Découverte d’une peinture murale datant de la période du Royaume anglo-corse

Une campagne de travaux de requalification des espaces intérieurs des locaux de la Direction du Patrimoine implanté dans l’aile sud du Pavillon des Nobles Douze à Bastia a permis la mise au jour d’une peinture murale, datant de l’éphémère royaume anglo-corse (1794-1796).

Cette peinture murale qui représente une sentinelle anglaise a été retrouvée par hasard, par Patrick Guaitella, peintre du Centre Technique Municipal, chargé de repeindre la cage d’escalier, dans les locaux occupés par la Direction du Patrimoine, place du Donjon à Bastia.

Après avoir gratté plusieurs couches de badigeons de chaux (plus d’une dizaine), le personnage est apparu, grandeur nature, sur l’un des paliers de l’escalier.

Michel-Edouard Nigaglioni, Directeur du patrimoine à la mairie de Bastia; Philippe Peretti, conseiller municipal de Bastia; Reportage de Solange Graziani, Benjamin Savard, Marie-Laure Begnis

Lors du rattachement de la Corse à l’Angleterre, les troupes françaises qui assuraient la défense de Bastia furent promptement remplacées par des troupes anglaises. Les officiers anglais prirent alors leurs quartiers dans les logements évacués à la hâte par les officiers français.

L’ambiance de la ville changea de façon visible car les diverses sentinelles qui étaient en faction devant les portes des bâtiments publics et militaires furent changées du jour au lendemain. Les nouvelles sentinelles, revêtues du fameux uniforme britannique en drap rouge, étaient coiffées de hauts bonnets en poil d’ours.

C’est à cette époque, entre 1794 et 1796, que l’on fit peindre en trompe l’œil, dans les escaliers du pavillon, une sentinelle anglaise. On prit sans doute pour modèle le soldat qui montait la garde au bas des escaliers, devant la porte du vestibule, sur l’actuelle place du Donjon.

Cet exceptionnel témoignage de la vie quotidienne de Bastia à l’heure anglaise a vraisemblablement été recouvert d’un badigeon de chaux dès le départ des Anglais. Car les officiers français qui reprirent possession des lieux, en 1796, ne pouvaient pas tolérer cette « présence » devenue incongrue, dans les escaliers de leurs appartements.

L’image fut donc rapidement effacée, puis totalement oubliée, pour ne revoir la lumière que près de 220 ans plus tard.

La peinture a été sommairement dégagée afin de vérifier son état de conservation et l’intégrité de son dessin. Le visage (zone la plus fragile) n’a pas été remis au jour car l’opération nécessitera l’intervention d’un restaurateur spécialisé en peinture murale.

On peut néanmoins déduire de ce que l’on en voit par transparence que le soldat à la tête légèrement tournée vers la gauche, qu’il porte de grandes moustaches noires et une perruque poudrée, caractéristique de la fin du XVIIIe siècle.


Le pavillon des nobles douzes​

Construit à partir de 1703 à l’emplacement d’anciennes boutiques, le Pavillon des Nobles Douze était la résidence du représentant élu du "Deçà des monts" (l’actuelle Haute-Corse), délégué auprès du gouverneur génois. On élisait ainsi tous les ans douze représentants qui se succédaient, tour à tour, en occupant leur poste pendant un mois.

Le Noble Douze du mois accompagnait le gouverneur dans ses déplacements et le conseillait dans tous les domaines. Il était en outre chargé de veiller à l’entretien et à la sécurité des routes et chemins. Il exerçait un pouvoir de décision lors de procès importants et d’affaires graves.

A partir de la Révolution, le pavillon des Nobles Douze fut affecté à l’Armée. En 1802, il abritait le bureau de l'état-major, le logement du secrétaire écrivain, celui du garde d'artillerie et celui du chef pompier. Dans l'une des salles du rez-de-chaussée, était remisée la pompe à incendie. Sous Charles X, en 1825, on y installa la salle du Conseil de Guerre.

L’éphèmère royaume Anglo-Corse (1794-1796)

En 1794, La France traverse la sanglante période révolutionnaire et Paris vit sous la Terreur. La tourmente favorise cependant les plans de Pascal Paoli, qui espère reprendre le pouvoir en Corse, remettre de l’ordre dans l’île et la conduire vers un gouvernement autonome. Pour l’émanciper de la tutelle française, il sollicite la protection de l’Angleterre, un geste qui fera de la Corse, pendant un court laps de temps, de 1794 à 1796, un royaume indépendant placé sous la souveraineté du roi George III.

En février 1794, la flotte et l’armée britannique assiègent et s’emparent des différentes villes de l’île. Le 19 mai 1794 à Bastia, après trois mois de siège, démunie de vivres et de munitions, la garnison capitule. Le 24, la reddition est signée. Le lendemain, les troupes françaises cèdent la place aux Anglais. La ville résonne du God Save the King, du son des cloches et des salves d’artillerie tirées depuis les remparts de la citadelle. Le 4 octobre 1794, Lord Gilbert Elliot est nommé vice-roi. Bastia est instituée capitale du royaume anglo-corse.

Pour la gouvernance de la Corse, les Britanniques instituent un régime de monarchie parlementaire dotée d’une constitution. George III est proclamé roi de Grande-Bretagne, d’Irlande et de Corse. Le vice-roi – à l’instar des gouverneurs français – loge dans la maison De Battisti et fixe le siège de son administration dans l’ancien couvent des missionnaires lazaristes (l’actuel Lycée Jean Nicoli).

L’oratoire de l’Immaculée Conception est transformé en Parlement du royaume, et on y place symboliquement un trône, symbole de la présence de George III parmi ses nouveaux sujets.

Les Anglais commirent une erreur lourde de conséquence : ils écartèrent Paoli du pouvoir, confiant la charge de vice-roi à l’un des leurs. Le sentiment d’injustice, ressenti par la majorité de la population, prive le nouveau régime de l’assise populaire dont il aurait eu besoin pour se maintenir durablement.

Le ressentiment des paolistes et les victoires de l’armée française dans l’Italie si proche vont provoquer des mouvements d’agitation qui s’amplifieront peu à peu.

Au printemps 1796, les Bastiais apprennent avec stupeur les incroyables succès de l’armée d’Italie placée sous les ordres du jeune général Bonaparte. Après une avancée fulgurante, les Français entrent dans Livourne au début de l’été. Bonaparte commence alors à infiltrer l’île, discrètement, par petits groupes, au moyen d’embarcations modestes.

Dans l’île, l’insurrection monte et en octobre 1796, les Anglais reçoivent l’ordre de la quitter. Un contrordre est donné, mais il arrive trop tard, le vice-roi se trouvant déjà à l’île d’Elbe en compagnie de l’amiral Nelson.
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