La question revient, depuis des mois, avec de plus en plus d'insistance. L'association de défense de l'environnement Sentinella est très inquiète. Pour elle, l'Etat joue la montre pour enterrer le projet d'alimentation au gaz naturel.
"Le biodiesel pollue autant que le diesel, on gagne un peu au niveau effet de serre, mais le but c'est pas ca, c'était d'arrêter les microparticules. On ne va pas substituer une pollution à une autre pollution !"
Dominique Lanfranchi a de moins en moins de doutes. Cela fait plusieurs mois qu'avec son association pour la défense de l'environnement, Sentinella, il tire la sonnette d'alarme. Selon lui, la future centrale électrique du Ricanto sera alimentée grâce à du biocarburant.
Ce n'est pas du tout ce qui était prévu à l'origine....
Revirement ?
La feuille de route rédigée par l'Etat et la Collectivité de Corse, et adoptée en 2015, est claire : la centrale électrique du Ricanto, qui devrait être livrée dans cinq ans, doit être alimentée en gaz naturel. Mais depuis plus d'un an, des rumeurs persistantes font état d'une possible alimentation au biocarburant.
En avril dernier, la question s'est invitée à l'Assemblée de Corse, à l'occasion de la révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie.
On va en reprendre pour 30 ans de pollution.
Frédéric Maillard, président d'EDF PEI, et Sophie Mourlon, directrice de l'énergie au ministère de la Transition écologique et solidaire, ont alors confirmé que la centrale devrait fonctionner au gaz naturel. "Nous avons, avec la commission de régulation de l'énergie, créé les conditions économiques favorables pour qu'une infrastructure de gaz puisse se développer". Sophie Mourlon précisait néanmoins que si la PPE prévoyait qu'elle pouvait fonctionner au gaz, elle pourrait aussi fonctionner au biocarburant.
Infructueux
"C'est vraiment un manque de considération pour les îles. Dans les DOM-TOM, c'est pareil. On nous traite vraiment comme de la merde". Dominique Lanfranchi est en colère. Et il n'en démord pas, les dés étaient déjà jetés à l'époque. D'autant que, depuis leur précédente conférence de presse, au printemps dernier, le président de l'association A Sentinella aurait eu d'autres preuves que la gaz naturel ne sera pas utilisé au Ricanto. "La société Terega avait soumissionné à l'appel d'offres lancé pour la construction, la gestion et l'exploitation du site, il ont balancé plus d'un million d'euros d'études, et ils les ont balancés pour rien ! On leur a fait comprendre que l'appel serait infructueux... D'ailleurs, on devait en connaître le résultat en octobre, et toujours rien à l'horizon..."
Nous avons tenté de joindre la société Terega pour en savoir plus, sans succès.
Pour A Sentinella, la suite de l'affaires est connue d'avance. L'appel d'offres, clos il y a un peu plus d'un an, sera bien déclaré infructueux. Et l'option gaz naturel reviendra sur le devant de la scène. "On va en reprendre pour 30 ans de pollution, et les gens ne s'en rendent pas compte. C'est le problème de la pollution. On ne la voit pas... En France, chaque année, 48.000 personnes meurent à cause des microparticules. Après des décennies de pollution, on pensait qu'ils auraient la décence de nous épargner un peu, et d'opter vraiment pour le gaz naturel..."
De dérogation en dérogation
Une autre question se pose, à la marge du dossier, mais pourtant primordiale, c'est qui fournira l'électricité à un bassin de population de 110.000 personnes à partir de 31 décembre 2023, la date où la très vétuste centrale du Vazzio devra fermer ses portes? En effet, le projet du Ricanto a pris du retard, c'est le moins qu'on puisse dire. Attendu en 2023, il a été repoussé à 2025, et désormais à 2026...
"On nous a annoncé très officiellement que le Vazzio bénéficie d'une dérogation de l'Etat qui lui permet de fonctionner au fioul lourd jusqu'en 2030", souffle Dominique Lanfranchi, que plus rien ne semble étonner. Nous avons essayé de joindre la Direction de l'Energie au ministère, là encore sans succès pour l'instant. Mais on se rappelle que la centrale du Vazzio devait fermer ses portes, initialement, en 2012, et qu'elle est toujours en service dix ans après. Après tout, on en n'est plus à une dérogation près.