Les images du premier pas de l'Homme sur la Lune ont été un événement universel et probablement le premier grand rassemblement télévisuel de l'Histoire. Le réalisateur Paul Filippi fait partie de ceux qui ont été fascinés par ces images. Il les a vécues en direct alors qu'il n'avait que 3 ans. C'est ce souvenir, celui d'un enfant, qu'il veut nous faire partager dans le documentaire "L'Istati di a Luna", à voir ce vendredi 15 décembre à 20h45 sur ViaStella.
Le 21 juillet 1969 : 3h56 du matin, Neil Armstrong pose le pied sur la Lune
C’était à Mezzavia, près d’Ajaccio, le 21 juillet 1969, à 3h56 du matin. Ce jour-là, cette nuit-là, sur toute la Terre, des centaines de millions d'Humains regardaient avec fascination les images venues en direct du fin fond du cosmos de ces hommes sautillant dans la nuit lunaire. Il y avait Neil Armstrong, sa phrase historique, et le bond de géant que son petit pas d’homme représentait pour l’Humanité… Il y avait Buzz Aldrin, le deuxième homme, et l’image iconique de l’empreinte de sa botte dans le sable lunaire.…
Et il y avait Michael Collins, le troisième astronaute, l’homme le plus seul de l’univers, voué à rester en orbite et condamné à s’approcher de la Lune sans pouvoir y accoster. Et puis il y avait nous, les Terriens, les Humains, qui, depuis notre coin de planète, regardions éberlués l’Histoire s’écrire au présent sur l’écran neigeux du poste de télé. Ce jour-là, la Terre n'était guère plus qu'un astre en banlieue de la Lune.
"L'istati di a Luna" : au-delà de l'événement planétaire, chronique d'un souvenir d'enfance
« L’istati di a Luna » est en quelque sorte le récit intime, imaginaire et poétique, d’un événement universel. La chronique d’une image d’enfance, et du souvenir d’une nuit d’été sur la Terre.
En mêlant vieux films de familles (personnels ou issus des fonds de la Cinémathèque de Corse), séquences animées et bien sûr archives de l’ORTF de la nuit du 21 juillet 1969, le film tente de retisser les fils de la mémoire de cet instant crucial de l’aventure humaine.
Un point de bascule entre le monde d’avant et le monde d’après. Entre un temps révolu, un monde finissant, et un futur rêvé, une promesse de progrès, de modernité et d’abondance perpétuels pour tous.
« L’istati di a Luna » n’aborde pas la conquête de la Lune sous son angle technologique et astronomique, préférant restituer le hors champ, ces moments du quotidien, ces moments d’émerveillement et d’insouciance enfantine, à l’orée d’un âge de tous les possibles… Et s’il raconte la Lune, et la fascination que produit sur l’Humanité son cycle perpétuel, merveilleux ou inquiétant, sa présence immuable, c’est pour mieux interroger la Terre, son devenir, et la fragilité de son havre de vie…
3 questions à Paul Filippi, documentariste pour la collection Ghjenti
Un documentaire sur l’alunissage de 1969, d’où vous est venue cette idée ?
Je crois que c’est une vieille idée. Ou plutôt je crois que c’est une vieille fascination qui m’a toujours accompagné depuis l’enfance. De fait cette histoire est indissociable de l’enfance. J’ai grandi avec cette image des premiers hommes sur la Lune. Lorsque j’étais petit, c’était un sujet qui nous intéressait beaucoup, en famille. Mon frère était plus âgé et était passionné par l’aventure spatiale… Nous avons été marqués – nous et ceux de notre génération - par cette aventure et le bouleversement qu’elle a suscité… Je n’avais que trois ans quand Armstrong, Aldrin et Collins ont « conquis » la Lune, et mon souvenir s’est sans doute construit à partir de la mémoire des « grands ».
J’ai eu envie de m’intéresser à ce jour-là comme à une sorte de madeleine de Proust : à partir des images de cet événement littéralement planétaire, le projet était de réveiller la mémoire, précise, floue (ou même imaginaire) de ces instants d’enfance… De reconstruire autour du récit de cette nuit lunaire, la chronique du souvenir d’un été…
Pourquoi avoir choisi de mêler image d’archives, films amateurs et animation ? D’ailleurs ce sont vos animations ? Comment les avez-vous réalisées ?
A partir du moment où il était question de relater cet événement à travers les images d’archives de l’ORTF, non seulement en tant que telles mais aussi en tant qu’image de télévision, en tant « qu’objet », il fallait incarner la scène, et concrètement évoquer visuellement tout autant l’image de télévision que la télévision elle-même. J’ai donc eu l’idée de fabriquer une petite télévision puis peu à peu la scène a grandi, et est apparue une sorte de maison de poupée, un jouet d’enfant, comme une sorte d’écrin « intime » où faire revivre le souvenir de cette scène…
L’usage des images de cinéma amateurs (provenant pour l’essentiel des fonds de la Cinémathèque de Corse, mais aussi de quelques archives personnelles…) sont dès lors apparues comme essentielles à ce récit. Elles portent en elles une poésie tout à la fois mélancolique et joyeuse. C’est un peu la tonalité que nous avons voulu donner à ce film, Véronique Buresi (monteuse et complice essentielle de ce film) et moi-même : mêler joie et mélancolie, et brouiller les frontières entre imaginaire et réalité, entre mémoire et oubli…
Si demain l’homme pose le pied sur Mars, pensez-vous que cet événement aura le même retentissement qu’en 1969 ?
Incontestablement, les premiers pas d’un être humain sur une planète aussi lointaine, seront un événement majeur. Bien sûr, depuis Apollo 11 et les missions suivantes (le programme Apollo s’est achevé en décembre 1972 avec Apollo 17) nous savons qu’il est possible de visiter une autre planète et d’en revenir (vivants !). L’exploration spatiale fait à présent partie de note quotidien et du quotidien des plus jeunes… Mais cette fois-ci l’émerveillement viendra plutôt de la longue odyssée que sera le voyage vers Mars. Il faudra des mois et des mois pour aller « là-bas », et le risque n’en sera que plus grand.
Ce sera une conquête symbolique (et une victoire technique et humaine, bien sûr). Et aussi, comme d’ailleurs au temps d’Apollo 11, un formidable outil de propagande pour ceux qui seront capables d’accomplir cet exploit…
Quant à savoir si d’un point de vue scientifique, ce voyage serait utile, il semble que certains en doute. Des robots coûtent moins cher et sont plus efficaces… Mais comme pour le 21 juillet 1969, c’est l’idée qu’un.e de nos semblables foulera le sol d’une planète lointaine qui nous émerveillera. Et je me dis que l’empreinte de botte que le premier astronaute laissera dans le sable rouge de Mars sera aussi un peu le nôtre…
📺📲💻 « L’istati di a Luna », un documentaire de la collection Ghjenti réalisé par Paul Filippi à voir vendredi 15 décembre à 20h45 sur ViaStella et en replay sur France.tv