Les propriétaires forestiers tentent de relancer la filière du chêne-liège. Présent sur plus de 46 000 hectares, il peut être valorisé sous différentes formes. Silvacoop, une coopérative, a remis au goût du jour la levée de liège. Illustration dans le Taravo.
Un air d'Espagne se faufile entre les arbres de Petreto-Bicchisano. Les neuf leveurs de liège sont Catalans ou Andalous et la précision de leurs gestes surprend les rares vacanciers d’un camping de la région du Taravo. « C’est vraiment intéressant. C’est très physique », constate l’un d’entre eux.
Un travail dans les règles de l'art, à l'aide de simples haches. « Quand on touche l’arbre, il faut avoir de la précision pour arriver à décrocher l’écorce très épaisse sans blesser l’arbre », indique Francisco Milonez, chef d'équipe des leveurs de liège espagnols. Ce qu’il ne faut pas blesser, c’est le liber, la partie du tronc qui permet la conduction de la sève.
Économie durable
Le liège récolté rapporte à son propriétaire 40 euros le quintal. Le prix négocié par la coopérative forestière est le même que sur le continent. Jean-François, en voisin, assiste par curiosité à l'écorçage.
Dans quelques jours, les leveurs mandatés par Silvacoop seront chez lui pour la première fois. « J’ai tout de suite pu visualisé qu’il y avait quelque chose où il y avait un intérêt pour le propriétaire. Il est financier parce que le liège est rémunéré et il y a aussi quelque chose qui est liée à l’économie durable. Il y a une approche très transparente, car on sait exactement où le liège va. On sait comment il est levé avec des experts qui connaissent leur métier et qui ne vont pas abîmer les arbres. Tout ça, c'est des éléments qui s’alignent bien et qui nous ont motivés pour rejoindre la Silvacoop », livre-t-il.
Créée en 2013, et gérée par des propriétaires forestiers privés, l'entreprise s'est donnée pour missions d’améliorer la suberaie, la structuration de la filière liège et la commercialisation. Elle est soutenue financièrement par la collectivité de Corse et par l'État.
Transparence
Actuellement, la principale difficulté de l’entreprise est de trouver une main d'œuvre locale qualifiée. « Il n’y a pas de savoir-faire qui s’est perdu, on n’est pas les seuls à lever du liège. Mais nous, on veut travailler en toute transparence. C’est pour ça que notre opération de levée de liège est certifiée. Ça nous permet de dire que le liège levé provient de propriétés certifiées, donc qui ont une gestion durable. Nous coopérative, notre travail, on le fait de façon durable. […] À la fin, notre liège est traçable, on peut retrouver le propriétaire et expliquer tout ce qui a été fait », précise François Murraciole, directeur de la Coopérative Silvacoop et gestionnaire forestier professionnel.
L'objectif est donc de pérenniser le stock le liège sur pied de l'île et d’envisager une production de 7 000 tonnes par an. Car le cycle de formation est lent, il faut compter 10 à 12 ans après démasclage. « Autrefois, en Corse, il y avait une économie du liège jusqu’à la fin des années 1970 et puis ça s’est perdue. Aujourd’hui, il existe des possibilités pour […] trouver des débouchés. La première opération qui a été faite par la coopérative a été de commercialiser auprès d’un client, qui fabrique des bouchons estampillés ‘Liège de Corse’ pour boucher les vins des caves coopératives de notre île », raconte Marie de Peretti Della Rocca, présidente de la coopérative Silvacoop.
Cette troisième campagne de levée de liège organisée par Silvacoop a duré 10 jours. D'autres exploitants de l’extrême-sud n'ont jamais cessé de récolter depuis plus de 50 ans, sans subventions. Tous n'aspirent qu'à une chose : la création, en Corse, d'une unité de transformation.