Pierre Savelli est sorti en tête du premier tour, mais l'avance sur les poursuivants est mince. Et les rumeurs d'alliance d'une partie de ses adversaires sont tenaces. Le problème, c'est que de son côté, le réservoir de voix ne semble pas vraiment profond...
Le genre d'attelage improbable qui avait porté les siens au pouvoir il y a six ans pourrait-il causer la perte de Pierre Savelli dimanche prochain ?
Jean-Sébastien de Casalta, Jean Zuccarelli, François Tatti, Julien Morganti, Jean-Martin Mondoloni...
Cinq candidats qui envisagent, depuis de longues semaines, de s'allier.
Et que les résultats d'hier soir confortent dans leur position.
Jean-Sébastien de Casalta en rassembleur
C'est ce dernier qui devrait mener la fronde.Jean-Sébastien de Casalta est un nouveau venu sur la scène politique, mais cela ne l'a pas empêché d'enregistrer le meilleur score des candidats d'opposition, avec 20,02 %.
En cumulant les scores de sa liste et des trois autres qui ont envisagé, à plusieurs reprises, une union de second tour, on obtient un pourcentage de suffrages de plus de 55 %.
(De Casalta 20,02 %; Zuccarelli 13,83 %; Morganti 12,42 %; Mondoloni 8,97 %)
Hier soir, sur notre plateau, l'avocat bastiais déclarait : "Je vais essayer de rassembler sans souci hégémonique, mais il est de mon devoir de le faire sur un projet qui s'appuie sur des orientations fortes."
Parmi ces possibles alliés, il y a donc un nouveau venu, Jean-Sébastien de Casalta, et un candidat de droite, identifié et récent arrivé sur la scène politique bastiaise.
Mais il y a aussi François Tatti, numéro 3 sur la liste De Casalta, Julien Morganti, et Jean Zuccarelli.
Des hommes qui ont parfois été proches, qui ont fréquenté les mêmes bancs de l'opposition, ou ont partagé le pouvoir.
Des qui se sont aussi disputés, qui se sont combattus politiquement, et qui, parfois, ont eu l'impression d'avoir été trahi par d'autres.
Alors imaginer une telle alliance portée aux affaires à Bastia dimanche prochain, c'est aussi imaginer, vu le casting, combien il serait, ensuite, difficile de s'entendre, de tirer dans le même sens, et de tenir six ans sans exploser en vol...
Pas la première alliance contre-nature...
Et pourtant, il y a un précédent.Un précédent qui peut donner des idées.
Et faire voler en éclats quelques scrupules.
En 2014, c'est Gilles Simeoni qui avait remporté les municipales.
Un leader nationaliste qui avait combattu sans relâche les partis traditionnels, mais qui, pour défaire Jean Zuccarelli, s'était allié à trois autres candidats, François Tatti, ancien bras droit de son adversaire, Jean-Louis Milani, marqué à droite, et Emmanuelle de Gentili, figure du PS insulaire.
L'attelage semblait de bric et de broc, mais porté par la côte de popularité de Gilles Simeoni, et un mot d'ordre, "Tout sauf Zuccarelli", qui avait trouvé, alors, un écho dans la population bastiaise, il avait fait ses preuves.
Et une municipalité nationaliste, de gauche, et de droite, accédait à la mairie de Bastia.
Peu de jours pour se mettre d'accord
Jean Zuccarelli, lui, avait été la victime de cette première alliance, en 2014.Et s'il n'exclut pas, aujourd'hui, d'user des mêmes moyens pour prendre une revanche, il rejette, devant nos caméras, l'idée d'un mouvement s'appuyant sur le mot d'ordre "tout sauf Savelli" :
"Ce serait un bien mauvais départ pour proposer une alternative. A mon sens, cette alliance doit être complète et assurer la pérennité dans le temps, pour ne pas reproduire les erreurs des dernières élections".
Le problème, c'est que tous les opposants disent vouloir se retrouver sur, selon les expressions à la mode, "des valeurs et un projet".
Ce qui, en langage diplomatique de soir du premier tour, signifie "mes valeurs et mon projet".
Vues les antagonismes, et après un débat du premier tour, sur notre antenne, d'une rare virulence entre les mêmes candidats, on peut imaginer que les tractations vont être acrobatiques....
Più forte inseme ?
Du côté des sortants, l'heure n'est pas à la sérénité.Pierre Savelli tente de faire contre mauvaise fortune bon coeur sur notre plateau, et souligne le taux d'abstention.
"Une élection à un tel niveau de participation, ce n'est jamais arrivé. Mais comme le disait Emile Zuccarelli, Bastia est une ville de second tour".
Et au second tour, Pierre Savelli n'en fait pas mystère, il faudra discuter. Et ne rien s'interdire.
"Il est certain que d'autres camps se sont plus mobilisés que le nôtre. Nous allons entamer des discussions élargies, et on n'a pas d'exclusive. On va discuter avec les nationalistes, et peut-être avec d'autres. Avec des candidats, mais aussi avec leurs colistiers..."
A une époque où plus aucun rapprochement ne semble impossible, et où les camps et les sensibilités politiques se mêlent au gré des échéances électorales, on peut donc s'attendre à tout, dans ce cap aussi.
Pour autant, le rapprochement le plus logique, Pierre Savelli l'a reconnu, c'est avec les autres nationalistes.
Paul-Felix Benedetti, fort de ses 6,29 %, martèle qu'il veut être cohérent.
Pas question de se rapprocher soudainement d'un camp nationaliste avec qui Core in Fronte "n'a plus eu aucune discussion depuis des années".
Il ne faudra pas compter sur le soutien de ces indépendantistes.
Restent les autres nationalistes.
Ceux qui ont eu de multiples discussions avec Inseme au cours des dernières années.
Et qui gouvernent la Corse avec eux à travers la coalition Pè a Corsica.
Corsica Libera et le PNC, unis au sein de la liste Pè Bastia (5,93 %), ne sont pas contre un ticket commun.
Bien au contraire, il ont passé la plus grande partie de l'année 2019 à militer pour, inlassablement.
Mais en vain.
Gilles Simeoni et les siens leur avaient clairement opposé leur volonté d'aller seuls à la bataille des municipales.
Alors aujourd'hui, Eric Simoni est prêt à venir en aide de Pierre Savelli, mais pas à n'importe quel prix.
"Nous avons martelé des choses qui sont très importantes pour nous durant toute la campagne. Dont le projet de Portu Novu, qui nous paraît un vice rédhibitoire. Et nous voulons que soit réaffirmé l'ancrage corse du côté de la municipalité sortante pour qu'une alliance soit envisageable".
On le voit, dans un camp comme dans l'autre, les jours qui viennent, si second tour il y a, risquent fort d'être riches en rencontres, en tractations, et, difficile de faire autrement, en concessions.