Après la promulgation de la loi sur la retraite à 64 ans par le président de la République, les syndicats veulent poursuivre la mobilisation. Une nouvelle journée de manifestation est prévue le 1er mai. Secrétaire général de la CGT en Corse, Patrice Bossart fait le point sur les actions à venir.

Quelques heures après la validation partielle du texte de la réforme des retraites par le Conseil constitutionnel, le président de la République n'a pas perdu de temps pour promulguer la loi. Celle-ci est en effet parue au journal officiel dans la nuit du 14 au 15 avril.

Dans l'île, comme sur le Continent, l'annonce a suscité la réaction des organisations syndicales et des politiques. 

Le reportage de Jean-Philippe Mattei et Jennifer Cappaï-Squarcini

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La promulgation de la loi sur les retraites a suscité de nombreuses réactions chez les syndicats et les politiques. ©J.-Ph. Mattei - J. Cappaï-Squarcini - F. Bernardini

Secrétaire général de la CGT en Corse, Patrice Bossart a réagi à cette promulgation de la loi sur le recul de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans.

"Cette contre-réforme n'est pas du tout approuvée par l'opinion publique", a déclaré à notre micro le syndicaliste insulaire, lors d'un entretien réalisé ce samedi après-midi.

"Le 1er mai sera un moment fort"

France 3 Corse : Dans la nuit de vendredi à samedi, juste après la validation du Conseil constitutionnel, Emmanuel Macron a promulgué rapidement la loi sur la réforme des retraites. Quelle est votre réaction ?

Patrice Bossart : Je pense que cela démontre tout ce qu'on a pu dénoncer depuis son arrivée au pouvoir dans le premier et dans son deuxième quinquennat. Un homme qui va trop rapidement, qui n'entend pas le peuple, la colère et le rejet massif par ses concitoyens de cette contre-réforme qui, on le sait, n'est pas du tout approuvée par l'opinion publique. Pour empêcher toute velléité, il se dépêche de promulguer la loi en catimini dans la nuit alors même que le 3 mai, le Conseil constitutionnel doit se réunir à nouveau pour examiner la seconde demande de référendum d'initiative partagée (RIP). Je pense que cela démontre une manière de gérer contre vents et marées et d'imposer sa vision de la société pour l'ensemble de la population française. 

Le Conseil constitutionnel a validé 80% du texte. Deux points ont été retoqués. Cela concerne l'index senior et le contrat de travail senior. Les syndicats n’étaient pas forcément d'accord avec ces points qui faisaient partie des amendements déposés  par Les Républicains. Vous en tirez quand même une petite satisfaction ?  

On a beaucoup de mal à comprendre comment le Conseil constitutionnel a pu valider, dans le cadre d'un projet de loi de finance de la sécurité sociale, des éléments qui ne sont pas totalement en corrélation avec les financements de la sécurité sociale. Ce qui a permis au gouvernement d'utiliser le 49.3 et l'accélération de la discussion au Parlement avec justement ces 50 jours de délai. Nous nous interrogeons sur les motivations du Conseil constitutionnel pour valider tout ce process et cette contre-réforme qui pour nous, aujourd'hui, reste encore une bataille. Nous continuerons à défendre notre idée et, bien sûr, l'opposition qu'ont les travailleuses et les travailleurs sur ce projet de société qui aujourd'hui est régressif pour les femmes mais aussi pour l'ensemble des travailleurs du pays. 

En Corse, il y a déjà eu des baisses de la production électrique et des coupures de courant opérées par la CGT Energie. Désormais, quelle forme va prendre la contestation ?

Avec l’intersyndicale, nous avons toujours été consciencieux de ne pas mettre en difficulté la population insulaire. Pour nous, il est très facile d'avoir des points stratégiques. Nous sommes sur une île, nous aurions pu bloquer les ports et amener à une pénurie importante. Ce n'est pas le choix qui a été fait, justement pour permettre à la population d'avoir les moyens de subsistance. Maintenant, nous allons voir quelles seront les formes d'actions que nous allons prendre.

Nous allons bien sûr échanger avec nos centrales nationales, mais aussi dans le cadre de l'intersyndicale pour ceux qui en feront encore partie. Là aussi, il y aura sûrement des sujets dans les jours qui viennent afin de voir de quelle manière nous allons nous mobiliser.

