Coronavirus : le calvaire d'une aide-soignante à Marseille pour rejoindre sa mère, 92 ans, confinée seule en Corse

"J'ai peur de la retrouver morte". Quand le confinement général est annoncé, le 17 mars dernier, Antonia Santarelli se retrouve bloquée à Marseille, loin de sa mère dont elle prend soin, logée à Propriano. Et rentrer aujourd'hui auprès de cette dernière s'apparente à un parcours du combattant.

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"J'ai peur de ce qui peut se passer. Que ça tarde trop, et qu'il lui arrive malheur." Un mois maintenant qu'Antonia Santarelli, aide-soignante et confinée à Marseille, se démène désespérement pour rejoindre sa mère, logée seule à Propriano.

Car cette dernière, âgée de 92 ans et souffrant d'insuffisance cardiaque et pulmonaire, n'est plus autonome depuis quelques années. "Il y a cinq ans, quand elle a eu des problèmes de santé, je l'ai installée chez moi, à Marseille", raconte Antonia Santarelli.

Mais sa mère, profondément attachée à la Corse, décide finalement après plusieurs années de retourner y habiter. "En avril 2019, je me suis donc mis en arrêt de travail et ait lancé des démarches pour partir en retraite anticipée, à 56 ans, pour vivre avec elle en Corse à plein temps" détaille Antonia. 

Après plusieurs mois passés sans encombres au côté de sa mère sur l'île de beauté, Antonia se voit contrainte de retourner à Marseille pour finaliser sa procédure de départ en retraite anticipée. "Nous avons mis ma mère dans une maison de repos à Ajaccio, et pris le ferry le 16 février, avec un billet de retour prévu pour le 24 mars, à bord d'un navire de La Méridionale."

 

"Certains jours, elle ne mange même pas"

Mais avec l'annonce du confinement généralisé le 17 mars, Antonia voit sa traversée annulée. Et son calvaire, lui, débuter. "Le 22 mars, ma mère est sortie comme prévu de l'établissement de repos, et est depuis toute seule chez elle, dans son logement à Propriano. Au début, j'étais un peu stressée d'autoriser sa sortie, et puis je me suis dit : elle aura moins de chance comme cela de tomber malade".
 

Certains soirs, elle m'appelle à 2h du matin pour me dire qu'elle a du mal à se lever, qu'elle ne s'en sort pas. Et moi je ne peux rien faire


Les deux premières semaines passent donc sans trop d'inquiétudes pour Antonia. Jusqu'à l'annonce de la prolongation du confinement. "Jamais je n'aurai imaginé qu'il durerait aussi longtemps, que l'on serait bloqué loin d'elle tout ce temps, se désole la quinquagénaire. Elle n'a ni aide ménagère ni infirmière pour l'aider. Elle a des voisins qui parfois lui déposent de quoi se nourrir, mais certains jours, elle ne mange même pas. Elle n'a pas pu faire sa toilette depuis un mois... Certains soirs, elle m'appelle à 2h du matin pour me dire qu'elle a du mal à se lever, qu'elle ne s'en sort pas. Et moi je ne peux rien faire".


Traversée repoussée, puis annulée

Immédiatement après l'annulation de son premier billet, Antonia a entamé des démarches pour pouvoir partir au plus tôt. La préfecture d'Ajaccio, raconte-t-elle, lui a rapidement accordé une dérogation de déplacement pour assistance à personne vulnérable. "J'ai alors contacté la compagnie La Méridionale, en leur fournissant mon attestation dérogatoire, et on m'a dit que c'était bon, et que je pouvais partir".

Mais le jour du départ,  fixé mercredi 14 avril, Antonia déchante : "On m'a annoncé que finalement ce n'était plus bon, que le navire ne prenait pas de passagers sur décision du commandant de bord, et qu'il n'avait même pas à se justifier. J'ai appelé la préfecture, qui m'a confirmé que si le commandant de bord refusait, alors je ne pouvais pas monter, et ce malgré ma situation et ma dérogation."

Contactée par la rédaction, la compagnie La Méridionale n'a pour l'heure pas répondu à nos sollicitations.
  

Attente interminable

Dernier espoir pour Antonia : trouver une place à bord d'un navire de la Corsica Linea depuis Marseille pour Ajaccio."Je ne peux pas conduire sur autoroute, donc impossible pour moi de monter à Toulon et prendre la Corsica Ferries. Pareil pour les compagnies aériennes : sans véhicule, il est impossible pour moi de me déplacer."

Si la compagnie aux bateaux rouges et blancs assure bien encore le fret de passagers en semaine, quoi que fortement réduit, il reste un petit hic, d'une importance majeure pour la quinquagénaire : les délais avant de pouvoir obtenir un billet. Ainsi, comme précisé sur le site de Corsica Linea, les passagers qui disposent d'une dérogation (accordée selon 8 motifs exceptionnels, parmi lesquels les déplacements pour assistance à des personnes vulnérables) doivent transmettre leur demande de passage "circonstanciée et justifiée au-moins 72h (hors week-end et jours fériés) avant la date souhaitée de départ" à une adresse mail mise en place pour l'occasion.
 

Je ne comprends pas pourquoi, à partir du moment où la préfecture de Corse m'a donné une autorisation de déplacement, je ne peux pas avoir un billet pour le prochain navire
 

Joint par téléphone, le service communication de la compagnie assure faire tout son possible pour assurer le déplacement rapide des personnes autorisées. Mais pour Antonia, qui a déposé sa demande de billet jeudi 16 avril, ces 72h d'attente avant de pouvoir partir semblent interminables. 

"Je ne comprends pas pourquoi, à partir du moment où la préfecture de Corse m'a donné une autorisation de déplacement, je ne peux pas avoir un billet pour le prochain navire. Trois jours, ça signifie que je ne pars avant lundi, au minimum" soupire-t-elle.

Avant de conclure : "Plus ça tarde, plus j'ai peur de la retrouver morte. Elle a toujours été là pour moi. C'est à mon tour de faire de même maintenant."

Petite lueur d'espoir ce vendredi matin : après plusieurs jours sans réponse, Antonia a finalement reçu un mail de la Corsica Linea lui demandant de fournir les documents nécessaires pour son départ. Elle espère maintenant pouvoir partir au plus vite rejoindre sa mère, après plus de deux mois de séparation.
 
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