Le Petit Bar de Corse-Matin, l'affaire "interne" qui cache un profond malaise

Y-a-t-il eu censure dans le traitement d'un article lié au grand banditisme ajaccien par Corse-Matin ?  C'est ce que dénonce une partie de la rédaction du quotidien régional qui avance d'autres cas d'articles supprimés depuis la reprise du journal par un consortium d'entreprises insulaires. 
 

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Après Le Parisien, c'est le journal Le Monde qui y va de son grain de sel mardi, s'inquiétant d'une intervention présumée de la direction du quotidien régional Corse-Matin, dans un article "sensible" impliquant la bande criminelle dite du Petit Bar.

L'affaire indispose à Corse-Matin. Son PDG, Antony Perrino, gros promoteur immobilier de l’île, qui ne cache pas ses liens d'"amitié" avec certains membres, fait l'objet d'une enquête préliminaire ouverte par le parquet d'Ajaccio. 

L'affaire fait réagir la classe politique insulaire, notamment dans les rangs nationalistes.

"La liberté de la presse, et son corollaire, la liberté des journalistes, sont fondamentales et intangibles, en Corse comme ailleurs", indique le groupe de la majorité à l'Assemblée de Corse, qui s'inquiète de toute "ingérence ou soupçon d'ingérence des actionnaires dans le contenu rédactionnel". 

Pour les indépendantistes de Core In Fronte, "si cela est avéré, c'est une attaque déontologique envers des journalistes. Un journal doit rester indépendant des lobbies et autres moyens de pression". La question divise jusque dans les rangs de la rédaction du quotidien. Main dans la main, les syndicats CGT et STC parlent d'une "affaire interne" et soutiennent la direction quand des journalistes avancent qu'il ne s'agit pas d'un cas isolé de "censure". 

Ce sont deux articles du 23 et 24 octobre 2018 sur l'interpellation à Ajaccio de deux hommes fichés au grand banditisme, Guy Orsoni et Anto Simonu Moretti, qui sont à l'origine d'une polémique au sein de la rédaction de Corse-Matin.

Les deux hommes avaient été interpellés lourdement armés sur un deux-roues volé à proximité du domicile d’un homme identifié comme appartenant à la bande criminelle dite du Petit Bar.

C'est Le Parisien qui s'empare de l'affaire dans son édition du 28 octobre. Le quotidien national n'hésite pas à titrer en évoquant le mot de censure. Selon le journal qui s'appuie sur un mail de protestation de la journaliste à l'origine de l'article, "à deux reprises, le nom du gang criminel d’Ajaccio Petit Bar, a été retiré d’un article par la direction de la rédaction".
 

Certains journalistes de Corse-Matin vont plus loin, dénonçant des modifications qui ne seraient pas isolées. Selon eux, depuis des changements récents à la tête du quotidien, d'autres articles, politiques ou économiques, auraient fait l'objet d'une suppression pure et simple. La direction dément et parle de simples tensions et de choix éditorial.

"Quand un média national traite un sujet corse que cela concerne la politique, le football et les médias, c'est trop souvent à charge et là même notre probité est remise en cause", a indiqué Thomas Brunelli, directeur de la rédaction et de la publication.
 
"Sur le fond s'appuyant sur la déontologie, notre journaliste a choisi de ne pas divulguer le nom des personnes interpellées et pour la même raison le rédacteur en chef avec mon accord a choisi de rester prudent sur la désignation des cibles potentielles", a-t-il ajouté.

Censure ou simple choix éditorial. Une assemblée générale des personnels doit se tenir prochainement. Dans ce contexte, des journalistes ont plus que jamais fait part de leur intention de quitter le quotidien dans le cadre de la clause de cession du journal. 
 
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