Lors des championnats de France, ce week-end, Manon Venturi a remporté quatre médailles d'or, et une médaille de bronze. L'adolescente, formée au Fun Beluga, à Bastia, poursuit un parcours hors normes qui la mènera, au Québec, en août, pour disputer les championnats du monde.
"Bravo ! BRA - VO !" La performance de Manon Venturi, et de son binôme, Angeline Bertinelli, ne laisse pas insensible la commentatrice du site de la Fédération Nationale de Natation, qui diffuse les championnats de France Junior Nationale 1 et Elite.
Durant près de deux heures, sur le bord du bassin de la piscine Gilbert Bozon, à Tours, les deux nageuses du club Pays d'Aix Natation avaient pu prendre la mesure de la concurrence. Des duos qui étaient venus de toute la France, et même d'Espagne, de République Tchèque ou de Belgique. Le niveau était relevé.
Mais Manon et sa partenaire, au moment de se présenter, enfin, devant les juges, ne semblaient pas plus inquiètes que ça. Elles restaient concentrées sur leur objectif. Gagner.
Carton plein
"Etonnant", "rapide", "précis", "propre", "en symbiose", "beaucoup d'agilité", "une démonstration de technique"... Dès l'entame, leur duo suscite les commentaires élogieux dans les gradins, où se trouvent les spectateurs, mais également les compétitrices, et les staffs adverses. Une membre de la FFN lâche, dans un soupir admiratif, "la longueur de la figure est époustouflante. Quand est-ce qu'elles respirent ?".
Les juges partagent l'enthousiasme général. Manon Venturi et Angeline Bertinelli l'emportent, avec un score remarquable de 80.0667. Et une médaille d'or autour du cou. Une de plus. Durant le week-end, Manon a pris part à cinq épreuves, en solo, en duo et par équipe. Résultat : 4 médailles d'or, et 1 médaille de bronze. C'est ce qu'on appelle un carton plein.
Très vite, j'ai su que j'étais à ma place.
Manon Venturi
Dès la fin de la compétition, Manon a filé à l'aéroport. Ce lundi de Pâques, elle est de retour en Corse, chez ses parents, pour une semaine de vacances, avant de repartir en stage avec l'équipe de France. Et elle est bien décidée à faire un break : "normalement, je m'entraîne quand même un peu quand je suis en vacances, mais là, j'ai un doute", reconnaît la Bastiaise. "Je viens de sortir de compétition, et il faut vraiment que je coupe, j'en ai besoin ! Je comptais quand même aller une fois dans l'eau, mais je n'en suis plus si sûre..."
Les vacances, pour l'adolescente de quinze ans, c'est l'occasion de retrouver une vie presque normale, pendant une poignée de jours.
Excellence
En 2019, Manon a pris la décision de quitter la piscine de l'Annonciade, où elle avait découvert la natation artistique au sein du club Fun Beluga, pour le très renommé club Pays d'Aix Natation, une pépinière qui a formé l'élite française de la discipline.
Mais, en matière de sport de haut niveau, les envies d'excellence s'accompagnent souvent de sacrifices. Il a donc fallu quitter la maison familiale, direction l'internat. Manon est âgée de douze ans à peine. "Tout l'été qui précédait le départ, je me suis posée tellement de questions... A mon arrivée à Aix, elles se sont envolées. Les premiers jours, ça a été difficile, c'est vrai, il a fallu que je prenne de nouveaux repères. Je n'avais plus ma mère qui me préparait mon petit déjeuner tous les matins. Mais très vite j'ai su que j'étais à ma place".
Quand on demande à Manon si elle se rend compte du parcours exceptionnel qu'elle est en train d'accomplir, elle hausse les épaules. "Pas vraiment, en fait. Je suis dans l'un des meilleurs clubs de France, et c'est normal d'avoir des médailles, tout le monde en a, le niveau d'exigence est très élevé, alors ça semble être la moindre des choses !" L'adolescence réfléchit quelques instants, avant de préciser : "en fait c'est quand je rentre, que j'en parle avec mes parents, ou d'autres personnes de l'extérieur, que je m'en rends compte".
Quand on est montées sur le podium des championnats d'Europe, j'en ai pleuré !
Manon Venturi
L'extérieur, Manon n'y est pas confrontée autant que les autres filles de son âge. Son quotidien peut parfois ressembler à une bulle. Tous les jours, elle suit les cours du CREPS, jusqu'à 13 heures, et ensuite, après une rapide collation, elle prend le chemin des bassins, où elle s'entraîne entre trois heures et demi et cinq heures. "Et une semaine sur deux, on s'entraîne le week-end aussi. Ca représente entre 25 et 40 heures de natation par semaine".
A aucun moment, Manon ne se plaint de ces cadences soutenues. "Quand on voit des amies sortir, s'amuser, on a un peu de mal, au début. Mais on s'habitue vite, et puis quand on remporte une compet', tout ça n'a plus d'importance, on réalise pourquoi on fait tout ça". Si on l'interroge sur ce qui a été le plus dur, dans son parcours, la Bastiaise ne réfléchit pas longtemps : "c'était l'été dernier. On enchaînait deux saisons d'affilée, sans pause, et il a fallu rester s'entraîner à Aix. Mais au final, ça valait le coup".
Au bout de cet été loin de la Corse l'attendait une médaille de bronze, décrochée aux championnats d'Europe, en septembre, à Rijeka, en Croatie. "J'étais tellement fière ! j'en revenais pas, quand on est montées sur le podium. J'en ai pleuré et tout..." se rappelle Manon, encore émue.
Ascension
Aujourd'hui, la Bastiaise vit son rêve. "Mon idole, quand j'ai débuté, à l'âge de 6 ans, c'était Virginie Dedieu, la triple championne du monde... Aujourd'hui, je la croise tous les jours, c'est la présidente du club d'Aix. Et mon entraîneur, c'est celui qui l'entraînait lorsqu'elle a été médaillée olympique", confie Manon avec un grand sourire .
Quand on lui demande si elle espère suivre ses traces, elle se garde bien de le reconnaître. Par modestie, ou par superstition. Mais nombre d'observateurs promettent une carrière sportive spectaculaire à Manon Venturi, qui a intégré l'équipe de France l'année dernière. Avec, dans un coin de sa tête, les JO de Paris en 2024. Elle aura 18 ans. Mais chaque chose en son temps.
Prochaines étapes, de taille, les championnats d'Europe à Alicante, en juin, et les championnats du monde, au Québec, fin août.