Le guitariste balanin est considéré depuis des années comme l'un des espoirs les plus prometteurs de la guitare manouche. Son troisième album, Gypsy Guitar From Corsica Vol.1, vient de sortir. Un tour de force qui devrait l'imposer définitivement dans le paysage du jazz français contemporain.
Dans les coulisses du Studio de l'Ermitage, à Paris, Fanou Torracinta piaffe d'excitation. Sa guitare, la Jacques Favino de 1969 avec laquelle il a enregistré l'album, l'attend, posée sur un stand derrière la scène. Ce 10 juin, à 21h, il présentera, enfin, Gypsy Guitar From Corsica Vol.1 au public. Un album prêt depuis longtemps, qui devait sortir au printemps dernier. Et puis le Covid19 est passé par là. Il a fallu remiser le disque dans un tiroir. Et prendre son mal en patience.
Un an plus tard, le monde de la musique reprend quelques couleurs. Et le 14 mai dernier, le disque de Fanou Torracinta est enfin arrivé dans les bacs, et sur les plateformes de streaming. Quand on lui demande si ce n'a pas été trop dur, le guitariste de Santa Reparata di Balagna passe une main dans sa tignasse blonde un chouïa désordonnée, et esquisse un sourire.
Plus rien de tout cela n'a d'importance. Il ne pense plus qu'à la scène. Le studio d'enregistrement, c'est une chose. Mais c'est devant un public, dans une salle qui vibre, que la musique tzigane prend réellement vie.
Tempo allegro
Et puis, une année de perdue, ce n'est pas très grave quand, à 26 ans, on a pris tant d'avance. Il faut dire que Fanou Torracinta mène sa carrière, et sa vie, sur un tempo allegro.
A 5 ans, il apprend ses premiers accords sur la guitare de son grand frère, Nico. Très vite, il découvre Bireli Lagrène, puis Django Reinhardt. Et tombe amoureux fou du jazz manouche.
Fanou écume les festivals de jazz de Corse, et croise le manche avec les plus grands instrumentistes, à l'âge où la plupart des ados achètent leur premier disque de Jul. A 16 ans, il part en tournée avec Tchavolo Schmitt, une légende de la musique manouche.
A son retour, Fanou Torracinta n'a plus aucun doute. Il consacrera sa vie à la musique. L'adolescent se partage entre la Corse et Paris, où il peaufine son style et sa technique. En 2013 il créé le Corsican Trio, qui enregistre un premier album en 2015. Rejoint par le violoniste Bastien Ribot, et devenu Corsican Quartet, le groupe sort un deuxième album dans la foulée.
A cette époque, Fanou Torracinta est remarqué par le milieu du jazz, et adoubé, à la suite de prestations de haute volée sur des scènes aussi prestigieuses que celles du New Morning, de Jazz in Marciac, de Django Liberchies, et des Nuits de la guitare de Patrimonio, où il a admiré, enfant, tant de ses idoles.
Une maturité renversante
La suite logique, c'est cet album solo, Gypsy Guitar From Corsica Vol.1. Un disque qui marie les influences manouche et corse, au fil de standards judicieusement choisis et de compositions originales. Fanou Torracinta y fait preuve, une fois de plus, d'un talent hors normes, et d'une maturité renversante.
Son jeu, tout en délicatesse, délaisse les effets de pyrotechnie qui alourdissent le jeu de tant de ses confrères pour viser juste. Sa virtuosité est mise au service d'un album aérien, léger comme une bulle de savon. Un album, aussi, qui swingue comme peu d'autres, grâce à la section rythmique redoutable formée par William Brunard et benji Winterstein. Le piano de Bastien Brison, quant à lui, vient apporter un contrepoint enthousiasmant aux chorus de guitare de Fanou Torracinta.
La critique musicale spécialisée a réservé un accueil enthousiaste à Gypsy Guitar From Corsica Vol.1. Prochaine étape, la tournée, dont le coup d'envoi est donné ce soir au Studio de l'Ermitage. Une mise en bouche bienvenue avant une série de concerts prévus cet été, au festivoce de Pigna les 18 et 19 juillet prochains, et à Jazz in Aiacciu le 6 août. Avant de fouler les planches du centre culturel Alb'Oru, à Bastia, le 14 octobre prochain.