Culture en Corse : comment les festivals se préparent malgré le Covid

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Après un été 2020 sinistré, les organisateurs des festivals de l'été en Corse misaient beaucoup sur 2021. C'était compter sans le Covid, qui fait de la résistance. A l'approche de la saison, ils tentent de trouver des solutions, entre espoirs et frustration. 

"Les billets pour Soprano et Vitaa/Slimane sont en vente, mais ça fait des mois qu'on n'en a pas vendu un. Tout le monde attend les prochaines annonces du gouvernement. Le public, et nous".
Michel Marti est à la tête de Key-Prod, une structure qui produit des spectacles à travers la Corse, et qui organise le Aiò Festival, à Ajaccio. Et, comme tout le monde,  il vit avec le Covid, au quotidien, depuis un an. 

L'été dernier, il avait dû renoncer, la mort dans l'âme, à la tenue du festival. Et s'était projeté dans l'avenir. Comme tout le monde, il pensait qu'en 2021, la pandémie serait derrière nous. Et que tout serait redevenu comme avant. 

Raté.

Soprano est programmé le 29 juillet prochain au Casone. Et rien ne garantit qu'il pourra avoir lieu. "Le cadre donné par le ministère de la Culture n'est pas très précis. Il remonte à février, et autorise 5.000 personnes assises, masquées et distanciées. Au Casone, même si c'est le plus grand lieu de Corse, on met pas 5.000 personnes assises. Ce sera 2.500, max. A moi de voir si avec 2.500 billets vendus, on peut amortir la venue de Soprano. Ou de Vitaa et Slimane, le 2 août. Sans oublier qu'on ne pourra pas avoir de buvette, ni de restauration sur place..."

Je ne peux pas organiser le concert à perte. Au minimum, je le ferai pour zéro.

Michel Marti, Aiò Festival

L'organisateur du Aiò Festival a fait une offre aux artistes. Une offre bien inférieure à celle prévue initialement. Mais il espère que ces derniers, au vu de la situation, accepteront de baisser leur cachet. 

"Moi, c'est mon métier. Je fais ça toute l'année, pas deux ou trois soirs durant l'été. Je n'ai pas un boulot à côté, alors je ne peux pas le faire à perte. Au minimum, je le ferai pour zéro." 

Michel Marti a déjà été contraint de repousser deux spectacles, ceux de Kendji et Messmer. Ils devaient se dérouler dans des salles, et la situation sanitaire ne leur laissait aucune chance.

[INFO REPORTS - KENDJI - MESSMER] La situation sanitaire nous interdisant toujours de proposer des spectacles en salle,...

Publiée par Key-Prod sur Mercredi 14 avril 2021

Mais il a bon espoir que les deux gros concerts du Casone puissent se tenir. Avec, même s'il décidait d'y aller, la même épée de Damoclès au-dessus de la tête : une quatrième vague, ou un nouveau variant, quelques jours avant le concert. 

"Du côté de l'Etat, on nous a garanti que si la situation contraignait à des annulations de dernière minute, il y aurait des aides à la mesure de ces pertes. Mais ce ne sont que des paroles, rien n'est écrit..." Pour autant, Michel Marti n'est pas près de baisser les bras. "On n'est à l'abri de rien. Mais je suis un entrepreneur, et ça fait partie du jeu. Alors il faut que j'avance."

D'hésitations en reports

En avril 2021, le monde vit toujours au rythme des incertitudes liées aux variants, aux vaccins, et aux volte-faces des gouvernements. Et l'été qui arrive est casse-tête pour les organisateurs de concerts et de festivals. Certains, contrairement à Aiò Festival, ont déjà jeté l'éponge.

Le festival littéraire Romain Gary, qui devait se tenir en mai prochain, après une première annulation l'année dernière, a fait savoir qu'il reportait l'événement au mois de septembre. Sans grande conviction... "Nous le prévoyons les 10,11,12 et 13 septembre prochains, à moins que…encore…"

 Difficile, alors que rien n'est sûr, de résister à la lassitude, à la frustration. Tony Baldrichi, de Porto Latino, est dans ce cas. "On n'a pas officiellement déclaré forfait, on se laisse un peu d'espoir. Mais si on fait quelque chose, ce ne sera pas le Porto Latino habituel. Assis, avec les artistes le moins festifs possibles... Si on le fait, c'est vraiment pour dire qu'on a fait quelque chose. Un acte de présence..."

Je suis un peu frileux. Pas question qu'on perde de l'argent.

Tony Baldrichi, Porto Latino

L'organisateur du festival qui se tient, début août, sous la citadelle de Saint-Florent se donne encore quelques jours, pas plus, pour prendre sa décision : "Je suis un peu frileux parce qu'il n'est pas question qu'on perde de l'argent. On a des fonds propres qui nous permettent de démarrer 2022 dans de bonnes conditions. L'année dernière, on n'avait pas engagé de frais, on a évité le pire. Mais pas question que cette année, on risque notre trésorerie."

Des sponsors en moins

Du côté du festival du film de Lama, en revanche, on n'a pas hésité à confirmer la tenue de la 27ème édition, dès le mois de février dernier. L'année dernière, les organisateurs avaient été contraints d'annuler, mais en 2021, le festival aura bien lieu, du 31 juillet au 6 août. 

On a un avantage. Un film, ça se regarde assis.

Laurent Herin, Lama

"Nous on a un avantage, c'est qu'un film, ça se regarde assis. Alors les positions de Roselyne Bachelot, en février, nous ont rassuré", confie Laurent Herin, le coordinateur-programmateur. "On attend la validation du sous-préfet de Calvi, mais on est confiants".

Pas moyen pour autant de faire l'économie de mesures particulières. "On va réduire les jauges, à la Piscine on passera par exemple de 900 places à moins de 600... Il y aura les masques, le gel, et puis on a renforcé la sécurité. Habituellement elle se charge de la circulation, mais cette année, les agents seront sur site pour faire respecter les distances. Le public les écoutera plus que nous", souligne Laurent Hérin. 

Pour autant, l'édition 2021 risque fort de ne pas s'apparenter à une sinécure. "Il faut trouver les films, et les équipes prêtes à venir en Corse, malgré les conditions sanitaires. On va miser sur les films corses, les films tournés ici, comme Mon Légionnaire, avec l'acteur Louis Garrel, qui avait été tourné à Saint-Florent il y a deux ans. On espère le programmer..."

Et puis, comme la totalité des autres festivals de l'été, il faudra faire face à la perte de certains mécènes malmenés par la crise sanitaire. "on a perdu nos deux gros sponsors, Air Corsica et Air France. Ca fait quinze billets de perdus. Il va falloir trouver des solutions. Mais on a l'habitude. Trouver des solutions, c'est ce qu'on doit faire depuis plus d'un an !" conclut Laurent Herin en souriant. 

 

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