Fermeture d’Orly jusqu’en septembre : "C’est comme si la Corse s’était éloignée de milliers de kilomètres"

Provoquée par la fermeture de l’aéroport d’Orly, l’absence de vols directs entre la Corse et Paris pourrait durer jusqu’à l’automne si les discussions pour transférer -temporairement - ce service public à Roissy n’aboutissent pas. Les usagers s'organisent...

«C’est comme si la Corse s’était éloignée de milliers de kilomètres, c’est aujourd’hui plus compliqué et plus long de s’y rendre que d’aller à New York ! Entre les heures d’attente à Marseille entre deux vols et celles pour rentrer de Roissy jusqu’au bureau, c’est interminable ». Pierre-Noël Luiggi ne cache pas l’exaspération que suscite chez lui la fermeture de l’aéroport d’Orly. Le chef d’entreprise partage habituellement son temps entre Paris et Bastia.
S’il l’a supportée pendant le confinement, le fondateur d’Oscaro s’inquiète terriblement de voir cette situation perdurer. «Paris va reprendre le travail, mais la Corse sera plus séparée du monde qu’elle ne l’a été depuis des années. On va le payer au plan économique, mais aussi en terme d’échanges. Certains croient peut-être que c’est une bénédiction, que la Corse sera ainsi mieux protégée du virus. Mais c’est une catastrophe pour les entreprises, surtout les petites et moyennes qui ont tant besoin de mobilité.»

C’est une catastrophe pour les entreprises, surtout les petites et moyennes qui ont tant besoin de mobilité.


Ils et elles sont chef(fe)s d’entreprises, mais aussi salariés, élu(e)s, retraité(e)s. Ce sont les habitué(e)s des quatre lignes reliant Orly à la Corse (Bastia, Ajaccio, Figari, Calvi).

Chaque année, 1,5 million de passagers, dont beaucoup sont en fait la même personne qui effectue régulièrement des allers-retours pour raisons professionnelles ou familiales - empruntent ces voies aériennes. Depuis le 31 mars, plus aucun avion n’a assuré ces liaisons.

Une interruption de service que chacun espérait temporaire, mais qui va, selon toute vraisemblance, s’installer dans le temps. Selon le quotidien Les Échos, Orly ne devrait pas rouvrir avant la fin septembre. Avant même que l’information ne soit officiellement confirmée, Air Corsica, Air France, l’office des transports de la Corse et les services de l’État ont commencé à travailler sur l’hypothèse d’un transfert du service vers l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle de Gaulle pour rétablir des vols directs. Mais il reste un certain nombre de problèmes juridiques et logistiques à résoudre.

Visioconférences pour les députés 

En attendant, les usagers s’organisent comme ils peuvent, à l’instar du député de la deuxième circonscription de la Haute-Corse. Depuis son élection, Jean-Félix Acquaviva se rendait à Paris trois jours par semaine. Avec le confinement, il a fallu changer ses habitudes; heureusement, l’Assemblée nationale a accéléré sa transition numérique.

«Les réunions de groupes se déroulent en visioconférence, de même que les commissions, sauf lorsqu’elles sont saisies d’un texte législatif. Cette semaine par exemple, c’est Paul Molac qui représentera notre groupe libertés et territoire pour l’examen du texte sur l’état d’urgence. Pour y assister dans ce contexte, j’aurais dû prendre l’avion pour Marseille, y passer la nuit à l’hôtel, et prendre le lendemain matin un vol pour Paris. Ce qui engendre une dépense de temps et d’argent.»

Selon les explications fournies ce 5 mai aux députés, la visioconférence et le télétravail vont rester la règle dans les prochaines semaines à l’Assemblée nationale. Mais bien plus que pour lui-même, c’est pour l’économie de la Corse, que l’élu s’inquiète. «Nous sommes sur un chemin de crêtes entre risque sanitaire et risque économique, dans le flou des mesures annoncées par le gouvernement. Ce qui est sûr, c’est que la fermeture d’Orly va empêcher la circulation d’un flux de passagers entre la Corse et Paris et provoquer des chutes vertigineuses d’entreprises.»
 

La crainte du tarif... et de rester coincé 

Dans une moindre mesure, cette fermeture perturbe aussi la vie de nombreuses familles. Voilà des années que Jean Fournioux vit entre la Corse et Paris. Selon son planning de cours dans une école de commerce de Normandie, il effectue au moins un voyage tous les deux mois dans l’île. Le confinement l’a contraint à annuler un séjour en mars, puis en mai, il espère encore venir fin juin.

«S’il faut passer par Marseille jusqu’à l’automne, je le ferai, mais ça va me compliquer la vie. Ma crainte, c’est le prix du billet : si c’est trop cher, je viendrai une fois au lieu de deux, en attendant que le trafic normal soit rétabli. Mais en Corse, j’ai des travaux à faire dans la maison, des petits-enfants à garder pendant les vacances ! Mon autre crainte, c’est de rester coincé dans l’île. Imaginez une reprise de l’épidémie, on décide de fermer les aéroports et les ports jusqu’à nouvel ordre, comment pourrais-je retourner à Paris ? J’y ai aussi des obligations professionnelles, et ma femme qui ne m’accompagne pas toujours.»

Du civisme en attendant que ça passe 

Beaucoup de ces habitués de la salle 40 et maintenant du terminal 3 d’Orly, croyaient reprendre naturellement le chemin de la Corse après le 11 mai. Ce ne sera donc pas si simple, en tout cas, pas tout de suite.

«Je pensais venir bientôt, j’imaginais qu’ils allaient tout transférer à Roissy», explique Romain Lara. Restaurateur à Paris, il y est confiné loin de sa femme et de leurs enfants qui sont à Bastia. «S’il n’y a pas de vol direct, je prendrai le train et le bateau, ou deux avions via Marseille. Ça coûtera plus cher, ce sera plus long. Mais bon, j’ai l’avantage de ne pas être salarié, j’ai le temps.  J’allongerai ma durée de séjour des deux côtés.»

Ces allers-retours entre la capitale et Bastia font partie de son quotidien depuis 10 ans. Ça n’empêche pas le patron du « Bon endroit » de prendre les choses avec philosophie. «Au début du confinement, j’ai été malade, je n’ai pas essayé de rentrer. Même si je vais mieux, pas question de prendre le risque de contaminer quelqu’un à Bastia. Je crois qu’il faut faire preuve de civisme. C’est très important en ce moment. C’est une période difficile pour tout le monde, faut que ça passe.»


 
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