges, car les gens les jettent dans les toilettes et ils finissent par être rejetés dans la mer. C'est tellement fin que ça passe malgré les filtres dans les égouts. Il y a aussi tout ce qui sachet de chips, qui s'envolent facilement. Les gens sur les bateaux, que ce soit des touristes ou des locaux, ne font pas toujours attention, même lorsqu'ils sont dans des zones protégées comme à Scandola."

Prochain nettoyage prévu le 27 août à la plage de Capinello, de 18h30 à 20h.

La mer "la plus polluée" du monde

Selon un rapport du Fonds Mondial pour la Nature (WWF) datant de 2018, la Méditerrannée est la mer la plus polluée du monde. Alors qu'elle représente 1% des eaux du globe, elle accumule en revanche 7% de tous les microplastiques (moins d'un millimètre), avec "en cause, une production et une consommation excessives, une mauvaise gestion des déchets et le tourisme de masse." A cela s'ajoute qu'il s'agit d'une mer semi-fermée.

Outre la pollution visuelle que constituent ces déchets, le problème des plastiques abandonnés est qu'ils se dégradent en microparticules à cause du sel et du soleil. Conséquence, ils finissent dans l'estomac des animaux (poissons, oiseaux, tortues, etc...), ce qui réduit leurs espérances de vie et perturbe leur reproduction. Les plastiques mettent de 100 à 1000 ans pour se décomposer dans la nature.

"Le plastique compose 95% de la pollution qu'on retrouve sur les plages, dont 5 à 6% qui pourraient être recyclés, rappelle Anthony Fusella, co-fondateur de l'association Mare Vivu, qui réalise des missions scientifiques et environnementales. On en retrouve partout aujourd'hui, y compris dans ce qu'on mange. Chaque semaine, c'est comme si on consommait l'équivalent d'une carte de crédit, or les bactéries qui adhèrent à la surface du plastique sont nocives pour l'humain."

Ramasser les déchets sur les plages, c'est bien, mais ça revient à vider l'océan à la petite cuillère, car c'est s'attaquer aux conséquences et non aux causes de la pollution plastique.

Anthony Fusella, co-fondateur de Mare Vivu

Bien qu'elle loue la bonne volonté et le rôle de sensibilisation des bénévoles qui ramassent les déchets sur les plages, l'association rappelle que pour réellement s'attaquer à la pollution plastique, il faut traiter le problème à la racine.

"Près de 80% de ce qu'on retrouve en mer proviennent de la terre, donc il ne faut pas que se focaliser sur les incivilités des gens sur la plage. Aujourd'hui, il y a par exemple des systèmes qui sont développés pour adapter aux évacuations pluviales des filtres qui captent les plastiques juste avant qu'ils n'atteignent la mer. D'ailleurs, la plupart des mégots qu'on retrouve sur les plages sont en réalité jetés en ville, puisqu'ils sont emportés dans les égouts via la pluie, avant d'être rejetés dans la mer et ramenés sur le sable par les courants marins."

À compter du 1er janvier 2025, la France devrait imposer un filtre à microfibres sur les lave-linge neufs, pour capter toutes les fibres qui se détachent des vêtements synthétiques.

Le rôle de la mairie

En dehors des actions bénévoles, il incombe à la commune d’Ajaccio d’assurer la propreté de ses plages, une démarche qu'elle assure sur son site avoir récemment renforcé en s'associant à l'éco-organisme Citeo. Son plan d'action prévoit notamment de la sensibilisation scolaire et "l’installation de cendriers dans toute la ville".

Depuis l'année dernière, la ville d'Ajaccio, a également mis en place une initiative consistant "à limiter la pollution des plages en provenance du milieu terrestre [...] en retirant les corbeilles de plage", remplacées par des "affichages explicatifs". En effet, selon la mairie, "en l’absence de mobilier urbain, le caractère naturel de la plage s’en trouve renforcé, incitant les visiteurs à ne pas jeter leurs déchets au sol". Une initiative qui aurait commencé à porter ses fruits sur le site du Ricanto, selon la mairie.

En mai dernier, Ajaccio a obtenu le label Pavillon Bleu sur les plages du Trottel et de la Terre Sacrée pour l’année 2024, une distinction (déjà obtenu en 2016 et 2018) récompensant les villes "qui mènent de façon permanente une politique de développement touristique durable". Ce label induit notamment la mise à disposition de poubelles de tri sur les plages concernées.

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