De la Bretagne à la Corse en passant par le Pays basque et les Hautes-Alpes, les mêmes questions reviennent : comment réguler l'installation de propriétaires de résidences secondaires, qui peuvent créer une augmentation des prix de l'immobilier et parfois l'exode des habitants locaux ? Quels atouts peuvent représenter ces personnes pour les territoires ? Un colloque est organisé ce mercredi à l'Assemblée nationale.
"Territoires touristiques : le droit de vivre au pays est-il menacé ?" Du bord de mer à la haute montagne, élus et citoyens s'interrogent. A l'Assemblée nationale, mercredi 26 janvier, deux députés lancent le débat sur ce thème, sur la problématique des résidences secondaires. Jean-Félix Acquaviva et Xavier Roseren sont respectivement députés de Haute-Corse et de Haute-Savoie mais ils font les mêmes constats. Ils organisent un colloque qui sera retransmis en direct sur leurs comptes Facebook à partir de 14h45.
"A l'occasion du projet de loi finance en décembre nous avions des amendements qui étaient très similaires, dont un amendement qui consistait à pouvoir augmenter la surtaxe d'habitation dans les agglomérations où les zones sont tendues", raconte Xavier Roseren, député LREM. "Dans les zones de plus de 50.000 habitants le maire peut dire 'j'augmente jusqu'à 60% la taxe d'habitation.' L'injustice, c'est que dans des zones touristiques très tendues mais qui n'ont pas 50.000 habitants, comme dans nos montagnes en Haute-Savoie ou en Corse, le maire n'a pas le droit de mettre en place cette surtaxe d'habitation. Elle concerne uniquement les résidences secondaires et permet d'avoir des ressources complémentaires pour les collectivités. Elle serait utilisée pour faire du logement permanent. Soit du locatif, soit de l'accession à la propriété ou pour acheter du terrain et faire du logement social." Les amendements des deux députés sont refusés. "Le gouvernement voyait cela comme une augmentation de la taxe. Nous, nous disions qu'il s'agissait de ressources complémentaires aux communes touristiques afin de pouvoir continuer à vivre au pays."
Pour les deux députés, il y a urgence. Les élections présidentielles sont le bon moment pour faire passer le message.
Programme
Au programme du colloque, une première table ronde concerne la hausse des résidences secondaires et l'augmentation des prix du foncier et de l'immobilier qui en découle. Les invités viennent de Bretagne, des Hautes-Alpes du ¨Pays basque ou de Corse. "Les difficultés se renforcent partout sur le territoire notamment pour les populations résidentes. Cela renforce les inégalités sociales et territoriales. C'est très vrai en Corse mais cela se développe un peu partout", insiste Julien Paolini, invité de cette table ronde, conseiller exécutif de Corse et président de l'Agence de l'Urbanisme et de l'Energie de la Corse.
Anne Barrioz est chercheuse en géographie, sa thèse porte sur les personnes qui s'installent, sur le long terme, dans les hautes vallées alpines. Elle sera également invitée au colloque. Nous lui avons demandé pourquoi des personnes faisaient le choix d'acheter une résidence secondaire. "On l'a vu avec la crise du Covid-19, les gens qui ont acheté ont envie de nature, dit-elle. C'est ce que l'on appelle des migrations d'agrément, surtout liées au loisir. On quitte la ville qu'on trouve plus difficile à vivre au quotidien." La chercheuse cite aussi en autre exemple les investisseurs financiers. Il s'agit soit de personnes qui investissent dans un pied à terre en milieu rural, soit des personnes incitées par des dispositifs fiscaux comme la loi Censi-Bouvard. Cette réglementation offre des réductions d'impôts pour les contribuables qui investissent dans certaines structures afin de les louer meublées pendant neuf ans. Résultat : les prix augmentent et les habitants locaux peinent parfois à se loger.
Des écarts de revenus importants
Selon l'Insee, c'est justement dans les Alpes que les écarts de revenus entre les résidents à l'année et les propriétaires de résidences secondaires sont les plus élevés.
Mais l'augmentation des prix de l'immobilier n'est pas le seul problème. "Quand la part de résidences secondaires augmente de plus en plus, il y a des tensions entre les usagers. Les objectifs de vie et de fréquentation du territoire ne sont pas les mêmes. Je pense que cela dépend beaucoup des territoires et des personnalités de chacun mais ces tensions peuvent être importantes, souligne Anne Barrioz. En termes d'accueil, on pense encore beaucoup aujourd'hui en France à l'accueil des touristes et des propriétaires de résidences secondaires. On a des offices de tourisme mais on n'a pas beaucoup d'offices qui accueillent ces habitants à l'année ou d'actions qui sont mises en place par des communes touristiques pour les accueillir. Ce sont pourtant eux qui pourtant font vivre ces territoires touristiques."
Quelles politiques pour l'accueil des locaux ?
Pour illustrer ces tensions, Xavier Roseren cite l'exemple de Megève, station de ski huppée en plein cœur du massif du Mont-Blanc. "La commune est passée de 5.500 habitants à 3000 en une vingtaine d'année. La conséquence, c'est aussi des fermeture de commerces, de crèches ou de classes d'écoles."
Pour lui, il est avant tout question de "trouver un équilibre". "Il y a des résidents secondaires qui sont là et qui font aussi vivre le territoire. Mais il ne faut pas que cela se fasse au détriment des résidents principaux qui ne peuvent plus se loger ou qui sont obligés soit de se loger plus loin, soit de s'éloigner de leur lieu de travail."
Des solutions à l'essai
En Suisse, des solutions sont mises à l'essai. Dans les communes ayant dépassé le quota de 20% de résidences secondaires, il est en principe exclu d'en autoriser de nouvelles. Mais cette interdiction n'est pas absolue. Dans le canton du Valais, la ville de Champéry a tenté de "fidéliser" ses 1.200 résidents secondaires pour qu'ils s'installent durablement sur la commune. Ces derniers ne payaient pas d'impôts, ce qui a mis la ville en déficit. "Pour les faire venir à l'année, la ville a développé des espaces de coworking, mis en valeur le fait qu'elle avait des médecins plus accessibles qu'en ville, mais c'est très local", insiste Anne Barrioz.
Car les personnes qui ont une résidence secondaire peuvent représenter un atout pour le territoire. Xavier Roseren, dans une précédente carrière, a racheté un magasin de sport. En 2010, durant la crise financière, ce sont les propriétaires de résidences secondaires qui ont constitué sa principale clientèle et lui ont permis de maintenir un équilibre financier.
Un logement sur dix en résidence secondaire
Alors qu'en France les résidences secondaires représentent un logement sur dix (très inégalement répartis sur les territoires), il existe encore peu de recherches sur le sujet et peu de lois qui permettent de réguler le phénomène. "C'est une problématique très locale. Peut-être que certains voient cela comme un problème de riche qui ne touche pas la majorité des français. Mais il faut alerter, déclare Xavier Roseren. Nos villages ne peuvent pas devenir des parcs d'attractions qui ne vivent que durant les vacances."
Pour lui, des solutions peuvent être mises en place rapidement, comme sa proposition sur la taxe d'habitation. D'autres pistes peuvent prendre davantage de temps et de soutien politique, comme les modifications sur le droit du sol ou les plans locaux d'urbanisme.