Le réalisateur corse a porté à l'écran le roman de Jérôme Ferrari. Le long métrage a été sélectionné à la Quinzaine des Cinéastes, avant sa sortie en salle le 4 septembre prochain. Nous l'avons rencontré.
À son image, le quatrième long-métrage de Thierry De Peretti est le portrait d'une photographe de presse, Antonia, témoin, mais également actrice, de l'histoire tumultueuse du nationalisme corse.
ENTRETIEN
Le public s'apprête à découvrir À son image, mais l'auteur du roman, Jérôme Ferrari, l'a vu il y a quelques jours. Vous appréhendiez ce moment ?
Évidemment. Quand je l'ai montré à Jérôme, je lui ai dit : "j'espère que tu ne vas pas sortir de la salle en hurlant ou en m'insultant !" C'était essentiel pour moi, je ne voulais pas qu'il se sente trahi. Même si je suis bien conscient que la trahison est inhérente à l'exercice.
Pourquoi ?
Quand on adapte un roman, on doit prendre des décisions fortes. Tout au long du processus. Au moment de l'écriture, parce qu'il y a des choses qui nous intéressent plus que d'autres dans le roman, des axes qui nous semblent très forts. Mais cela continue sur le tournage, pendant le montage... Au final, certains moments du film sont très respectueux du roman, d'autres résultent de coupes franches. Il y a des apports, des modifications...
Et puis il y a ce que l'on peut, et ce que l'on ne peut pas faire.
Il y a aussi les coupes qui sont imposées par des décisions économiques, c'est vrai. Très vite, on a su par exemple qu'il faudrait écarter du film tout ce qui ne touchait pas directement les personnages principaux d'À son image. Sinon, le film aurait duré 10 heures... La question d'une adaptation fidèle ou infidèle ne devrait même pas se poser.
À son image, le roman, n'a pas besoin du film. Il existe seul.
Thierry de Peretti
C'est pour cela que vous parliez de trahison ?
Il faut toujours garder une chose en tête. Le cinéma n'est pas la littérature. À son image, le roman, n'a pas besoin du film. Il existe seul. Ce qui m'importe, ce n'est pas de lui être fidèle. Ce que je voudrais, c'est que le film engage une conversation avec la Corse que Jérôme décrit dans son livre. Que les deux œuvres convergent.
Qu'est-ce qui est le plus difficile : adapter un roman ou d'écrire un scénario inspiré d'une histoire vraie, comme vous l'avez fait dans vos précédents films ?
Si j'écrivais un scénario en trois jours, je pourrais vous répondre. Les difficultés seraient facilement identifiables. Mais j'écris un scénario en trois ans, et c'est tellement long, il y a tant d'étapes, que ces difficultés deviennent secondaires. On est concentrés sur le récit que l'on s'approprie, et que l'on va tenter de déployer par le cinéma. Je ne suis pas journaliste, je ne suis pas historien, je ne cherche pas non plus à instrumentaliser l'histoire. Je me dis juste "cette histoire peut produire du cinéma, et rendre compte de la réalité de ce qu'on est en corse en peuple, en tant que société".
>> "Je ne m'attendais pas à aimer autant le film" : Jérôme Ferrari a vu l'adaptation ciné du roman A son image
Porter à l'écran des hommes et des femmes qui existent, et dont le parcours a parfois été douloureux, ce n'est pas plus délicat que porter à l'écran des personnages de roman ?
Je comprends ce que vous voulez dire, mais les personnages, au fil de ce travail, ne sont plus des personnages de roman, ni des personnages de la vie réelle. Ils deviennent des personnages de film, et nous cherchons à leur donner vie.
Pour l'heure, deux avant-premières sont prévues, à Bastelica le 19 juillet et à Ajaccio le 20 juillet.
Voyez le reportage de notre équipe, sur place, lors de la présentation du film à Cannes :