Les syndicats STC et CFDT de l'hôpital d'Ajaccio ont déposé, ce vendredi 5 mai, un préavis de grève. Les soignants déplorent des conditions de travail et d’accueil des patients de plus en plus dégradées au sein des urgences. Trois d’entre eux nous ont livré leur témoignage.
"Hier matin, j'ai soigné des gens allongés sur les civières, à même le sol." Anne-Laure, aide-soignante, ne cache pas son émotion. Comme de nombreux soignants des urgences de l’hôpital d’Ajaccio, elle a vu ses conditions de travail se dégrader sensiblement.
La jeune femme livre un témoignage édifiant. "On a du monde dans les couloirs tous les jours, des gens qui sont là depuis plus de 48 heures. On doit faire les toilettes, les sonder, faire des transfusions dans le couloir, des électrocardiogrammes dans les toilettes, on essaie de cacher comme on peut…", explique-t-elle.
Les exemples de situations "aberrantes" ne manquent malheureusement pas. "Il y a peu de temps encore, on ne pouvait même pas éteindre la lumière dans les couloirs. Pour que les gens puissent dormir, on leur mettait des masques sur la tête", relate-t-elle.
"Tous les jours, il y a une personne de l'équipe qui pleure"
Un quotidien que partage sa collègue Christelle, elle aussi aide-soignante.
"Il y a des personnes âgées de 80 ou 95 ans, qui vont passer la nuit sur un brancard. On n'a pas le temps, on n'a pas les moyens de leur apporter les soins de confort dont ils ont besoin, ce n'est pas possible. C’est fait à la va-vite, on ne prend pas soin de nos patients."
Des scènes traumatisantes, pour les patients comme pour les soignants.
"Tous les jours, il y a une personne de l'équipe qui pleure. On pense tout le temps : "Et si c'était quelqu'un de notre famille ?" Et on fait au mieux, mais on fait mal", déplorent les deux jeunes femmes.
"On devient maltraitants malgré nous", reconnaissent-elles, tristement.
Burn out
Face à un quotidien devenue "intenable", les syndicats STC et CFDT de l'hôpital ont déposé, ce vendredi 5 mai, un préavis de grève. Celle-ci pourrait être effective vendredi prochain.
"Ce sont des conditions de soins qui sont indignes et qui sont très mal vécues par l'ensemble du personnel, dénonce Brigitte Martelli, infirmière aux urgences et secrétaire de la section STC à l’hôpital. Quand on fait ce métier, on ne le fait pas pour soigner les gens de cette façon, c'est inconcevable."
"Le personnel est épuisé et en burn out. On n’y arrive plus. On a un turnover qui est important, des jeunes qui arrivent mais qui s'en vont car ils n’arrivent pas à faire face", ajoute-t-elle.
"Des bras et des lits"
Une situation qui dure "depuis plusieurs années" selon la syndicaliste, et qui ne semble pas s’améliorer depuis le déménagement dans le nouvel hôpital.
"Les locaux ne sont pas assez grands, affirme Anne-Laure, ils ont fait des urgences plus grandes mais qui ne sont pas adaptées aux patients."
Ce que réclament désormais les personnels ? "Des bras et des lits."
Une première réunion de concertation a eu lieu, jeudi 4 mai, avec la direction de l'hôpital et l'Agence Régionale de Santé de Corse. Contactées, ni l'une ni l'autre n'ont pu être jointes.
De nouvelles négociations pourraient avoir lieu dans les cinq prochains jours, soit la durée du préavis. Des discussions très attendues par les personnels des urgences.
Retrouvez le reportage de nos équipes :