Les deux tiers des petites communes de l'ensemble de l'île ont voté pour la candidate du Rassemblement National. En Corse-du-Sud, Marine Le Pen a remporté une victoire plus large encore. Elle sort en tête des 3/4 des communes qui comptent moins de 1.000 inscrits.
Longtemps, le vote d'extrême-droite était présenté comme un vote essentiellement urbain, ancré dans les zones industrielles, comptant une population immigrée plus importante. Mais, en 2002, les choses commencent à se nuancer.
Jean-Marie Le Pen parvient à réunir 22 % des suffrages dans les campagnes, une percée qui étonne les cadres de ce que l'on appelait alors le Front national eux-mêmes. Mais depuis, ils se sont attachés à faire fructifier ce capital électoral.
Le rural penche désormais à l'extrême-droite
Durant les deux dernières décennies, les idées portées par l'extrême-droite ont essaimé dans le rural, bénéficiant également de l'apport du vote de ce que l'on appelle parfois les "rurbains", les habitants des villes qui effectuent un retour vers la campagne.
En 2017, Marine Le Pen portait son score dans les communes rurales de France à plus de 30 %, selon une étude de l'Ifop. Et en 2022, même si les études telles que celle de l'Ifop ne sont pas encore disponibles, il y a fort à parier, au vu du score réalisé par Marine Le Pen au plan national (41,5 %), que la tendance se soit confirmée, voire accrue.
En corse, la tendance se confirme
La Corse a voté majoritairement pour Marine Le Pen au deuxième tour de la présidentielle. Avec un score difficilement contestable. 58,08 % des électrices et des électeurs qui se sont exprimés ont choisi la candidate du Rassemblement National.
En toute logique, les chiffres de son élection en dehors des principales agglomérations, sont, ici comme dans le reste du pays, très élevés. Nous nous sommes penchés sur les résultats du second tour, dans les communes qui comptent moins de mille inscrits, et qui sont hors de la sphère périurbaine.
C'est en Corse-du-Sud que les communes du rural ont le plus nettement opté pour le Rassemblement National. Seules 25 communes ont mis Macron en tête, contre 86 communes pour Marine Le Pen. Et parfois, l'avance pour l'héritière du RN est spectaculaire.
84,9 % à Rosazia, 82 % à Urbalacone, 81 % à Ambiegna, à Santa-Maria Figaniella ou à Arbellara... Des communes de petite taille, avec moins de 100 votes exprimés, ce qui peut parfois expliquer les grands écarts entre les deux candidats.
Mais dans les communes plus importantes, le score est également élevé, même s'il n'atteint jamais ces sommets. Ainsi, à Pianottoli-Caldarello (484 votants), ou à Monacia-d'Aullène (401 votants), le RN rassemble 68 % des suffrages. A Eccica-Suarella (641 votants) ou Viggianello (328 votants), 59 %. A Cargèse (596 votants), 57 %...
Emmanuel Macron réalise également quelques beaux scores dans les villages qui l'ont choisi, mais comme Marine Le Pen, les plus élevés sont dans les petites communes, telles que Corrano (75 %), Bilia (71,5 %), ou Cozzano (75,9 %).
90,79 % pour Macron à Bigorno
En Haute-Corse, la victoire de Marine Le Pen est plus modérée. Dans le nord de l'île, qui compte près de deux fois plus de communes que le département voisin, si près de 130 communes ont choisi la candidate RN, près de 90 ont opté pour le président sortant.
L'une d'elles, Alzi, a fait la Une des médias nationaux, après le dépouillement. Sur les 34 inscrits, une seule personne a exprimé son vote. Un bulletin nul, qui donne un score de 0 % pour Marine Le Pen, et de 0 % pour Emmanuel Macron, à la grande satisfaction de Core in Fronte et Corsica Libera, qui avaient appelé au boycott du scrutin présidentiel.
C'est à Castineta, en Castagniccia, que Marine Le Pen réalise son plus haut score du département, avec 85 % des voix recueillies auprès des 26 votants. Emmanuel Macron, lui, affiche un spectaculaire 90,79 % à Bigorno, à 33 kilomètres de là.
Une commune où 81 personnes se sont déplacées jusqu'aux urnes.
En Haute-Corse, comme en Corse-du-Sud, les pourcentages les plus élevés se trouvent dans les communes du rural les moins peuplées.
Enfin, certaines communes de l'île ont eu beaucoup plus de mal à se déterminer : à Cannelle, les candidats ont recueilli 17 voix chacun. A Renno, 55 personnes ont choisi Emmanuel Macron, et 55 ont opté pour Marine Le Pen. Résultat, égalité parfaite.
Le Pen des villes, Le Pen des Champs
Il serait fallacieux de penser que c'est grâce au vote du rural que Marine Le Pen a réalisé une poussée aussi spectaculaire sur l'île (58 % des voix, rappelons-le). Le vote en sa faveur a également été très important dans les principales villes, Bastia (58,1 %), Ajaccio (58,8 %), Calvi (60,7 %), Porto-Vecchio (57 %).
Mais c'est dans les communes à la périphérie des deux principales villes, Bastia et Ajaccio, que l'enracinement du RN semble le plus évident. 71 % à Biguglia, 70,8 % à Sarrola-Carcopino, 69 % à Lucciana, 64 % à Alata...
Rural ou urbain, montagne ou bord de mer, village dépeuplé ou agglomération en pleine expansion, le vote pour l'extrême-droite semble ancré partout en Corse.