Le parti fédéraliste européen annonce sa candidature pour les élections européennes de 2024. Pour représenter le mouvement en Corse : Christophe Canioni, ex-leader du Front national en Corse et ancien conseiller territorial. Le délégué régional détaille aux côtés de Dominique Agostini, second responsable régional, leurs propositions;
Christophe Canioni, vous avez longtemps évolué au sein du Front national en Corse, vous en avez été la tête de liste aux élections territoriales de 2015, avez par ailleurs été dans ce cadre en tant que conseiller au sein de l'Assemblée... Aujourd'hui, vous rejoignez le Parti fédéraliste européen. Pourquoi ce changement de voie ?
Christophe Canioni : J'ai rejoint le Front national il y a déjà 30 ans. C'était un contexte complètement différent, et je pouvais y défendre mes idées, tout particulièrement mes positions régionalistes. Je n'ai jamais été jacobin, j'ai toujours eu cette vocation de défendre la Corse, et de faire en sorte que la Corse, au sein de la France, ait une spécificité autonomiste. J'ai quitté le Front en 2017, parce qu'il ne correspondait plus à mon engagement.
Concernant le parti fédéraliste, je l'ai rejoint parce que j'estime que le contexte a complètement changé depuis les années 1990, et que nous avons besoin d'avoir une Europe forte. Parce que sans Europe forte, capable de résister aux pressions et la tutelle américaine notamment, on ne s'en sortira pas. Aujourd'hui, si on ne va pas vers une Europe fédéraliste, on va aboutir à une Europe divisée, qui sortira de l'histoire, petit à petit. Alors nous proposons une nouvelle Europe, avec de nouvelles institutions.
Que proposez-vous spécifiquement pour la Corse ?
Dominique Agostini : L'Europe se trouve actuellement dans un système d'Etats-nations, sans constitution pré-établie. Nous, ce que nous voudrions, c'est aboutir aux Etats-Unis d'Europe, de type fédéral, comme cela se passe aux Etats-Unis. Et au sein de cela, nous voudrions créer un vingt-huitième Etat fédéral européen, qui serait composé des 24 îles européennes actuellement rattachées à des pays.
"Nous voudrions créer un vingt-huitième Etat fédéral européen, qui serait composé des 24 îles européennes actuellement rattachées à des pays."
La Corse en ferait partie, et obtiendrait ainsi plus de pouvoir, puisqu'elle serait en lien direct avec l'Europe, en tant qu'Etat fédéral, et aurait donc forcément un jour ou l'autre à siéger au sein du Conseil de l'Europe.
La Corse serait ainsi complètement indépendante de la France continentale ?
Christophe Canioni : Très exactement. La fédération des îles deviendrait un Etat fédéré au même titre que la France, l'Allemagne ou la Suisse. Il s'agit de couper ce cordon avec Paris, et ne pas continuer des situations qui perdurent depuis des décennies, avec des discussions en boucle, le gouvernement qui lâche de temps en temps un petit truc pour éviter que la Corse parte en vrille, les individus qui se calment et calment les autres quelque temps... Et l'intérêt collectif corse, dans tout cela, qui est quelque part oublié.
Nous souhaitons sortir de ce schéma complètement sclérosé. Alors dans ce cadre, ce serait une indépendance, mais en lien tout de même avec les autres îles, puisque la Corse reste un petit territoire, il ne faut pas l'oublier.
Comment serai(en)t élu(s) le ou les représentants d'un tel Etat ? Est-il réellement envisageable de réunir en un seul Etat des îles aux peuples, cultures, langues et patrimoines très diversifiés ?
Dominique Agostini : Il y aura des élections qui seront tenues, et qui permettront d'élire un représentant au siège du Conseil européen. On peut imaginer aussi une présidence tournante : trois ans les îles grecques, trois ans les Baléares, trois ans la Corse, trois ans la Réunion... Mais on aura au sein du Conseil européen la parole spécifique aux îles, qui ne seront plus englobées dans des pays avec un mille-feuille régional, communal...
C'est essentiel, quand on voit bien aujourd'hui que la parole des îles en Europe est largement sous-représentée. Les dispositifs qui existent actuellement n'aboutissent à rien.
Quel regard portez-vous sur l'exécutif actuellement en place en Corse ?
Christophe Canioni : Nous avons des instances qui sont aujourd'hui archaïques. Il y a un président de l'exécutif qui a tous les pouvoirs, alors qu'avant nous avions des contre-pouvoirs avec les départements. Et ce n'est pas bon, ce n'est pas une démocratie. Il y a des choses à revoir, et cela doit être fait en concertation avec la population corse.
"La Corse a besoin d'avoir une vraie ouverture pour se faire entendre, dont nous ne disposons pas actuellement'
On voit aujourd'hui un exécutif qui peine, des problèmes budgétaires qui ne font que s'accumuler... Vis à vis du processus entamé de discussion avec Paris, on n'avance pas. La Corse a besoin d'avoir une vraie ouverture pour se faire entendre, dont nous ne disposons pas actuellement, et que je souhaiterais apporter via le parti fédéraliste.
Aux dernières élections européennes, en 2019, le PFE a obtenu 0,05% des voix en France, - 58 votes en Corse -, et de fait aucun siège au Parlement européen. Comment comptez-vous améliorer ce score en 2024 ?
Christophe Canioni : Nous allons continuer de communiquer sur notre programme, sur nos idées, auprès des médias, auprès des gens, sur le terrain. Il s'agit de convaincre les citoyens de la nécessité de faire ces changements que nous proposons. Ce ne sera pas facile. Mais un combat facile, je pense que je n'y aurais pas été.