Intelligence artificielle : "Il faut être vigilant", selon le sociologue Yann Ferguson

Dimanche 14 janvier, à Biguglia, un conférence consacrée à l'intelligence artificielle (IA) a été animée par Yann Ferguson. Pour ce sociologue spécialiste de l'IA, "il est important que tout le monde puisse conserver ses responsabilités afin que la technologie reste socialement soutenable".

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Technologie qui permet d'imiter l'intelligence humaine afin de réaliser des tâches, l'intelligence artificielle ne cesse de se déployer à travers le monde.

Si le processus semble bénéfique dans certains domaines, il suscite également des interrogations et de l'inquiétude, notamment quant au fait qu'il pourrait, à terme, remplacer certaines professions.

Selon un dernier rapport du Fonds monétaire international (FMI), le développement de l'IA "aura des conséquences sur 40% des emplois dans le monde". Concernant "les économies avancées, et certains pays émergents, jusqu'à 60 % des emplois seront concernés", dixit le FMI.

Dimanche 14 janvier, au Spaziu Charles Rocchi de Biguglia, une conférence intitulée "Les machines peuvent-elles penser ?" a été animée par Yann Ferguson. L'occasion de demander à ce docteur en sociologie à l'Inria, la principale unité française d'étude du digital et du numérique, ce qu'il pense de l'intelligence artificielle, que l'on appelle également IA.

France 3 Corse : L'intelligence artificielle n'a pas toujours bonne presse. Néanmoins, que pourrait-elle apporter de positif dans le futur et dans quel domaine ?  

Yann Ferguson : Évidemment, on va penser au domaine de la santé, parce que c'est un domaine d'application très fort pour l'intelligence artificielle. Par exemple, en radiologie. Pourquoi ? Parce que l'intelligence artificielle, depuis une dizaine d'années, a énormément progressé sur les images. C’est donc un domaine très important d'application. La deuxième chose à laquelle on peut penser, ce sont les transports : des véhicules autonomes - on en a entendu parler - qui pourraient réduire le taux d'accident sur les routes. C'est donc, évidemment, un enjeu majeur.

Ensuite, on va penser à l'éducation. Le ministre de l'Éducation nationale a lancé il y a quelques jours une application qui s'appelle MIA ; elle est destinée aux lycéens et bientôt aux collégiens pour les aider à progresser sur les fondamentaux. L'intérêt de l'intelligence artificielle, c'est qu'elle va personnaliser les parcours en fonction des faiblesses des étudiants. 

En tant que sociologue, il y a aussi des effets pervers que vous pouvez étudier. On parle d'abolition de la liberté individuelle, de personnes qui, avec des logiciels comme Chat GPT, pourraient tout simplement mentir sur leur savoir. Faut-il s'en inquiéter ? 

Oui, il faut être vigilant. C'est très, très important. L'un des principaux problèmes de l'intelligence artificielle moderne, c'est que, si elle est capable de nous aider dans des situations complexes, voire de nous aider à prendre des décisions, c'est qu'elle ne nous donne pas le raisonnement qu'elle utilise pour fournir sa recommandation. Évidemment, dès lors qu'on va avoir des décisions dans des situations critiques - par exemple : prendre une décision de justice, conduire un véhicule, gérer une centrale nucléaire, accorder des papiers à un réfugié ou pas -, on va avoir un impact sur la vie des individus qui vont faire l'objet de ces prises de décisions.

Il est donc très important pour eux d'avoir accès à l'explication de l'application, mais également, pour le professionnel qui va s'appuyer sur cet outil, d'avoir accès au raisonnement pour qu'il puisse prendre sa décision en responsabilité. Il est important que tout le monde puisse conserver ses responsabilités afin que la technologie reste socialement soutenable. 

"L'intelligence artificielle, ce n'est pas uniquement faire de la recherche sur des modèles avec des mathématiques, c'est aussi développer des produits à partir de ces modèles."

Yann Ferguson

En Corse, nous avons des start-up à Ajaccio, Bastia et Corte. Afin de se lancer dans des projets relatifs à l'intelligence artificielle, faut-il être obligatoirement proche de grandes métropoles ? Autrement dit, est-il possible de les réaliser depuis une région comme la nôtre ?

Oui. L'informatique est une technologie qui repose largement sur de la dématérialisation. Il n'y a pas très longtemps, ma cousine et son mari se sont installés en Corse. Ce dernier, qui est informaticien, travaille pour des clients partout dans le monde. Au niveau de la start-up, c'est donc tout à fait possible.

Ensuite, il faut savoir que l'intelligence artificielle, ce n'est pas uniquement faire de la recherche sur des modèles avec des mathématiques, c'est aussi développer des produits à partir de ces modèles. Ce qui est intéressant, c'est que quand vous développez un produit, il soit au plus près du marché auquel vous le destinez. Donc, on peut tout à fait imaginer des start-up qui peuvent grandir en s'appuyant sur l'économie locale pour adresser leurs produits à base d'intelligence artificielle à l'économie corse spécifiquement. 

L'entretien réalisé par Pierre Nicolas et Anna Péron : 

durée de la vidéo : 00h03mn06s
Yann Ferguson est docteur en sociologie et enseignant-chercheur, spécialisé dans l'intelligence artificielle. ©P. Nicolas - A. Péron - A.-L. Louche

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