La prochaine journée mobilisation est prévue le lundi 1er mai, une date symbolique…

Une chose est sûre : le 1er mai sera un moment fort, comme il l'est déjà traditionnellement pour certaines organisations comme la mienne. Nous continuerons à mener combat. Il y a eu un précédent dans l'histoire avec le CPE (en 2006, ndlr) : la loi avait été promulguée avant d’être retirée. À un moment donné, il faut entendre le peuple. C’est lui qui confie le mandat de gestion d’un pays à des individus. C’est aussi lui qui, aujourd’hui, peut démettre quelqu’un qui est au pouvoir. Ce sont des choses essentielles face au mépris, au déni démocratique qui s’est introduit par ce passage en force. Je crois qu’il y a une colère encore plus grandissante de jour en jour. Et à chaque expression publique du chef de l'État, comme il le fera lundi soir, nous allons revoir un certain nombre de salariés dans nos cortèges, comme d'habitude, puisque le président persiste et signe. 

Dans l’île, les dernières mobilisations ont été un peu moins suivies. Le 1er mai, personne ne travaillera. Cela pourrait-il vous permettre de mobiliser davantage ?

Nous, on va travailler à une forte mobilisation. Est-ce qu’elle sera d’un niveau exceptionnel ? Ça, je ne peux pas le dire à ce jour. Nous allons essayer de créer des conditions à ce qu’elle soit forte. En plus de ça, c'est un jour chômé et payé par une lutte mené par les travailleurs dans notre pays, entre autres, et au niveau international. Nous espérons donc que tous ceux qui ont conscience des enjeux et aussi de cette forme régressive qu'a le chef de l'État sur la manière d'imposer ses choix est aussi une alternative pour dire non à cette contre-réforme ni à la manière de mener la politique intérieure du pays.  

D’ici le 1er mai, pourrait-il y avoir d’autres actions ?

Alors, pour la pour la CGT, nous avons un certain nombre d'échanges qui sont prévus en début de semaine avec notre centrale nationale. Il se pourrait qu’il y ait quelque chose qui soit fait courant de la semaine prochaine.

Ne craignez-vous pas qu’il y ait une rupture dans le mouvement d’ici la prochaine mobilisation ?

Non, je ne suis pas certain. Je pense que les organisations syndicales sont responsables ; nous le sommes depuis 12 jours d'action. Nous avons échangé longuement, toujours avec bienveillance, même si nous avons parfois des points de divergence. On a vu que cette unité était très large, comme très rarement nous avons pu le vivre sur notre territoire. Je crois que l'intelligence collective permet justement de ne pas prendre ombrage de telle ou telle action d’une organisation syndicale par rapport à une autre. Nous allons continuer à travailler dans une forme de convergence, en tout cas lorsque nous estimons que les revendications apportées sont communes et justes par rapport à des lois qui sont injustes et au détriment des travailleurs.

"La grève générale, elle ne se décrète pas. Elle doit être décidée par les agents ou les salariés."

Patrice Bossart

Des incidents et des affrontements entre forces de l’ordre et manifestants ont émaillé les rassemblements dans plusieurs villes du continent après l’annonce du Conseil constitutionnel. Cela peut-il affaiblir le mouvement ?

Jusqu’à présent, je crois que les cortèges syndicaux ont toujours fait en sorte qu'il y ait le moins de débordements possible. Ensuite, on n'est pas à l'abri de personnes extérieures qui viennent s'infiltrer dans les cortèges et qui font valoir un mécontentement. On peut bien sûr déplorer, sous certaines formes parfois fois condamner, lorsque c'est des atteintes aux personnes. Je crois qu'il faut qu'on soit vigilant mais, en même temps, cela montre aussi que le niveau de colère dans le pays est de plus en plus prégnant et important.

On entend parler d'une éventuelle grève générale. Quelle est la position de la CGT sur ce point-là ?

La grève générale, elle ne se décrète pas. Elle doit être décidée par les agents ou les salariés dans les entreprises, les administrations et les services. Si demain une majorité de travailleurs était sur cette démarche-là, nous accompagnerons bien entendu ce mouvement.

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