Du rêve au cauchemar : Vista e Mare, cinq ans de galère pour les propriétaires désenchantés

Bastia, les résidences Vista e Mare ou le rêve brisé. Il aura fallu 5 ans pour que les premiers appartements de ces immeubles construits à proximité du centre-ville soient livrés. Et plusieurs propriétaires n'ont pas encore les clefs. Si le promoteur assure que tous les logements seront accessibles d'ici fin mai, le calvaire est loin d'être terminé pour les acheteurs.

L'essentiel du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve le meilleur de l'info régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en lien avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "L'essentiel du jour : notre sélection exclusive". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

"On nous a vendu du rêve". 55 appartements, vue sur mer, situés à proximité du centre-ville de Bastia et des plages… Ce cadre de vie idyllique, c’est celui que vante le projet immobilier Vista e Mare, porté par les sociétés Corsea Promotion et Corsea Promotion 16. Un ensemble de trois immeubles sortis de terre dans le quartier du Macchio, dont les logements devaient être livrés à partir de 2018. "J’ai acheté cet appartement en VEFA (vente en état futur d’achèvement). J’ai acté chez le notaire en août 2017 cet appartement à l’origine PINEL. C’était un investissement fiscal", explique Benjamin*, propriétaire d’un T2 dans le bâtiment A. "Au début tout se passait bien, mais nous nous sommes rendus compte que le délai de livraison ne serait pas honoré. Il peut y avoir du retard, sauf que là, nous avons commencé à nous inquiéter avec d’autres propriétaires à la fin 2018, n’ayant pas eu d’informations du promoteur."

Retards de livraison 

Car au fur et à mesure que les années passent, l’angoisse s’installe : les crédits pour payer les biens sont entamés, les appels de fonds sont versés, mais les appartements tardent à être livrés. Défaillance d’entreprises impliquées dans le chantier, intempéries, grèves, crise sanitaire… Les raisons avancées par le promoteur sont nombreuses, mais les preuves manquent. "Tout n’est jamais très clair", dénoncent Nicolas Mouton et sa femme Laëtitia Garosi Mouton, autres propriétaires malchanceux.  

Une procédure de justice est lancée

En 2020, 14 propriétaires assignent les deux sociétés devant le tribunal judiciaire de Bastia. Les raisons des retards sont déboutées par la justice, qui rend sa décision le 1er juin 2021. Les clients auraient également été trompés sur la solidité financière du promoteur. "Le tribunal considère que faire intervenir deux sociétés aux raisons sociales très proches dans une même opération de commercialisation était de nature à induire en erreur les contractants sur l’identité exacte de leur interlocutrice", précise le jugement. Finalement, Corsea Promotion et Corsea Promotion 16 sont condamnées à verser plus de 430 000 euros aux plaignants. En parallèle, Benjamin dépose plainte pour "escroquerie".

Entre les loyers non perçus dus, les pénalités de retard, les frais de justice, le dédommagement du bénéfice de la loi PINEL non touché et le préjudice moral, le promoteur doit au total près de 65 000 euros à Benjamin. Mais plus de deux ans après le jugement, il n’en a pas vu la couleur. "Le promoteur a organisé son insolvabilité", soupire-t-il. En fait, la gestion de Vista e Mar a désormais été confiée par Corsea Promotion à une société dénommée GestiProm. Hors, celle-ci a été placée en liquidation judiciaire le 17 mars dernier. L’espoir pour les victimes de toucher un jour les indemnités promises demeurent faibles. Nicolas et Laëtitia, eux, avaient lancé une procédure de leur côté en 2020. Ils sont également dans l’attente des 82 000 euros que doit leur verser la société.

Des propriétaires à bout de souffle

"On est totalement épuisés par la situation", témoigne Nicolas Mouton. Aujourd’hui, les bâtiments A et B sont terminés, seul le bâtiment C est encore en construction. Selon Jean-Sébastien de Casalta, l’avocat de Jean-Thomas Trojani, gérant de Corsea Promotion à l’époque, 75% des logements auraient été livrés début 2023 et le reste devrait l’être à la fin mai. Un accord à l’amiable aurait été trouvé avec 90% des propriétaires.

Mais pour ces derniers, les traumatismes moraux et financiers perdurent au-delà des compensations. Le 17 avril dernier, Benjamin a "enfin" pu récupérer les clefs de son logement. "J’ai l’impression de voir le bout du tunnel parce qu’il va être vendu, souffle-t-il, soulagé. Grâce à ça, je vais pouvoir solder mon prêt." Toutefois, il confie avoir été obligé de vendre une partie de son capital retraite pour continuer à payer l’emprunt. "J’ai eu deux refus de prêt pour d’autres projets l’année dernière à cause de celui pour l’appartement", ajoute-t-il.

Quant à Nicolas et Laëtitia , qui se disent "dans une situation financière des plus critiques", l’espoir d’une issue proche rassure. L’enthousiasme de ce premier achat en Corse, en revanche, a depuis longtemps disparu. "C’était un bien qu’on avait acheté pour en profiter dans quelques années. Aujourd’hui, on ne sait pas encore ce qu’on va en faire."

Une information judiciaire en cours

Contacté, le procureur de la République affirme qu’une information judiciaire est en cours. En cause notamment, le fait que Jean-Thomas Trojani ait dirigé une société alors qu’il n’en avait plus le droit. Actuellement, c’est la sœur du mis en cause, Pascale Trojani, qui a repris les rênes des sociétés immobilières.

"Au cours de ma vie, j’ai fait de nombreux investissements immobiliers, à Nice, à Bordeaux, dans le Var, à Toulouse… La nouveauté pour moi, c’est cette escroquerie, et ces procès immobiliers. C’est la première fois que ça ne se passe pas bien", regrette Benjamin. "C’est une mauvaise image pour la profession immobilière, et pour la Corse en particulier". "On regrette d’avoir investi, d’avoir donné notre confiance au promoteur pour cette construction, souffle quant à lui Nicolas Mouton. "Je ne doute pas que certains constructeurs en Corse réalisent des belles choses dans les temps impartis. Mais on a fait un mauvais choix." Désormais, récupérer la totalité de l’argent perdu n’est même plus la priorité pour ce couple basé à Marseille. "Aujourd’hui, on est dans l’optique de récupérer l’appartement et d’assimiler tout ce qu’il s’est passé au cours de ces dernières années."

(*) : l'interlocuteur souhaitant garder l'anonymat, le prénom a été modifié.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information