Le "préjudice écologique" causé par les mouillages illégaux d'un yacht ayant détruit des herbiers de posidonie sur la Côte d'Azur dépasse les 200.000 euros, ont soutenu vendredi deux associations de défense de l'environnement au tribunal maritime de Marseille.
Si les juges, qui rendront leur délibéré le 23 février, suivent ces requêtes en ordonnant des réparations financières, ce serait la première fois que le préjudice écologique est reconnu pour l'herbier de posidonie.
Afin de protéger cette plante à fleurs endémique de la Méditerranée qui sert de puits de carbone, nurserie pour poissons et protection contre l'érosion côtière, la France interdit depuis 2020 le mouillage des yachts de plus de 24 mètres dans certaines zones de la Côte d'Azur et de la Corse, hauts lieux de la plaisance mondiale.
Les ancres des yachts, notamment quand on les relève, mais aussi le mouvement de leurs chaînes lors du mouillage, peuvent causer de véritables balafres sur plusieurs centaines de mètres aux herbiers de posidonie, une espèce protégée depuis 1988.
Fin octobre à Marseille, le capitaine hongrois d'un yacht a été condamné à 20.000 euros d'amende ainsi qu'à l'interdiction de naviguer pendant un an dans les eaux territoriales françaises pour avoir à trois reprises fait mouiller son navire de 26 mètres dans des zones interdites, à Cannes en 2021 et à Saint-Tropez en 2022.
Deux méthodes de calcul
Le tribunal maritime, estimant que ces mouillages avaient porté une atteinte "non négligeable aux écosystèmes" avait demandé, à la requête des associations France Nature Environnement (FNE) Paca et de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) Paca, parties civiles, qu'une estimation du "préjudice écologique" ainsi causé soit établi, sollicitant pour ce faire l'assistance du pôle spécialisé dans l'environnement du tribunal de Marseille.
S'appuyant sur la note de ce dernier, les associations ont retenu deux méthodes de calcul possibles pour ce nouveau préjudice: l'une consiste en une estimation de la valeur des services écosystémiques rendus par l'herbier de posidonie, l'autre se base sur les coûts estimés de la restauration de cet herbier. Dans le premier cas, le préjudice a été chiffré à 213.223 euros par les associations, dans le second à 246.875 euros.
"Si je résume: cela coûte très cher à l'homme et à l'environnement de détruire la posidonie", qui a "une capacité de résilience très faible", l'espèce, qui occupe actuellement quelque 80.000 hectares en Méditerranée française, se régénérant très lentement, a indiqué à l'audience l'avocate de FNE Paca, Isabelle Vergnoux.
933 suspicions d'infraction en Méditerranée
"Le but du préjudice écologique est la réparation en nature", qu'elle soit active ou passive, a-t-elle rappelé. Les associations souhaitent que la somme qui sera retenue soit attribuée à l'Agence de l'eau, qui finance des programmes de restauration de la posidonie, mais aussi aux collectivités chargées de la surveillance des zones touchées par les destructions.
Aujourd'hui, "on est capable de remettre de l'herbier dans une saignée qui a été créée par des ancres", explique à l'AFP François Boissery, expert mer à l'Agence de l'eau, précisant que cela "évite d'avoir une zone d'érosion" pouvant ensuite s'étendre.
Pour la préfecture maritime de Méditerranée, la réglementation encadrant les mouillages porte ses fruits: en 2023, le nombre de suspicions d'infraction dans ce domaine a nettement augmenté (933 contre 650 en 2022), signe selon son porte-parole Pierre-Louis Josselin "d'une amélioration du maillage de surveillance et d'une meilleure sensibilisation" du public.