Procès des viols de Mazan : selon la cour, au moment des faits, tous les accusés pouvaient comprendre qu'il s'agissait de viols

Après le verdict du procès de Mazan et la condamnation des 51 accusés, revenons sur la motivation de la cour. Selon elle, chacun de ces hommes disposait de son libre arbitre et de capacités de discernement suffisantes, au moment des faits, pour comprendre qu'il s'agissait bien de viols.

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Durant dix années, Dominique Pelicot a drogué à son insu, puis violé et invité des dizaines d'inconnus, recrutés sur internet, à violer son ex-épouse, Gisèle. Jeudi 19 décembre à Avignon, la cour criminelle a rendu un verdict historique, à l’issue de quatre mois d'audiences, et condamné les 51 accusés dans ce dossier tentaculaire des viols de Mazan. Les peines s'échelonnent de trois ans de prison, dont deux avec sursis, à 20 ans de réclusion criminelle, et viennent conclure un procès, symbole de la lutte contre les violences sexuelles faites aux femmes.

Selon la feuille de motivations du jugement, consultée par l'AFP, le principal accusé, Dominique Pelicot a pu influencer ses coaccusés, mais ceux-ci, auxquels il livrait sa femme préalablement droguée, pouvaient tous "appréhender la situation" et comprendre qu'il s'agissait d'un viol.

"Contrainte chimique" et "surprise"

Dans ce document de 106 pages, qui fait la démonstration de la nécessaire individualisation des peines, la cour souligne que la "personnalité clivée" de Dominique Pelicot "lui a permis de 'donner le change' et de dissimuler une sexualité obsédante, ses fantasmes et activités sexuelles déviantes, tant auprès de son épouse que de sa famille".

Il est stipulé que s'il "a pu inciter, voire influencer ses coaccusés dans le passage à l'acte", servant son côté "manipulateur" démontré par les rapports d'expertises, il n'est pas établi que tous les coaccusés étaient informés préalablement que Gisèle Pelicot serait droguée.
De nombreux accusés ont en effet assuré avoir été amenés par Dominique Pelicot à penser participer au fantasme d'un couple libertin. Le principal accusé a au contraire assuré qu'ils étaient tous pleinement informés de la situation.

En synthèse cependant, la cour juge quant à elle que si Dominique Pelicot "a pu user de stratagèmes à l'égard de ses contacts (...), à la date des faits, chacun des accusés disposait de son libre arbitre et de capacités de discernement suffisantes".

"Chacun était en mesure d'appréhender à sa juste mesure la situation à laquelle il se trouvait confronté lorsqu'il abordait le corps inerte de Gisèle Pelicot".

Roger Arata, président de la cour criminelle du Vaucluse

Extrait de la feuille de motivations


La cour retient donc pour tous les accusés à la fois la "contrainte chimique" et la "surprise", qui s'appliquent selon la jurisprudence à un acte accompli durant le sommeil de la victime et sont deux des éléments légalement constitutifs du viol.

Le principe de "consentement par procuration" écarté

La cour rejette également toute idée de "consentement par procuration " ou de "présomption de consentement de la part d'une victime totalement inconsciente", certains accusés ayant affirmé penser que Gisèle Pelicot était d'accord, puisque son mari le leur avait assuré.
"Chacun d'eux (...) suffisamment informé de l'état d'inconscience de Gisèle Pelicot et ayant la possibilité de s'interrompre dans son action à tout moment et à la vue d'une femme inerte et inconsciente, a délibérément contourné le libre consentement de la victime en lui imposant des actes sexuels".

>>> A lire : aussi : "La soumission chimique est indiscutable" : au procès de Mazan, l'absence de consentement et de recherche de consentement, au cœur des réquisitions

"L'élément intentionnel - sans lequel aucun crime n'existe - est donc ici rapporté et fonde la culpabilité de chacun", souligne encore dans ce document le président de la cour, Roger Arata, alors que la défense de plusieurs accusés a plaidé l'acquittement au nom de l'absence d'intention de commettre un viol.
Si la condamnation de la totalité des accusés a été saluée, des associations féministes ont regretté après le verdict que la cour ait prononcé des peines moins lourdes que celles réclamées par l'accusation. Tous les accusés condamnés n'ont pas fait l'objet d'un mandat d'arrêt, ce qui signifie qu'ils n'auront pas à retourner en prison.

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