"Le maître-mot, c'est la sécurité" : les premières battues au sanglier commencent à Pietracorbara

La saison de la chasse au sanglier, animal en prolifération en Haute-Corse, a démarré ce 15 août. Une activité très encadrée pour éviter tout accident, bien que ceux-ci restent fréquents.

Ce jour était grandement attendu par tous les aficionados de la chasse, bien que retardé d'une journée en raison des intempéries. Depuis hier, jeudi 15 août, et au plus tard jusqu’au 31 mars, la traditionnelle battue au sanglier est ouverte en Haute-Corse.

L'activité est très populaire sur l'île de beauté, avec près de 14 000 permis délivrés cette saison (7 000 en Haute-Corse et 7 700 en Corse du Sud), soit à près de 4% de la population, contre 2 % sur l'ensemble de la France, selon la fédération de chasse de Haute-Corse. Entre 5 000 et 6 000 personnes chasseraient le sanglier dans le département.

Un cadre sécuritaire strict

Ce vendredi matin dès l'aube, à Pietracorbara dans le Cap Corse, la chasse est ouverte. Une quinzaine d'hommes, dont les rabatteurs et leurs chiens, quadrillent un périmètre bien défini. Bilan de la battue après deux heures et demie : un sanglier de 35 kg, dont la viande sera partagée entre les participants.

Au centre de l'organisation et de la sécurité, le chef de battue, garant du bon respect des consignes.

"Le maître-mot, c'est la sécurité, surtout à cette période où il y a beaucoup de touristes et de randonneurs", assure Éric Vitali, président de la société de chasse de Pietracorbara, au micro de notre journaliste Valentin Canaux. "On est pratiquement tous habillés en orange et on pose aussi des panneaux à chaque entrée et sortie de traque, pour que les gens ne rentrent pas dedans et qu'on puisse chasser l'esprit tranquille."

On fait comme nos anciens nous ont appris, c'est une période importante pour nous car ça nous permet de nous retrouver entre amis, on ne la manquerait pour rien au monde.

Eric Vitali, président de la société de chasse de Pietracorbara

Un arrêté du ministère de la Transition écologique, publié au journal officiel du 5 octobre 2020, rend obligatoire le port d’un vêtement fluorescent, la signalisation des chasses sur les voies publiques et une formation à la sécurité tous les 10 ans pour tous les chasseurs. Le 9 janvier 2023, le plan "Zéro accident" du gouvernement est venu renforcer les règles existantes, avec notamment un renforcement de la formation des chasseurs et l'interdiction de la chasse sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants.

La chasse du grand gibier, comme le sanglier, est en effet celle qui génère le plus d'accidents. Elle est également celle impliquée dans les plus dangereux en raison notamment des munitions utilisées, comme les grenailles de plomb des chevrotines, autorisées cette année encore en Corse.

Moins d'accidents, mais davantage de blessures auto-infligées

Selon le bilan des accidents de chasse (suite à l'emploi d'une arme à feu) pour la saison 2023-2024 de l'OFB (Office Français de la Biodiversité), à l'échelle de la France, les accidents ont diminué de 42 % en 20 ans, et de 77 % pour les accidents mortels. La part des non-chasseurs parmi les victimes diminue également : ils étaient 12 à subir un accident en 2023-24, contre 23 la saison précédente.

L’OFB constate toutefois que le nombre d'accidents (97, dont 58 graves) pour cette saison 2023-2024 a augmenté par rapport aux trois saisons précédentes. Il dénote notamment une augmentation ces dernières années de la proportion de blessures auto-infligées, qui représentent en 2023 près de 40% des accidents, contre 29 % en moyenne sur 20 ans.

En Corse, des accidents, parfois mortels, continuent de se produire chaque année, comme le rappelle la fédération départementale de chasse. Dernièrement, ce fut le cas à Prunelli-di-Fiumorbo, le 7 janvier 2023, lorsqu'un chasseur de 85 ans est décédé après avoir été accidentellement touché par un tir de son propre fusil, et à Castifao, le 7 décembre 2022, lorsqu'un septuagénaire a trébuché et déclenché son fusil, qui l'a touché au thorax.

Outre les blessures auto-infligées, on compte, parmi les derniers accidents répertoriés en date sur l'île, une femme de 50 ans blessée à l'épaule à Zonza (Corse du Sud), le 4 septembre 2021, ou encore un homme de 71 ans tué à Sollacaro le 17 janvier 2021, alors qu'il participait à une battue au sanglier.

Des sangliers qui prolifèrent en Haute-Corse

Bien que le sanglier soit l’espèce chassable principale de l’île (70% du gibier prélevé), sa population ne cesse d’augmenter, rappelle l'Office de l'environnement de la Corse. Cette croissance progressive conduit à constater des dégâts aux cultures de plus en plus nombreux, notamment dans les zones de cultures de la Plaine Orientale, du Cap Corse et de la Balagne, mais aussi dans les jardins des zones péri-urbaines de l’ensemble du département, explique sur son site la préfecture de Haute-Corse.

En Corse, il n’y a plus d’étude réalisée sur le sanglier depuis plusieurs décennies (en dehors du suivi annuel des prélèvements durant les battues par les fédérations départementales). Toutefois, l’activité humaine expliquerait en grande partie la prolifération de l'animal en France.

Dans une interview donnée au journal du Cnrs (Centre Nationale de la Recherche Scientifique), Raphaël Mathevet, écologue et géographe au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive, explique en effet ce phénomène par plusieurs facteurs, à savoir : la disparition des prédateurs comme le loup et le lynx (chassés par l’homme pour protéger les troupeaux), le recul des espaces agricoles dans les milieux les moins propices à la culture (comme la moyenne montagne, un exemple qui s’applique à la Corse) au bénéfice des surfaces forestières prisées par l’animal, le changement climatique qui génère des hivers plus doux et donc une mortalité naturelle moindre chez le mammifère.

Mais surtout, le scientifique met en cause la disparition du petit gibier (lièvres, lapins, perdrix, faisans), provoquée par la modernisation de l’agriculture, et auquel il a fallu trouver un substitut pour contenter les amateurs de chasse. C’est ainsi que des élevages et lâchers de gros gibiers, comme le sanglier (hybridés avec des porcs domestiques pour augmenter leur capacité reproductive), se sont développés dans les années 1970, explique l’écologue, auteur de Sangliers : géographies d’un animal politique.

À noter que si les sangliers se multiplient en Haute-Corse, cela n'est pas le cas en Corse du Sud, où la fédération départementale des chasseurs indiquait le 30 janvier dernier avoir été "alertée par de nombreuses associations de chasse concernant la raréfaction des sangliers", suite à quoi elle a demandé à ce que soit avancée la date de fermeture.

    Vous pouvez retrouver toutes les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse sur le site de la Federazione di i Cacciatori di Corsica.

    Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
    Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
    choisir une région
    France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité