Un homme condamné à un an de prison pour avoir tiré, ivre, des coups de feu en plein centre-ville de l'Ile-Rousse, et avoir menacé l'employé d'un restaurant

Le 19 juillet, deux coups de feu retentissaient dans le centre-ville de l'Ile-Rousse, créant un mouvement de panique. Le tireur était jugé ce lundi devant le tribunal correctionnel de Bastia. Il parle d'un geste "fou et irréfléchi", alors qu'il était fortement alcoolisé.

"Ce que j’ai fait, c’est horrible. À chaque fois que j’y pense, je suis catastrophé." Baskets, jean, t-shirt noir, et les cheveux poivre et sel réunis en chignon sur le bas de sa nuque, David Rakedjian l’assure à la barre : oui, il regrette "énormément" ses actes, qui lui valent aujourd’hui d’être jugé devant le tribunal correctionnel de Bastia, ce lundi 22 juillet.

Le 19 juillet dernier, l’homme, âgé de 53 ans, est interpellé par les forces de l’ordre à son domicile de l’Ile-Rousse. Il lui est reproché d’avoir, plus tôt dans la soirée, tiré deux coups de feu en direction du ciel, à proximité de terrasses du centre-ville. S’ils n’ont directement visé personne, ces tirs sont survenus alors que de nombreuses personnes étaient présentes, et ont provoqué un mouvement de foule.

Un blessé est à déplorer : une femme, qui en souhaitant se réfugier dans un restaurant, a glissé et s’est ouvert "de façon assez sérieuse" le tibia sur une plaque de fer, note la présidente.

Un contexte ancien de tensions

Comment expliquer ce geste de David Rakedjian ? "L’alcool", se défend penaudement le quinquagénaire. Filmé par des caméras de vidéos surveillance au moment des faits, et reconnu par plusieurs témoins comme le porteur de l’arme et le tireur, l’homme ne nie pas les faits. Mais il explique n’avoir que très peu de souvenirs de cette soirée-là. La faute, sans doute, au litre de vodka englouti dans la soirée, combiné à deux cachets de Xanax.

Un geste "fou", selon les mots David Rakedjian, qui s’inscrit en réalité dans un contexte plus large de vives tensions entre le quinquagénaire et un établissement de la rue Napoléon. L’affaire remonte ainsi à plusieurs mois, déroule la présidente, et trouve ses prémices à un soir de novembre 2023, date à laquelle le restaurant en question organise sa soirée de fermeture annuelle.

Originaire de Lyon et arrivé en juin 2023 en Corse, David Rakedjian est vite devenu un habitué de l’établissement, et avec les responsables duquel il entretient des relations cordiales. Une situation "parfaite", explique-t-il face à la cour, qui change du tout au tout à la suite de cette fameuse soirée de clôture, et la naissance d’un conflit entre David.R et un serveur du restaurant.

"C’est lui qui m’appelle le premier, assure l'homme. Il me dit : « Je suis avec mes amis, dégage d’ici ». Et vous savez comment font les Corses. Moi, forcément, j'ai pris un peu peur". Tendue, la situation ne fait dans les semaines et mois qui suivent que s’empirer.

Un tir à blanc, des menaces, un couteau et des vrais coups de feu

Quelques soirs après cette première dispute, David Rakedjian tire, un soir, avec un pistolet à blanc - qui ne propulse donc pas de balles - à proximité du restaurant. Le serveur dépose par la suite une plainte à son encontre, faisant état de nombreuses menaces reçues sur son téléphone – "Je suis déjà mort mais je vais te crever avant fils de pute, je vis juste pour te buter", cite, entre autres, la présidente parmi les éléments du dossier -.

En avril 2024, c’est la patronne du restaurant qui dépose à son tour une plainte contre David Rakedjian Ce dernier s’est présenté devant son établissement armé d’un couteau, et lui a fait des signes mimant sa volonté d’égorger son serveur, raconte-t-elle aux enquêteurs.

Un événement pour lequel les forces de l’ordre sont par ailleurs contactées, et qui fait l’objet d’une procédure de comparution en reconnaissance préalable de culpabilité, jointe à l’audience de ce 22 juillet. "Elle vous décrit comme un homme dangereux, indique la présidente. Elle dit avoir appelé les gendarmes pour protéger ses clients et son serveur, et s’être elle-même sentie se jour là en danger, que vous l’aviez regardé comme si elle allait aussi y passer."

C’était dangereux et traumatisant pour toutes les personnes présentes. Est-ce-que vous vous en rendez compte ?

Jusqu’à ce soir du 19 juillet, où David Rakedjian créé l’affolement en tirant deux coups en l’air, à proximité immédiate du restaurant.

"C’était quoi le but ?", s’interroge la présidente. "Il n’y avait pas de but, c’était un acte irréfléchi et complètement fou", soupire-t-il. "Ce n’était pas juste fou, insiste la présidente. C’était dangereux et traumatisant pour toutes les personnes présentes. Est-ce-que vous vous en rendez compte ?" "Oui, reprend-il, je suis catastrophé. Vous ne pouvez pas vous rendre compte de l’état dans lequel je suis." "Mais ce n’est pas de votre état, dont on parle, monsieur, l’interrompt la présidente. C’est celui des victimes."

L'alcool tenu pour reponsable

Le tir au pistolet à blanc en novembre, les mimiques avec le couteau en avril, les tirs vers le ciel en juillet : dans chacun des cas, David Rakedjian se justifie de la même manière : l’alcool, qui altèrerait fortement son jugement et sa personnalité.

L’homme assure, avec ce dernier événement, avoir pris conscience de son alcoolisme, et de sa nécessité de se faire soigner. "Pourquoi ne pas l’avoir fait avant ?", questionne la présidente. "Vous savez c’est comme les fumeurs. Des fois on se dit on le fera le prochain jour et puis voilà… Mais il faut que je me fasse aider, c’est évident. Ce qui s’est passé, ce n’est pas moi. Je ne suis pas comme ça."

"Ce n'est pas l'alcool qui provoque toutes ces choses, c'est l'alcool qui les encourage"

Un argumentaire entendu mais incomplet pour la représentante du ministère public. Selon la procureure, dans cette affaire, "on va au-delà du rapport avec l'alcool. Ce n'est pas l'alcool qui provoque toutes ces choses, c'est l'alcool qui les encourage."

Vidéos des caméras de surveillance à l'appui, la procureure revient sur la panique des passants, des familles attablées en terrasse ce 19 juillet. Sur cette femme, blessée en essayant de prendre la fuite, et dont la plaie "particulièrement profonde", si elle ne peut pas être directement imputée à David Rakedjian, "permet de remettre en perspective les conséquences de son geste". 

Plus encore, note la procureure, l'arme en question a été retrouvée plus tard dans un buisson, "ce qui laisse entendre que Monsieur Rakedjian n'a voulu assumer les conséquences de ses actes."

Dans ce cadre, la représentante du ministère public demande une peine de 36 mois d'emprisonnement, dont 18 mois assortis d'un sursis probatoire, et notamment d'une obligation de soins et de travail, d'une interdiction de détention ou port d'arme pendant 15 ans. 

Il doit se soigner, c'est nécessaire, mais est-ce que le placer en détention est nécessaire ?

"Nous ne sommes pas là, ni mon client ni moi, pour dire que les faits ne sont pas graves, mais simplement pour tenter d'expliquer pourquoi nous en sommes arrivés-là", insiste de son côté la défense de David Rakedjian, qui rappelle que le "contexte de ce dossier n'est pas de son simple fait".

Pour l'avocate, la meilleure mesure pour son client serait un éloignement à Lyon, sa ville d'origine, où se trouve son socle familial. "Il doit se soigner, c'est nécessaire, mais est-ce que le placer en détention est nécessaire ?", questionne-t-elle.

Détention aménagée sur le continent

Après près d'une heure de délibérations, la cour a finalement tranché : David Rakedjian est reconnu coupable de l'ensemble des faits, et condamné à 24 mois de prison, dont 12 mois assortis d'un sursis. L'année de détention restante sera aménagée, avec une détention au domicile de son père, dans le Rhône.

Une condamnation à laquelle s'ajoutent l'interdiction de rentrer en contact avec les personnels du restaurant au centre des tensions, l'interdiction de paraître à l'Ile-Rousse, une obligation de soins et de travail, et l'interdiction de porter ou de détenir une arme pendant dix ans. 

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