L'audience du tribunal correctionnel a été repoussée au 20 septembre. Mais la demande de renvoi a permis d'en savoir plus sur la personnalité du quinquagénaire qui a fait feu en direction de deux employés de l'Office d'Equipement Hydraulique de Corse le 2 septembre dernier en Balagne.
François Leybmann, dans le box, entouré de gendarmes, a les traits creusés. Le cheveu gris, ras et rare, il écoute, la tête entre les épaules, son avocate demander le renvoi du procès. On peine à croire que le prévenu n'a que 58 ans. Lorsqu'il bondit de son siège, à l'appel de son nom, on est contraint de revoir son jugement.
Sous le tee-shirt à la couleur incertaine, la silhouette est râblée, les muscles noueux. l'homme évoque l'un de ses baroudeurs sans âge que l'on croise parfois au détour d'une série B américaine.
"Garde-à-vous !" lance, moqueur, l'un des nombreux employés de l'Office d'Equipement hydraulique de la Corse qui ont pris place dans la salle d'audience du palais de justice de Bastia. Pour soutenir leurs deux collègues, assis, plus discrètement, dans le fond.
Camping sauvage
Qu'est-ce qui s'est passé le 2 septembre dernier au barrage de Codole, en Balagne ? Il faudra attendre deux semaines pour le savoir. Le tribunal a accepté la demande de renvoi, et l'audience se déroulera le 20 septembre prochain, à 15 heures.
Route qui mène à la digue du barrage de Codole
Pierre-Louis Orsini, de l'intersyndicale STC-CGT, qui est venu soutenir la partie civile, nous raconte la version qui a été livrée par ses deux collègues aux autorités. "Le camping-car était depuis deux ou trois jours sur la digue du barrage, ce qui est interdit, puisque c'est une zone protégée. Mais cela arrive très souvent... Au bout d'un certain temps, les deux employés de l'Office, dont le plus âgé travaille là-haut depuis vingt ans, ont décidé d'intervenir. L'un d'eux va taper à la porte du véhicule, pour signaler que c'est du camping sauvage, et qu'il faut partir. Le ton monte, et l'homme sort un pistolet, qu'il pointe vers la poitrine de son interlocuteur avant de le diriger vers le sol et de tirer à quatre reprises."
Les deux employés prennent la fuite, non sans avoir noté la plaque d'immatriculation du camping-car. Les gendarmes l'interceptent sur la Balanina. Et trouvent, à l'intérieur, l'arme qui a fait feu. Entre autres...
Dépression et burn-out
Il faudra être patient pour connaître les circonstances exactes de l'altercation. Et le jugement du tribunal judiciaire. Mais il a fallu statuer sur les mesures de sûreté, et décider d'une prolongation du mandat de dépôt.
L'occasion d'en savoir plus sur la personnalité de François Leybmann.
Le quinquagénaire a quitté la maison familiale à 17 ans pour s'engager dans l'armée. A son retour, il enchaîne les petits boulots, avant de monter une auto-entreprise de réparation de véhicules anciens. Les dernières années sont difficiles. En 2018, il sombre dans la dépression suite à la mort de sa mère. Depuis, il est sous traitement. Il doit également faire face à un burn-out alors que son entreprise prend l'eau financièrement. Pour couronner le tout, François Leybmann assume les frais et paie les factures de sa compagne, qui est sans le sou.
Aujourd'hui, il n'a plus le moindre revenu non plus, et n'a pas les moyens de retourner sur le continent. C'est pour cela qu'il sillonne la Corse, depuis des mois.
Un mélange explosif
Passé ce tour d'horizon psychologique, basé sur l'expertise psychiatrique demandée par la cour, la présidente "se rapproche du dossier". Et liste l'arsenal qui était entassé dans le camping-car. Pendant près d'une minute. Des armes de plusieurs types, des centaines de cartouches, un viseur... Les termes techniques et les noms martiaux s'accumulent, devant le public ébahi.
Si c'était un Corse, il serait déjà dans l'avion pour Paris !"
"Vous avez dit "je manipule les armes comme d'autres manipulent les téléphones"...", souligne la présidente. Dans le public, quelqu'un s'amuse : "si c'était un Corse, il serait déjà dans l'avion pour Paris !"
Sans surprise, la cour prolonge le mandat de dépôt, "au regard du manque d'attaches sur l'île, du manque de garanties financières, et du risque de récidive, qui peut faire frémir vu l'arsenal que vous transportez dans votre camping-car". François Leybmann est poursuivi pour faits de "violence aggravée avec une ITT inférieure à 8 jours et usage d'une arme sur personne chargée de mission de service public". Il encourt une peine de prison ferme.
L'inter-syndicale veut tirer les enseignements de l'affaire
La CGT et le STC font front ensemble, pour soutenir leurs collègues. l'inter-syndicale était présente au palais de justice de Bastia, dans l'après-midi, dans la salle et devant le bâtiment. plus encore que le jugement, ce qui est important, c'est de réfléchir aux moyens d'éviter ce genre de situation à l'avenir. C'est ce que nous expliquent Pierre-Louis Orsini, Emmanuelle Celi, Géraldine Marazzi et florent Albertini : "On espère qu'il y aura une peine exemplaire pour dissuader d'autres personnes de faire ce genre de choses, mais ce n'est pas à nous de nous prononcer, on n'est ni procureurs ni juges, on laisse la justice faire son travail. Aujourd'hui les agents ne sont plus en mesure de faire respecter les règles sur les nombreux sites. Au-delà du camping sauvage, nous devons faire face à la présence de jet skis, de quads... Nous ne sommes pas policiers. Il faut évoluer en terme de responsabilités. On est là pour développer l'hydraulique en Corse, on n'est pas là pour se retrouver dans ce genre de situation..."