Que se cachent-ils derrière la poignée de main entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin lors de la signature des Accords d'Oslo en 1993 ? Cet acte, symbole de paix dans le conflit Israélo-palestinien, est un chapitre de l'histoire que le magazine "Democratia" vous propose de décrypter à travers un documentaire à voir ce mardi à 20h45 sur ViaStella. L'occasion aussi de débattre sur la présence des Etats-Unis aux Moyen et Proche-Orient.
13 septembre 1993, une image fait le tour du monde : la poignée de main entre le leader palestinien Yasser Arafat et le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin. Ce geste symbolique vient entériner plus d'un an de négociations secrètes par la signature d'un traité de paix. En maitre de cérémonie, le Président des Etats-Unis, Bill Clinton, affiche la stratégie interventionniste américaine dans cette région du globe. Pourtant, les Accords d'Oslo n'ont pas réussi à mettre fin à plus de 40 ans de guerre au Moyen-Orient. Car, derrière cette image médiatique se cache une réalité plus complexe que le magazine "Democratia" vous propose de décrypter avec le documentaire "Accords d’Oslo : le piège de la paix", réalisé par Edoardo Malvenuti.
Accords d'Oslo, ambitions et manipulations derrière le traité de paix
Lorsqu'en 1987, la première intifada palestinienne a lieu, le conflit israélo-palestinien resurgit au premier plan de la scène internationale. Face à la menace, Israël se dote d'armement militaire et devient le "bourreau" d'une Palestine luttant pour la décolonisation et l'autodétermination. De son côté, le dirigeant de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP), Yasser Arafat se trouve dans une situation compliquée. Son soutien officiel à Saddam Hussein pendant la première Guerre du Golfe a soulevé le mécontentement de riches pays du golfe persique, qui ont coupé tout financement à l'OLP. De plus, en exil à Tunis, le pouvoir de Yasser Arafat s'effrite peu à peu auprès des palestiniens des territoires occupés par Israël. Ils estiment que leur dirigeant est en dehors de la réalité, celle d'un quotidien de guerre.
Ce contexte de tension va amener Yasser Arafat et Yitzhak Rabin a déclenché des négociations en dehors de tout circuit officiel. Ils choisissent en secret la Norvège, pays "ami" des deux parties.
Après plusieurs mois de rencontres, Israël décide en mai 1993 d'accélérer le processus et d'imposer les règles du jeu : si l'accord doit aboutir, il faut que les palestiniens fassent ce qu'on leur demande et que les Etats-Unis ne soient pas informés des négociations en cours ! Le gendarme américain, pourtant écarté au départ, sera sollicité en août 1993, lors de la signature de la première déclaration de principe du traité de paix.
Ce n'est pas un traité de paix mais une réorganisation du pouvoir
En substance, les Accords d'Oslo sont un véritable piège diplomatique pour la Palestine. S'il y a, dans le texte, une reconnaissance mutuelle, Israël s'engage seulement à se retirer de Gaza et de Jericho. Il n'est pas question d'arrêter la colonisation en Cisjordanie, ni même de reconnaître un Etat palestinien. L'OLP est légitimée, Yasser Arafat peut revenir en Palestine et ainsi créer une autorité palestinienne. Cependant, il est simplement question ici de transférer des pouvoirs administratifs, comme la santé ou l'éducation, à des territoires qui restent occupés. Ce qui était pressenti comme un accord vers une paix durable, ne sera finalement qu'un triomphe éphémère, puisque les violences reprennent dès 1994.
La contestation des palestiniens s'accentue et on voit apparaître le mouvement extrémiste du Hamas, qui, petit à petit, va rallier des partisans déçus par l'OLP. Face à cette situation explosive, Yasser Arafat et Yitzhak Rabin reprennent les négociations. "Oslo II", signé le 28 septembre 1995, octroie aux palestiniens les grandes villes de Cisjordanie, prises en étau par Israël qui conserve 60% du territoire.
Les Accords d'Oslo ont creusé l'écart entre la Palestine et Israël
7 ans après la signature du premier traité de paix, les colonies israéliennes ont été multipliées par 2 et le pays s'est enrichi. L'économie est florissante et le tourisme s'est fortement développé. Les exportations d'armes et de technologies d'espionnage vers les pays occidentaux et vers les dictatures du monde Arabe a permis à Israël de renforcer sa présence sur le plan international. De son côté, la Palestine a vu son PIB par habitant chuté. Les secteurs de la santé et de l'éducation, pouvoirs redistribués par les premiers Accords d'Oslo, sont laissés à l'abandon. La répression policière dans les territoires occupés - La Palestine a le plus grand nombre de policiers par habitant au monde - est omniprésente, afin qu'aucun soulèvement du peuple ne vienne remettre en cause l'autorité palestinienne.
Les Etats-Unis semblent absents de cette page de l'Histoire contemporaine. Relayés à un rôle symbolique lors de la signature des Accords d'Oslo, ils ont été exclus des négociations. Peut-être, doit-on y voir la raison de l'échec de ce traité de paix, qui a laissé à Israël l'opportunité de s'imposer ? Les Etats-Unis ont-ils préféré ne pas endosser le rôle du médiateur pour satisfaire son allié israélien ? En signant les Accords d'Oslo, la Palestine a enterré une fois pour toutes le rêve de voir un jour la naissance d’un État souverain.
Les Etats-Unis sont-ils toujours les gendarmes du Moyen-Orient ?
C'est le thème du débat que vous retrouverez dans "Democratia", après la diffusion du documentaire consacré aux Accords d'Oslo. Pour débattre sur ce sujet, Jean-Christophe Galeazzi reçoit Dorothée Schmid, responsable du programme Turquie et Moyen-Orient à l'Institut Français des Relations Internationales et Michael Stricof, Maitre de conférences en civilisation des États-Unis, spécialiste de l’histoire politique. Ensemble, ils évoqueront le glissement stratégique opéré par les Etats-Unis aux Proche et Moyen-Orient. De la mise à l'écart de l'Union Soviétique pendant la Guerre Froide à la doctrine Carter dans les années 80 pour le contrôle des ressources pétrolières, en passant par la lutte contre le terrorisme sous l'ère Bush, les USA ont toujours été très actives militairement dans la région.
Le tournant diplomatique voulu par Barak Obama a marqué la fin d'un interventionnisme militaire. Les priorités ont changé : les guerres successives aux Proche et Moyen Orient ont coûté chères aux Etats-Unis sur un plan financier (4.000 à 8.000 milliards de dollars pour la guerre contre le terrorisme) et humain (900.000 morts directs). Enfin, d'un point de vue politique, les USA continuent de défendre leurs intérêts, comme c'est le cas avec Israël, mais ils ne cherchent plus à imposer un modèle démocratique.
Aujourd'hui, les mandatures de Trump et de Biden suivent l'axe emprunté par Obama avec une réorientation vers l'Asie pacifique, laissant à la Russie et à la Chine, l'opportunité d'être plus présentes au Moyen-Orient.
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