Ce mercredi, la cour d’appel de Bastia a confirmé l’ordonnance de non-lieu dans l’affaire des écoutes entre Maître Anna-Maria Sollacaro et l’un de ses clients. L’avocate ajaccienne, qui avait déposé plainte pour violation du secret des correspondances, a décidé de se pourvoir en cassation.
Il n'y aura pas d'enquête ouverte pour violation du secret professionnel dans l'affaire des écoutes concernant Me Anna-Maria Sollacaro.
Ce mercredi, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bastia a confirmé le non-lieu prononcé en première instance dans ce dossier.
Par l'intermédiaire de ses conseils, l’avocate ajaccienne demandait que des investigations soient diligentées à l’encontre de la magistrate qui avait accepté la retranscription de ses conversations téléphoniques avec son client Humbert Danti. Tout cela dans le cadre d'une procédure relative à une tentative d'assassinat à Sartène en 2014.
Le décision rendue ce mercredi fait donc suite à l’appel examiné le 27 octobre dernier par la chambre de l’instruction. Du côté des avocats d’Anna-Maria Sollacaro, l’incompréhension demeure :
"Il est coutumier pour certains de dire que la chambre d’instruction est la chambre de la confirmation, ça se précise dans ce dossier, a réagi Me Amale Kenbib. On avait espéré qu’il y ait une application stricte du droit, quelles que soient les personnes mises en cause, même si c’étaient des magistrats. Évidemment, on ne comprend pas la décision à ce stade mais on attend de lire l'arrêt de la cour. On sait néanmoins que le non-lieu est confirmé. La cour a donc considéré notre demande comme recevable sur la forme mais infondée sur le fond."
Une longue bataille judiciaire
Cette décision est la suite d’un bras de fer judiciaire qui oppose depuis cinq ans Me Sollacaro et ses conseils à la justice.
En 2016, l’avocate insulaire apprend que ses conversations téléphoniques (datant de 2014) avec son client Humbert Danti (assassiné en janvier 2019) ont été enregistrées par les services de police qui enquêtent alors sur une tentative d’assassinat à Sartène.
Dans un premier temps, Anna-Maria Sollacaro saisit la chambre de l’instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour faire annuler les procès-verbaux. Elle obtiendra gain de cause, la cour rappelant que "les conversation entre un client et son avocat sont couvertes par le secret professionnel et ne peuvent être interprétées et transcrites que si elles révèlent des indices de participation de l'avocat lui-même à la commission d'une infraction". Pour la juridiction aixoise, il n'y avait aucune suspicion d'infraction de la part de l'avocate dans ce dossier.
Dans la foulée, Me Sollacaro dépose quand même - "par principe" - une première plainte à Ajaccio pour violation du secret des correspondances entre un avocat et son client. Celle-ci sera classée sans suite, après qu’aucune enquête n’a été menée.
Fin 2017, l'avocate insulaire dépose une nouvelle plainte, cette fois avec constitution de partie civile. La magistrate en charge de l’enquête sur la tentative d’assassinat de Sartène est alors entendue, ainsi que les deux policiers ayant versé les écoutes au dossier.
Là encore, le 14 juin dernier, une ordonnance de non-lieu sera délivrée par la juge d’instruction d’Ajaccio concernant ces fameuses retranscriptions téléphoniques.
Les conseils d’Anna-Maria Sollacaro, qui avaient également demandé le dépaysement de l’enquête hors de l’île, font alors appel de cette décision. Examinée en appel le 27 octobre dernier à Bastia, elle a donc été rendue ce mercredi 8 décembre.
Pourvoi en cassation
Au cœur de ce dossier, il y a la question du secret des correspondances entre les avocats et leurs clients. Un sujet d’autant plus sensible qu’il a fait l’objet d’un projet de loi adopté par le Sénat le 18 novembre dernier.
En Corse, comme sur le continent, les robes noires s'étaient d'ailleurs mobilisées contre ce projet. Le texte a même été amendé en dernière lecture à l’Assemblée nationale. Les avocats ont ainsi pu préserver le secret en matière de défense, mais celui-ci demeure toutefois encadré dans les activités de conseil concernant les infractions financières.
Selon Me Kenbib, "il n’y a aucun lien" entre le projet de loi et la décision rendue par la cour d’appel ce mercredi : "Je pense qu’il était déjà acquis depuis plusieurs années, et on l’a vu au regard de l’attitude de la juge d’instruction, que cette dernière n’entendait pas mettre en cause ses collègues et les services de police dans ce dossier."
Une impression partagée par Anna-Maria Sollacaro, qui a réagi ce mercredi matin : "Dans ce dossier, nous avons pu avoir un sentiment d’auto protection entre pairs qui semble se préciser car, en droit et en fait, l’infraction est constituée. Nous poursuivrons la procédure jusqu’à temps que le droit soit respecté par ceux qui veulent se présenter comme les gardiens des libertés. Rôle qui leur est attribué par la constitution dont on semble oublier ici son existence."
Pour elle et ses conseils, le combat n’est donc pas terminé. Il va désormais se déplacer vers d’autres juridictions, comme nous l’a confirmé Me Amale Kenbib : "nous poursuivrons notre demande d’application du droit devant la cour de cassation et si nécessaire devant la cour européenne des droits de l’homme."