"Augmenter les prix pour ne pas travailler à perte" : face à l'inflation, les artisans et entreprises du BTP en difficulté

Les crises qui se sont succédé au cours des deux dernières années ont engendré des conséquences économiques alarmantes pour les professionnels du bâtiment et des travaux publics. Hausse des coûts des matériaux, délais de livraison plus longs et carnets de commande allégés, l'inquiétude grimpe dans le secteur.

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Covid, guerre en Ukraine, inflation... Comme pour nombre d'autres corps de métiers, la période est difficile pour les artisans du bâtiment et travaux publics.

Bois, zinc, aluminium ou encore briques ou tuiles, depuis 2021, les indices de prix des matériaux de construction ont explosé, passant parfois du simple au double en l'espace de quelques mois. Des variations de coûts auxquelles sont particulièrement sensibles les artisans et entreprises de toutes tailles.

Gérant d'une entreprise familiale "Fusella constructions métalliques", Albert Fusella note ainsi une hausse de 100% du prix de l'acier de "la fin 2020, jusqu'à août 2022".

Entre septembre et décembre de l'an dernier, une "petite baisse, de l'ordre de 5 à 10%" des coûts a bien été répertoriée. "Mais en plus d'être minimale comparativement à l'augmentation totale des prix, ce qui est important pour nous, dans notre corps de métier, c'est la stabilité", déplore-t-il.

Président et fondateur de sa propre entreprise spécialisée dans le secteur de travaux de plâtrerie, "Le plaquiste corse", Guillaume Maltese enregistre de son côté depuis le printemps dernier "autour de +48% du prix de la ferraille", utilisée, notamment, dans la fondation de cloison, faux-plafond, ou encore dans la pose de parquet stratifié.

Rogner sur les marges ou augmenter les prix

Pour les deux sociétés, il a donc fallu s'adapter. D'abord en rognant sur leurs marges, et en absorbant les hausses pour ne pas les imposer aux clients. Un équilibre impossible à tenir dans la durée : "On a rapidement été obligé de répercuter au moins une partie de la hausse sur les clients, souffle Guillaume Maltese. Le tarif que l'on pratiquait avant augmentation nous revenait après quasiment au coût de la marchandise..."

Le tarif que l'on pratiquait avant augmentation nous revenait après quasiment au coût de la marchandise...

Guillaume Maltese

Si le plaquiste assure avoir à ce jour eu à faire à des clients plutôt "compréhensifs", ces hausses de prix ne sont pas forcément toujours bien acceptées. "Ce qu'il faut bien avoir en tête, c'est que dans le BTP, le temps entre un devis et le commencement des travaux est parfois très long. On peut compter jusqu'à six mois, deux ans parfois", détaille Vincent Baldo, président de la Capeb, la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, de Haute-Corse.

"Donc je vous laisse imaginer que pour un entrepreneur qui a fait un devis en 2020 et commence les travaux en 2022, les prix ont tout simplement doublé. La difficulté est donc de faire de la pédagogie avec les clients pour leur expliquer que les artisans n'y sont pour rien, et qu'ils ne peuvent pas travailler à perte."

Des délais de livraison des matériaux toujours plus longs

La Capeb revendique 150 adhérents dans le département, et une centaine en Corse-du-Sud. "Pour tout le monde, la situation est très compliquée", témoigne Vincent Baldo. 

Au-delà des coûts qui s'envolent, faute, notamment, à la guerre en Ukraine et à la pandémie, les délais de livraison des matériaux de construction n'ont de cesse de s'allonger.

Pour compenser, certains artisans choisissent de "sur-stocker" les produits en prévision de futurs chantiers pourtant encore non-validés. "Ce qui fait qu'on mange encore un peu plus notre trésorerie, sans même être sûrs de pouvoir écouler les matériaux, reprend le président de la Capeb de Haute-Corse. Mais pas le choix, si nous voulons continuer à travailler..."

On essaie toujours d'avoir une visibilité sur 12, 18, ou idéalement 24 mois. Quand ça tombe à 6 mois, et cela tend à être le cas en ce moment, on se dit : c'est bien, j'ai du travail pour 6 mois, mais et après ?

Vincent Baldo, président de la Capeb de Haute-Corse

Car, et c'est là le principal problème poursuit-il, les artisans souffrent aujourd'hui d'un cruel manque de visibilité, pourtant cruciale dans leur métier.

"En tant qu'artisan, on essaie toujours d'avoir une visibilité sur 12, 18, ou idéalement 24 mois. Quand ça tombe à 6 mois, et cela tend à être le cas en ce moment, on se dit c'est bien, j'ai du travail pour 6 mois, mais et après ? Et on commence à s'inquiéter."

Moins de prêts, moins de chantiers

Des craintes d'autant plus vives que le contexte n'est pas favorable aux travaux de construction ou rénovation. "Avec l'inflation, les gens ont moins de moyens, combinés à cela l'augmentation récente des taux d'intérêts qui rendent plus compliqués les emprunts... Faire un prêt à 3%, ce n'est pas la même chose qu'à 1%. Les clients ne sont plus sûrs de pouvoir tenir leur budget, et pour certains préfèrent reporter ou même annuler leurs projets de rénovation ou de construction."

Résultat, les carnets de commande des artisans ont tendance à s'alléger, faisant craindre à Vincent Baldo des possibles prochains licenciement, ou non-renouvellement de CDD.

"L'année 2022 a été très compliquée. Mais j'ai la certitude que 2023 sera encore pire", prédit-il tristement.

Lui a le sentiment d'un certain abandon des petites entreprises par le gouvernement. "Ce dont on aurait besoin, c'est qu'on nous laisse travailler dans de bonnes conditions, et qu'on arrête de nous étouffer avec des charges et des impôts dans tous les sens." Avec l'impression, conclut-il, d'un gouvernement qui travaillerait "contre, plutôt que pour", ses artisans.

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