De longues files d'attente pour l'embarquement à l'aéroport d'Ajaccio, voilà plusieurs semaines que la scène se répète. Une situation qui engendre des retards sur les vols. En cause : le poste d'inspection-filtrage qui sature. Selon la préfecture de Corse, "trois audits de la DGAC ont révélé des défaillances graves de la mission d’inspection-filtrage". Pour la Chambre de commerce, "le niveau de sécurité n'a jamais été dégradé".
À l'aéroport d'Ajaccio, les retards au départ et à l'arrivée sont presque systématiques depuis près d’un mois. La cause : la saturation du poste de contrôle des bagages.
Ce poste de contrôle est géré par la société Sap Sur. Une entreprise au cœur d'une procédure judiciaire sur les conditions d'attribution du marché de la sécurité à l'aéroport Napoléon Bonaparte par la Chambre de commerce. Celle-ci est en effet gestionnaire de l'aéroport d'Ajaccio par délégation de la Collectivité de Corse, propriétaire des locaux.
Diligentée par la juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Marseille, l'enquête sur les conditions d'attribution de ce marché avait conduit en février dernier à la mise en examen du gérant de la Sap Sur pour "extorsion en bande organisée et recel de favoritisme".
Le reportage de Marie-Françoise Stefani et Jennifer Cappai-Squarcini :
“Une absence de contrôle fiable”
Ces retards systématiques sont apparus, il y a près d’un mois, lorsque la préfecture a décidé de prendre des mesures coercitives.
Dans un communiqué, le préfet de Corse précise que "depuis décembre 2022, trois audits de la DGAC - l’organisme chargé de la sécurité aérienne - ont révélé des défaillances graves de la mission d’inspection-filtrage, dont notamment une absence de contrôle fiable de la réalisation de cette mission par le sous-traitant”.
Selon nos informations, après les premiers contrôles, aucune amélioration n'aurait été constatée par les autorités compétentes quant à la fiabilité du poste inspection relatif aux bagages et aux passagers.
Dans ce même document, la préfecture ajoute : "Pour remédier de manière urgente à ces défaillances récurrentes, l’exploitant de l’aéroport d’Ajaccio a été placé sous surveillance renforcée par la DGAC, le 9 avril 2024, permettant de manière immédiate l’augmentation des contrôles par l'Etat de la bonne réalisation des missions de sûreté."
Par ailleurs, le préfet de Corse précise que parmi "ces mesures coercitives vis-à-vis de l’exploitant de l’aéroport a été décidée la suppression de la ligne d'inspection filtrage dédié aux personnels navigants des compagnies aériennes, ce qui impliquait la mobilisation d’effectifs dorénavant déployés sur l’inspection-filtrage de l’ensemble des passagers".
Nous avons essayé de contacter la société Sap Sur, en vain.
"Pas de dégradation du niveau de la sécurité", selon la CCI
"Cette affaire est la conséquence d'années de déshérence à la Chambre de commerce quant à la gestion de l'aéroport d'Ajaccio", glisse une source proche du dossier.
Par le passé, la CCI de Corse-du-Sud avait déjà été visée par des procédures judiciaires concernant le marché de la sécurité de l'aéroport d'Ajaccio.
Ce mercredi 24 avril, dans l'après-midi, la Chambre de commerce et d'industrie de Corse s'est exprimée via un communiqué, par la voix de son président Jean Dominici :
"Après plusieurs mises en cause publiques, et sans naturellement interférer sur les procédures judiciaires en cours au sujet des marchés de la sûreté de l’aéroport d’Ajaccio, nous sommes conduits à rétablir une série d’éléments factuels", est-il écrit dans le texte transmis à notre rédaction.
La CCI affirme que "le niveau de sécurité et de sûreté des usagers de l’aéroport n’a jamais été dégradé". Et d'ajouter : "Seuls le débit et la fluidité des passages aux postes d’inspection filtrage sont altérés tant que les effectifs disponibles seront en nombre insuffisant."
D'après la chambre consulaire, "les principaux dysfonctionnements observés remontent à de nombreuses années, des décennies parfois, et les éléments en notre possession sont convergents et nombreux pour retracer l’historique et démontrer l’information régulière des autorités concernées".
Dans ce même communiqué, il est stipulé que depuis janvier 2020 - date à laquelle Jean Dominici a été élu à la présidence de l'instance -, la CCI de Corse "s’est efforcée de mettre en œuvre de manière précise et rigoureuse l’ensemble des procédures applicables, et d’utiliser la totalité des moyens à sa disposition pour normaliser cette situation dont l’antériorité ne peut échapper à personne, et a fortiori aux instances en charge du contrôle et du suivi de la sécurité privée".
Il est d’ailleurs entrepris par la CCI de Corse d’internaliser à très court terme l’ensemble de ces missions afin de solder définitivement cette période de fragilité opérationnelle et d’incertitude financière.
Communiqué de la CCI de Corse
Le texte poursuit en indiquant que la CCI a "entrepris d’internaliser à très court terme l’ensemble de ces missions afin de solder définitivement cette période de fragilité opérationnelle et d’incertitude financière". S'agira-t-il d'une régie ? Le contrat avec la société Sap Sur a-t-il été résilié ? Pour l'heure, la Chambre de commerce n'en dit pas plus à ce sujet.
L'instance conclut en indiquant "avoir toujours agi avec rigueur et transparence dans le cadre de ses missions" et précise qu'elle "se tient à disposition des autorités compétentes pour apporter tout élément nécessaire à la parfaite compréhension de ce dossier".
"Un manque d'effectif depuis bientôt deux ans"
Dans un communiqué, la section Sapsur du STC "s'insurge sur la remise en cause du travail des agents de sûreté à l'aéroport Napoléon Bonaparte." Selon eux, "la principale cause du problème vient du cruel manque d'effectif auquel nous devons faire face depuis bientôt deux ans."
Elle continue : "Nous avons toujours effectué notre travail consciencieusement en respectant les mesures de sûreté qui incombent aux missions régaliennes. Nous sommes désolés des répercussions qui impactent nos usagers ainsi que les compagnies aériennes."
L'enquête judiciaire toujours en cours s'intéresse à des fraudes éventuelles concernant les conditions d'attribution de l'appel d'offres de la sécurité dont le montant est évalué à 11 millions d’euros pour une durée de 56 mois.