En 2015, des violences sont commises aux Jardins de l'empereur, à Ajaccio, après l'agression de pompiers. Une salle de prière est notamment saccagée. Trois hommes ont comparu devant le tribunal correctionnel ce mardi 23 novembre.
L'audience se tient six ans après les faits. Au tribunal correctionnel d'Ajaccio, la salle est vide. Parmi les trois prévenus mis en examen pour dégradation ou détérioration d'un édifice affecté au culte commise en réunion, Benjamin B., Anthony C. et Mickael O., deux sont présents. Dans le public, seuls deux proches ont fait le déplacement.
En 2015, pourtant, l'affaire des Jardins de l'empereur est reprise par tous les médias nationaux. Cette année-là, le 25 décembre, une manifestation est organisée devant les grilles de la préfecture de région. Elle intervient en soutien à des pompiers agressés dans ce quartier populaire ajaccien, la veille, alors qu'ils avaient été appelés pour éteindre un feu de palette. À la fin de la mobilisation, les manifestants se scindent en deux groupes.
L'un d'entre eux, dont le nombre n'a pas pu être établi par l'enquête, prend la direction des Jardins de l'empereur. Une salle de prière, utilisée par l'association marocaine sportive et culturelle qui ne s'est pas constituée partie civile, est sacagée. "La porte est forcée, trois impacts sont observés sur la façade, des exemplaires du Coran sont empilés et brûlés à l'extérieur et sont retrouvés partiellement calcinés", détaille la présidente du tribunal, Hélène Soulon.
Deux témoignages
Dans ce dossier, l'enquête se base sur deux témoignages. Le premier raconte être arrivé sur place peu après les faits, avoir entendu du bruit vers la salle de prière puis vu trois personnes partir à bord d'un 4X4. Le second indique quant à lui avoir suivi le groupe le soir des faits et déclare qu'une quinzaine de personnes ont endommagé la salle, parmi eux : Anthony C. qui a forcé le rideau métallique à l'aide d'une pelle et Benjamin B. qui a dégradé la façade.
À la barre, Anthony C., 23 ans au moment des faits, reconnaît sa participation. "On a suivi le groupe. On est allé faire des conneries de gamins qu'on n'aurait pas dues faire. J'étais embourbé dans le truc, et j'ai ouvert le rideau métallique avec une pelle de chantier. Je regrette, c'est une bêtise de jeunesse, je suis loin d'être raciste", explique-t-il. Des regrets qu'exprime aussi Benjamin B. : "On a bêtement suivi le groupe, j'ai suivi pour voir. Quand ils essayaient de lever le rideau, ils avaient du mal, ils m'ont regardé et je suis allé les aider." Quant à Mickael O., il reconnaît avoir ramassé des pierres, mais nie avoir participé aux dégradations.
"Ils savaient ce qui allait se passer"
Une reconnaissance des faits que le représentant du ministère public, Alexandre Apel, estime "à minima". "En venant, ils savaient pourquoi ils étaient là et ce qui allait se passer", commente-t-il. Il qualifie les faits de "trouble à l'ordre public" et décrit une "bêtise qui aurait pu encore plus mal tourner." Il reproche aux prévenus "d'avoir voulu se faire justice soi-même" et requiert à leur encontre huit mois d'emprisonnement avec sursis et 2.000 euros d'amende.
Pour Maître Laure Lucchesi, avocate de Benjamin B., "il n'y a pas de dégradation d'un édifice cultuel." "Cela ne ressort pas dans les statuts de l'association qui vise des activités sportives et culturelles. Donc nous pouvons dire, qu'au moment des faits, elle exerçait une activité cultuelle en toute illégalité", observe-t-elle. Elle demande la requalification des faits en dégradation d'un bien appartenant à autrui. "Plus de quatre ans d'instruction, et il n'en ressort pas grand-chose. Ce dossier se résume à la dégradation d'un rideau métallique", continue Maître Célia Mattei, conseil d'Anthony C.
Après une requalification des faits en détérioration et dégradation d'un bien appartenant à autrui en réunion, le tribunal a condamné Benjamin B. et Anthony C. à huit mois de prison avec sursis et 500 euros d'amende. Mickaël O. a été relaxé.