Emmanuel Macron s'est engagé à revaloriser les salaires de tous les enseignants, ce jeudi. Des annonces accueillies avec une certaine méfiance du côté de la Snuipp-FSU de Corse, syndicat des enseignants majoritaire sur l'île.
Une hausse "inédite depuis 30 ans". Le ministre de l'Éducation, Pap Ndiaye, s'en félicite : les enseignants seront bientôt bénéficiaires d'une revalorisation de leur salaire, allant de 100 à 230 euros nets par mois, sans condition. Elle devrait ainsi permettre de passer la paie de tous les professeurs, y compris ceux en début de carrière, à plus de 2000 euros mensuels.
Une augmentation déjà promise en début d'année et confirmée, ce jeudi 20 avril, par le président de la République, en visite dans un collège dans l'Hérault. L'objectif, "mieux reconnaître et mieux payer les professeurs", a fait savoir Emmanuel Macron, rajoutant que cette hausse serait effective dès la rentrée scolaire de septembre. Au total, ce seront ainsi 3 milliards d'euros supplémentaires qui seront versés pour financer cette mesure, indique le gouvernement.
Des augmentations supplémentaires conditionnées à des nouvelles missions
À cette revalorisation des salaires s'ajoutera un second palier, qui pourra cette fois "permettre à des enseignants de toucher jusqu'à 500 euros par mois en plus", a également annoncé le chef de l'Etat. Un complément de revenus conditionné au volontariat pour de nouvelles missions, dans le cadre d'un "pacte" proposé par le gouvernement aux enseignants.
Des missions variables, qui pourront varier du remplacement de courte durée d'enseignants absents, à la participation au dispositif "devoirs faits" - qui permet aux élèves de faire leurs devoirs au collège -, ou encore la réalisation de projets pédagogiques.
"Autour de 40 à 45h de travail par semaine"
Des annonces accueillies "positivement" par ce professeur d'histoire-géographie bastiais. "Une hausse de salaire, on ne va jamais s'en plaindre." Lui précise toucher un peu plus de 2000 euros nets mensuels.
"C'est relativement peu quand on voit le volume de travail complet, estime-t-il. Être prof, ce n'est pas, contrairement à ce que certains s'évertuent toujours à penser, réciter un cours déjà tout rédigé à des élèves de différentes classes pendant 3 ou 4 heures tous les jours. C'est autour de 40 à 45h de travail par semaine. Les cours en question, il faut les préparer, en collant aux programmes qui peuvent évoluer, en s'adaptant aux niveaux des classes qu'on peut avoir, en essayant de les rendre interactifs et intéressants pour capter l'attention de jeunes qui ont faim, qui sont fatigués, ou qui dans tous les cas préféreraient ne pas être là, ce qui n'est pas facile."
C'est un volume d'heures beaucoup plus important que ce que notre simple emploi du temps laisse entendre. Alors toute augmentation est la bienvenue.
En parallèle de quoi il faut également "préparer des examens, puis les corriger, organiser des rencontres parents-profs, participer aux conseils de classe, et suivre aussi des formations pour rester au courant de nouvelles techniques, poursuit-il. Il y a la partie "psychologie" aussi, où nous devons rester présents pour les enfants pour les écouter, les conseiller, les guider. Bref, c'est un volume d'heures beaucoup plus important que ce que notre simple emploi du temps laisse entendre. Alors toute augmentation est la bienvenue. Si augmentation il y a vraiment, bien sûr..."
"La profession et les collègues n'y croient plus"
Justement, du côté de la section de Haute-Corse de la Snuipp-FSU (le Syndicat National Unitaire des Instituteurs, Professeurs des Écoles et PEGC), on ne rechigne pas à se montrer circonspect en l'attente de l'application des dites nouvelles augmentations.
"Pour l'instant, de ce que j'en ai vu, c'est assez confus, souffle Fabien Mineo, secrétaire départemental du syndicat. En janvier 2023, on avait déjà eu des annonces de revalorisation salariale qui n'ont pas eu lieu. Et aujourd'hui, en pleine tempête, le président Macron, en se raccrochant aux branches sachantes de l'éducation nationale, qui est un pourvoyeur de grévistes, essaie par tous les moyens d'éteindre l'incendie qu'il a allumé. Mais la profession et les collègues que je représente n'y croient plus. La poudre de perlimpinpin du président Macron n'a que trop soufflé sur les enseignants."
La poudre de perlimpinpin du président Macron n'a que trop soufflé sur les enseignants.
Fabien Mineo, représentant de la Snuipp-FSU de Haute-Corse
Fabien Mineo le rappelle : "Les dernières revalorisations des salaires et de la grille indiciaire des profs remontent à Jacques Chirac, et François Hollande, qui a permis l'accès des fins de carrière à des salaires plus intéressants. Depuis, il n'y a rien eu, et aujourd'hui on prend dans les dents comme le reste de la population 10 % d'inflation en un an, et nos salaires ne sont pas revalorisés, on ne s'attaque pas au point d'indice pour nous, rien."
Lui parle d'un "ras-le-bol général", avec des enseignants, des directeurs d'école de plus en plus nombreux qui choisissent de démissionner, lassés d'un trop grand nombre d'heures pour une trop faible paie. "Nous serons prêts à écouter et faire confiance aux mots du président quand on verra l'argent sonnant et trébuchant sur nos comptes. Pas avant."