Ce nouveau documentaire de Jackie Poggioli, intitulé "Sureddi d’armi", est consacré à 7 femmes combattantes, des figures presque toutes absentes des livres d’histoire consacrés à la Corse et à la Seconde Guerre Mondiale. C’est une investigation au caractère doublement inédit, par son sujet lui-même mais aussi par l’identité insulaire des personnages qui y sont mis en lumière. À ne pas manquer vendredi 15 septembre à 20h45 sur ViaStella.
De fait, les femmes engagées sous l’uniforme dans l’Armée de Libération ayant combattu les Nazis et leurs alliés durant la Seconde Guerre mondiale s’avèrent bien plus méconnues encore que les es soldates corses sont pour leur part encore plus oubliées.
Avant 1940, les femmes engagées dans l'Armée n'ont jamais eu accès au statut de Combattantes
Au-delà de l’île, jusqu’en 39-45, l’enrôlement militaire était uniquement réservé aux hommes, en France comme dans la plupart des pays occidentaux. Même si des femmes avaient en fait participé auparavant à des guerres, notamment à celle de 14-18, c’était pour l’immense majorité d’entre elles en France dans les Services auxiliaires de l’Armée. Elles étaient affectées essentiellement à la Santé et l’Intendance. Elles n’ont en outre jamais eu accès au statut de Combattantes et aux droits y afférant. Tel a été le cas même pour celles qui ont été tuées, mutilées ou blessées. Elles n’ont pas eu la carte « d’Ancien Combattant ». Cette ostracisation a été l’une des causes majeures de leur longue invisibilisation.
39-45 : des femmes engagées-Volontaires
Durant la Seconde Guerre, c’est donc une véritable Révolution qui s’est opérée. Des milliers de femmes ont pu s’engager comme Volontaires dans des Unités militaires combattant l’Allemagne Hitlérienne et ses alliés, dès 1939 et plus encore après la Capitulation de juin 40, mais à l’extérieur de l’Hexagone, où le Gouvernement français de Vichy collaborait avec l’Occupant. C’est après le 18 juin 1940 à Londres et ensuite dans l’Empire colonial qu’elles ont rejoint les rangs de ce qui est devenu l’Armée de Libération. Des femmes corses ont fait partie de ces Forces Combattantes, mais elles restaient presque totalement oubliées jusqu’à aujourd’hui. C’est cet effacement de leur mémoire qu’a décidé de combattre Jackie Poggioli, après avoir évoqué dans deux de ses documentaires précédents des Résistantes civiles déportées.
L'histoire oubliée de 7 Combattantes corses ou issues de la Diaspora
La réalisatrice a exhumé dans ce nouveau film les parcours et les visages de 7 de ces Combattantes, originaires de l’île ou de sa Diaspora, prénommées Marie, Eugénie, Ida, Benita, Madeleine, Désoline et Colette. À travers elles, ce sont toutes leurs sœurs d’armes auxquelles s’adresse son hommage. Ces héroïnes étaient à l’époque de leur engagement de très jeunes femmes, mineures pour bien d’entre elles. Au demeurant, les femmes mariées ne pouvaient pas s’enrôler à l’époque sans le consentement de leurs époux… Outre les risques mortels auxquels elles se sont exposées, elles ont, les unes et les autres, dû transgresser les codes culturels et moraux de leur société au profil toujours très traditionnel dans ces temps-là. La guerre était vue comme une affaire d’hommes, et l’Armée comme un monde masculin où les femmes n’avaient pas leur place et où elles n’ont d’ailleurs pas été bien accueillies par la plupart de leurs frères d’armes… C’était pourtant le Commandement lui-même qui les avait exhortées à s’enrôler pour compenser le manque d’hommes !
Aujourd’hui, le caractère inédit et exceptionnel de leur enrôlement est oublié, tout comme leur identité, leurs noms et leurs visages, pour la majorité d’entre elles. Leurs tombes ne sont fleuries que par leurs familles et oubliées par les Officiels et même par leurs compatriotes ou concitoyens. Aucun monument public ne leur est consacré en Corse ! Elles y sont de fait même plus oubliées que les soldats indigènes de l’Armée d’Afrique, qui depuis quelques années ont été mis en exergue. Le film de Jackie Poggioli veut battre en brèche cet effacement scandaleux, à l’heure où l’on parle tant de parité, et où l’inégalité mémorielle reste si ouvertement ancrée, concernant les femmes. L’hommage émouvant de la réalisatrice à ces soldates inconnues illustre une fois de plus sa volonté de mettre en lumière des pages oubliées de l’histoire de la Corse, et de faire ressurgir des figures issues de ce peuple et pour la plupart de ses classes populaires et rurales, des insulaires au profil si mémorable et pourtant oublié ou oblitéré. C’est à ce jour le premier documentaire consacré à plusieurs soldates de la Seconde Guerre, et qui plus est de la même origine géographique et culturelle.
📺📲💻 Sureddi d'armi, un documentaire inédit de la collection Ghjenti, réalisé par Jackie Poggioli, à voir vendredi 15 septembre à 20h45 sur ViaStella et en replay sur France.tv
