Inflation, crise énergétique, hausse du prix des transports et des matières premières... Les raisons de vouloir faire des économies à l'approche de l'hiver sont nombreuses. Et pourtant, Noël se profile. Comment les clients, et les commerçants, appréhendent-ils les fêtes de fin d'année ?
Dans les rayons de cet hypermarché bastiais, les employés disposent les piles de jeux de société, choisissent quelle franchise de super-héros ils vont mettre en tête de gondole... Même si les étagères sont déjà bien remplies, les préparatifs sont toujours en cours.
On n'est qu'à la mi-novembre, et même si les premières décorations fleurissent déjà sur les ronds-points, Le grand rush des fêtes de fin d'année n'a pas commencé.
Flambée des prix
Pour autant, certains sont déjà à la recherche de leurs cadeaux de Noël. Amélie, l'année dernière, a écumé tous les magasins de jouets du coin, quelques jours avant Noël, pour trouver la figurine Harry Potter qu'attendait son neveu. "Je suis descendue jusqu'à Ghisonaccia !", sourit-elle, "et j'ai fait chou-blanc". Alors en 2022, elle s'y prend à l'avance.
Mais ce n'est pas la seule raison.
Tant qu'il reste de l'argent sur la carte, on en profite...
Vanessa
Pour Eric et Vanessa, c'est avant tout une question financière : "tous les jours, à la télé, on nous dit que telle ou telle chose va augmenter, le chauffage, l'électricité, le pain... Ca va être pareil pour les jouets, c'est sûr", souffle le quadragénaire. Alors le couple préfère acheter les cadeaux pour leurs trois enfants maintenant. "Tant qu'il reste de l'argent sur la carte", confirme Vanessa. "On ne sait pas comment va se passer décembre, et il n'est pas question que les enfants n'aient pas leurs cadeaux".
Un peu plus loin, au rayon frais, le foie gras a déjà envahi les frigos. Et un employé du magasin, discrètement, glisse à un client qui compare deux blocs : "vous devriez acheter maintenant. Dans quelques jours, les prix vont augmenter". Après que le vieil homme a laissé tomber deux blocs de foie gras dans son caddie, le magasinier trentenaire se tourne vers nous : "cette année, les clients sont plus vigilants. Ils sont de plus nombreux à comparer les prix, entre les marques, et même entre les différents magasins. Et puis tout le monde le fait, les gens qui ont de l'argent comme ceux qui n'en ont pas !"
Factures
Après deux Noël marqués par le Covid, cette année, c'est la guerre en Ukraine qui fait tout pour gâcher la fête. L'inflation atteignait 6,2 % en octobre, les matières premières flambent, tout comme l'énergie, et les factures s'accumulent. Avec l'arrivée de l'hiver, le pays redoute que la situation empire encore.
Si tout le monde est concerné, pour les budgets les plus modestes, les mois qui viennent, c'est la promesse d'un pouvoir d'achat en chute libre.
Antoine a 29 ans. Il gagne 1720 euros par mois, et sa compagne est au chômage. Le couple a une petite fille de 3 ans, l'âge où on commence à réaliser ce qu'est Noël. Alors ils veulent faire les choses bien.
On s'est fixés un budget de 70 euros, on devrait s'en sortir.
Antoine
Ce matin, ils sont venus dans ce magasin d'une chaîne de produits à petits prix, et ils comptent bien faire toutes leurs courses pour les fêtes de fin d'année. Dans leur caddie, cotillons, guirlandes, serviettes colorées, friandises, nappe en papier, et quelques jouets.
"On évite les grandes enseignes. On s'est fixé un budget de 70 euros, et on devrait s'en sortir. On a acheté ce coffret de poupées, il y en a une dizaine, pour un peu plus de 10 euros. Avec 10 euros, vous n'avez même pas une Barbie".
Prudence
Un sondage de Sensormatic Solution, effectué sur 1.000 acheteurs français, montre une tendance très nette à la prudence financière. Selon cette enquête, 68 % des acheteurs consacreront plus de temps que l'année dernière à traquer les offres, et 43 % reconnaissent qu'ils ont choisi d'acheter plus tôt pour éviter les hausses de prix.
67 %, enfin, affirment que le prix sera le facteur le plus important dans le choix de leurs achats en magasin.
Les commerçants en ont conscience, et ils se sont préparés depuis des mois à faire face à ce Noël pas comme les autres, comme nous le confirme Jean-Louis Moncelli, directeur d'une grande enseigne de jouets située à la sortie sud de Bastia.
"D'habitude, on prépare les fêtes de fin d'année dès le mois de mai, mais cette année, c'est encore plus tôt, pour les raisons que vous connaissez... Les tarifs sont très fluctuants, en raison du contexte international, et ils ont tendance à augmenter. On avait aucune visibilité sur l'évolution des prix, on a voulu constituer nos stocks le plus tôt possible, quand les augmentations s'annonçaient".
Et puis il y a la question, centrale pour l'enseigne, du catalogue, qui joue un rôle majeur dans les ventes de Noël. Il est imprimé dès le mois de juillet, affichant les prix jusqu'au 31 décembre 2022.
Pas question de répercuter les augmentations tarifaires sur nos clients.
Jean-Louis Moncelli
"Quand on annonce un prix donné, il faut vendre à un prix donné", sourit Jean-Louis Moncelli, assis à son bureau, entre deux coups de téléphone. "Il faut que l'on se tienne à ces tarifs, alors on a énormément anticipé sur les achats. Heureusement, on bénéficie d'un entrepôt de 1.500 mètres carré, mais il est plein depuis des semaines".
Si des produits phare viennent à manquer, comme c'est le cas chaque année, comment faire des réassorts, dans ces conditions ? Jean-Louis Moncelli hausse les épaules. "On n'a pas beaucoup de possibilités, puisqu'il n'est pas question de répercuter les augmentations tarifaires sur nos clients. On a deux solutions : la première, décider de ne pas faire de réassort, le prix de vente du catalogue étant impossible à garantir. La seconde, faire un réassort, et rogner sur les marges, pour garder le prix de vente acceptable pour le client".
Il sera bien temps de trancher plus tard, si la situation vient à se présenter. Mais le directeur du magasin l'assure, il a tout fait pour éviter que ce soit le cas.