La vente de tabac baisse en France. Mais en Corse, la profession résiste mieux. En raison de ses avantages fiscaux sur le prix du tabac. Alors sans surprise, la saison estivale représente jusqu'à 40% du chiffre d'affaire de certains buralistes...Mais cela pourrait ne pas durer.
C'est un peu une tradition.
Avant de reprendre le bateau pour le continent, certains ont pris soin de mettre dans leurs valises un lonzu, une bouteille de vin, un pot de miel, voire une serviette de plage arborant un militant du FLNC en position de tir. (Nul doute que ça va faire son effet à la piscine municipale de Valenciennes).
Chacun son souvenir de vacances, chacun son petit bout de Corse à ramener chez soi.
Un paquet de cigarette de 14 % à 25 % moins cher
Mais dans la liste des derniers achats avant le retour, l'île affiche une particularité.Le paquet, voire plus généralement, la cartouche de cigarettes.
La raison, le statut fiscal dérogatoire de l'île en la matière, dû à son insularité.
Un statut qui fixe le prix d'un paquet de Marlboro à 6 euros, soit 14 % de moins que sur le continent.
Pour l'achat d'une, deux, ou cinq cartouches, la différence à la caisse commence à être intéressante.
Alors l'été, dans les deux bureaux de tabac de la place Saint-Nicolas, où les vacanciers s'arrêtent en général pour boire un dernier verre avant l'embarquement sur le port de Bastia, ça ne désemplit pas. Et la file d'attente s'étend souvent jusqu'au trottoir.
Ou plutôt s'étendait...
Lionel est buraliste, et cette saison, les cadences sont apparemment moins infernales que les autres années.
Le bureau de tabac est presque vide.
Une dame âgée achète un Banco, un Cash et un Astro, pendant qu'un jeune garçon choisit un fanion du SCB.
"On voit la différence, quotidiennement, minute après minute. Ici, dans ce tabac, on a toujours fonctionné à flux tendu, et là on a ds moments de latence. On a jamais connu ça pendant l'été".
Résultat, un quart de moins de paquets vendus par rapport à l'exercice précédent.
Les mesures pour lutter contre le tabac ont porté leurs fruits ? Le tabagisme a rendu l'âme ? Bref, les gens ne fument plus ?
Non, les gens fument juste autre chose, comme nous l'explique le président de la chambre syndicale des buralistes, Joseph Oliva : "En France, il y a un million de fumeurs en moins. Les fumeurs ont opté pour une autre manière de fumer. Le vapotage, mais aussi la cigarette de tabac chauffé..."
La situation est moins inquiétante en Corse que dans le reste du pays.Un million de fumeurs en moins
D'abord parce que les touristes sont encore nombreux à faire leurs emplettes pendant leur séjour, et ensuite, parce qu'il est difficile pour les Corses d'aller faire les leurs du côté d'Andorre. (Cela vaudrait pourtant le coup de se mettre à la natation. Là-bas, le prix d'un paquet de Marlboro est de 3,5 euros !)
Depuis le début de l'année la profession subit une baisse de 3 %. Une situation plus enviable que celle de leurs collègues du continent, qui font face, eux, à une chute de 7 %.
Mais ça pourrait ne pas durer. Au premier janvier 2021, la Corse devrait être contrainte d'aligner ses prix sur les leurs.
Ce qui pourrait avoir des conséquences douloureuses sur leur chiffre d'affaires. Dans les coins les plus touristiques de l'île, les buralistes réalisent encore 40 % de leur activité pendant la saison estivale.
Autant dire que la profession n'est pas vraiment prête à s'aligner sur les tarifs pratiqués de l'autre côté de la Méditerranée, et que pour abandonner son privilège, qui remonte à l'époque de Napoléon, il va falloir que le gouvernement soit convaincant. Ou intransigeant...