Le tremblement de terre qui a secoué le Maroc, et causé la mort d'au moins 2.000 personnes, est venu rappeler que la Méditerranée abritait plusieurs zones sismiques sensibles. Certaines, comme la mer de Ligurie, sont proches de la Corse...
6,8. C’est, sur l'échelle de Richter, la magnitude atteinte par le séisme qui a frappé le royaume marocain dans la nuit du vendredi 8 au samedi 9 septembre derniers. Il y a quelques mois à peine, la violente secousse qui ravageait une partie de la Turquie et de la Syrie, causant 50.000 morts, était mesurée à 7,8.
Deux tremblements de terre, en moins d'un an, qui ont frappé l'opinion publique, et focalisé l'attention.
Le Maroc se situe à l'entrée de ce que l'Empire romain nommait la Mer Intérieure. La Turquie et la Syrie, elles, se trouvent 3000 kilomètres plus à l'est, à la frontière de l'Asie. Toute la Méditerranée, au cœur de laquelle se trouve la Corse, est concernée par la menace sismique.
La raison : cette mer constitue un véritable puzzle géologique.
D'autres séismes, plus discrets, mais réguliers
La surface du manteau terrestre est composée de plusieurs plaques tectoniques. Ce sont d'immenses morceaux de la lithosphère, qui se déplacent de quelques centimètres par an dans des directions différentes, glissent l'une sous l'autre, ce qui peut entraîner tremblements de terre et éruptions volcaniques.
La Méditerranée est le lieu de rencontre de deux plaques tectoniques, la plaque eurasiatique et la plaque africaine. Deux plaques qui ne cessent de converger, provoquant d'importants risques sismiques.
Au cours du dernier quart de siècle, des séismes spectaculaires et meurtriers ont été constatés en Grèce (1999), en Algérie (2003), au Maroc (2004), ou encore, plus proche de nous, en Italie, avec ceux qui ont frappé l'Aquila en 2009, et l'Emilie-Romagne en 2012.
Mais s'ils sont les plus marquants, ils sont loin d'être les seuls.
Rien qu'en France, au cours des quarante dernières années, on a enregistré au minimum un séisme de magnitude 4 à 5 par an. La plupart du temps sans gros dégâts.
Le plus important séisme qu'a connu le pays depuis le début du XXe siècle est très lointain. C'était le 11 juin 1909, dans un petit village des Bouches-du-Rhône, à Lambesc. Un tremblement de terre d'une magnitude de 6 degrés, qui avait détruit 1.500 habitants, et coûté la vie de 46 personnes.
La Corse, cernée par les zones à risques
La Corse se trouve néanmoins à proximité de zones sismiques particulièrement surveillées : la Provence, la Côte d'Azur, et plus largement la mer qui baigne la Ligurie, en Italie. Une région traversée par des failles actives.
Résultat, des séismes ont touché, au cours des vingt dernières années, Cagnes, Nice, Menton, Monaco, la vallée de la Vésubie ou le littoral italien. Mais leur puissance modérée n'a eu pour conséquence que quelques bâtiments endommagés.
Mais c'est en mer que nombre de séismes prennent forme. À distance suffisante des côtes pour ne pas provoquer de dégâts matériels et de pertes humaines. C'était le cas le 7 juillet 2011, lorsqu'un séisme de magnitude 5,2 s'est fait sentir à Marseille, dans le Var, les Alpes-Maritimes, mais également en Corse. C'est en pleine mer, à 100 kilomètres d'Ajaccio, qu'il a eu lieu, et si les Corses qui vivent sur la côte occidentale de l'île se souviennent des secousses, l'épisode s'est déroulé sans casse.
La Corse, on le voit, se situe dans une zone géographique propice aux séismes. Et pourtant...
La Corse est une zone qui est moins risquée que celle de la Côte d'Azur. On n'a pas identifié une faille susceptible de causer un séisme très fort
Françoise Courboulex, CNRS
La France, depuis le 22 octobre 2010, s'est dotée d'un zonage sismique qui divise le territoire national en cinq zones de sismicité, en fonction de la probabilité de séismes. Ce zonage va de 1, "risque très faible", à 5, "risque fort". La Corse est classée en zone 1. La seule qui n'est pas assujettie à des règles parasismiques particulières pour les bâtiments.
En février dernier, à l'occasion du tremblement de terre qui avait endeuillé la Turquie, Françoise Courboulex, directrice de recherche au CNRS, nous expliquait pourquoi : "Concernant le risque sismique, nous travaillons en probabilité. L’aléa sismique, c’est donc la probabilité d'avoir un mouvement du sol qui dépasse une valeur donnée dans une période donnée. La Corse est une zone qui est moins risquée que celle de la Côte d'Azur. On n'a pas identifié une faille susceptible de causer un séisme très fort".
L'historien Grégory Quenet, dans son ouvrage sur Les tremblements de Terre au XVIIe et XVIIIe siècle, rapporte qu'en octobre 1775, La Gazette de France rapporte qu'un tremblement de terre avait touché le centre de la Corse, "renversant une maison à Vico, et une au village de Quillani, distant d'une lieue de cette bourgade". Selon Grégory Quenet, "dans l'ensemble la Corse ne présente pas une activité sismique notable, car ce séisme de 1775 semble être le seul à avoir provoqué des dommages".
Tsunami ?
Reste un risque indirect, et encore peu considéré, celui d'un tsunami d'origine sismique. Un tsunami qui serait sans aucune comparaison avec ceux qui touchent l'océan Pacifique, mais dont il conviendrait d'anticiper la probabilité, selon l'Unesco. En octobre dernier, l'organisation a fait savoir qu'il y a "100 % de chances" qu'un tel phénomène ait lieu "au cours des trente prochaines années".
D'autant que ce ne serait pas la première fois. En 1887, in Italie, à la suite d'un séisme au large de la ville d'Imperia, près de Sanremo. Et, plus près de nous, le 16 octobre 1979, un tsunami frappait la ville de Nice, inondant l'aéroport, faisant onze morts et provoquant d'importants dégâts.
En 2020, un autre séisme, celui-là au large de la Turquie, créait un tsunami sur les côtes de l'île grecque de Samos et à Izmir.
L'Unesco a appelé les pouvoirs publics à réfléchir à des mesures de sensibilisation, d'alerte et de prévention pour que les communautés des régions concernées au premier chef par cette menace, parmi lesquelles le sud de la France, puissent se préparer à y faire face.