Roller derby en Corse : les filles prennent le pouvoir

Vous ne connaissez pas le roller derby ? Vous allez adorer. Ce week-end, à Bastia, se déroulait la première compétition du genre en Corse. Et elle a rencontré un succès spectaculaire. Derrière cette réussite, Marie-Pierre Samani et ses Rolling Castagne, la seule équipe de roller derby de l'île.

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"Capucine! Capucine !" Le public du cosec du Fango est déchaîné, et hurle ses encouragements à la compétitrice bastiaise.

Capucine, c'est la jammeuse des Rolling Castagne, l'équipe de Roller Derby insulaire. Etoile noire sur son casque, elle vient d'enchaîner les tours de piste, en se jouant des bloqueuses adverses qui devaient lui barrer le passage. La patineuse blonde réajuste son protège-dents alors que ses coéquipières la félicitent. Son raid vient de rapporter 8 points à son équipe. 

Ses coéquipières, ce sont Polly Rocket, Lovely Bones, Retournosol, Angry Babe ou encore Micro Zonda. Autant de noms de guerre floqués sur leur maillot, comme on change de nom quand on enfile son costume de super-héroïne. Nanibal Lecter, elle, est dans le public. Avec une attelle sur la jambe. Blessée, elle n'a pu participer au tournoi. Dans les gradins, elle encourage ses amies, et prend le temps d'éclairer la lanterne des curieux qui, il y a quelques heures, n'avaient pas la moindre idée de ce qu'est le Roller Derby

Combatives

Quelques mètres plus loin, Laurence a du mal à dissimuler son émotion. Elle était là quand Marie-Pierre Samani a évoqué l'idée de créer un club de roller derby en Corse. C'était en 2015, sur un coin de comptoir dune brasserie bastiaise.

L'idée avait tout d'une bonne blague, et avait suscité le doute, voire un brin de moquerie, chez les gens qui l'entouraient. Et qui n'avaient pas la moindre idée de quoi elle parlait. "Tout ça c'est grâce à Marie-Pierre. C'était compliqué, il y avait des contraintes, pas mal de filles, au début, ont jeté l'éponge. Il fallait des patins, et puis surtout savoir patiner sans se casser la gueule ! Et puis il fallait comprendre les règles, ce qui était pas une mince affaire. Sa force, ça a été d'y croire encore et toujours". 

Marie-Pierre Samani, pour ses adversaires, et ses coéquipières, c'est Maria Caillasse. Devant nous, sur la piste, elle écoute les consignes de la coach, motive ses coéquipières, et invite d'un geste le public à manifester son soutien aux Rolling Castagne. 

Après la première victoire de leur existence, la veille, face à à l'équipe de Perpignan, les Bastiaises ont fort à faire en finale face aux Sirènes Hurlantes de Dunkerque. "C'est un mur, la 26", entend-on dans les gradins. "Elles vont au contact, et pas pour rigoler", répond une joueuse de Gap, "mais les Bastiaises se battent bien".

Les Rolling Castagne s'inclinent en finale, avec les honneurs. Et leurs adversaires, habituées à la compétition nationale depuis des années, leur rendent hommage. "Les Bastiaises ont été combatives jusqu'au bout du match, c'était génial ! Elles méritent de participer au championnat, mais de ouf !", sourit Guinness Paltrow en décapsulant une bière.  

Frustration

Nathalie Casabianca, casquette rose visée sur la tête, est fière de ses patineuses. La coach de Rolling Castagne, arrivée en septembre dernier, ne s'attendait pas à une telle performance. "Elle nous ont offert un spectacle formidable. Aujourd'hui on a tapé des filles plus fortes, plus solides, on a vu ce qui nous manquait, mais c'est hyper positif".

On est sur le bon chemin !

Nathalie Casabianca, coach

Depuis leur création voilà 6 ans, les Rolling Castagne, seule équipe de Corse, n'avaient jamais disputé un seul match face à une autre équipe. "Il y a dans mon groupe des filles qui jouent depuis 2015... Alors ça faisait beaucoup de frustration. Quand je suis arrivée, je leur avais promis qu'elles feraient un match très rapidement. Et elles ont été à la hauteur". Nathalie est très optimiste pour la suite :  "l'équipe va monter de niveau, avec cette expérience, l'association va grossir, et une émulation va se créer. On est sur le bon chemin !". 

Girl Power

Alors que la remise des trophées bat son plein, Marie-Pierre Samani va de groupe en groupe, et croule sous les félicitations. Pour elle, ces deux jours sont un formidable aboutissement. "Il n'y a pas si longtemps, on était à Furiani, devant King Jouet, à la nuit tombée, à s'écorcher les genoux et les coudes, encore et encore, sur le bitume ! Pendant des années, on s'est entraînées sur les parkings. Et les filles revenaient, chaque semaine, plus motivées, et plus enthousiastes".

Quand on s'étonne de cette obstination, alors que rien de concret ne se dessinait à l'horizon, Marie-Pierre sourit : "ce n'était pas la compétition, qui les faisait revenir. C'est tout ce qu'il y a autour. L'ambiance, cette sororité qui s'est installée. Le Roller Derby c'est comme une famille"

Il n'y a pas si longtemps, on était à Furiani, devant King Jouet, à la nuit tombée, à s'écorcher les genoux et les coudes, encore et encore, sur le bitume !

Marie-Pierre Samani (Maria Caillasse)

John Snowa, des Sirènes Hurlantes, se joint à la conversation. "Ce n'est pas qu'un sport, c'est un état d'esprit, un univers à part. C'est une safe place, où les gens ont le droit d'être ce qu'ils sont. C'est plus qu'un sport, c'est une communauté. Au-delà des clubs et de la compétition".

Et ce ne sont pas des paroles en l'air. Les Dunkerquoises ont répondu à l'invitation des Bastiaises sans hésiter, alors qu'elles n'ont pas de sponsors, et que tout est bénévole. Résultat, elles ont payé le déplacement sur leurs deniers personnels. Mais elles tenaient à venir encourager la démarche des Rolling Castagne. 

Et maintenant, le championnat

Aujourd'hui, la Corse compte une quarantaine de licenciées, toutes joueuses des Rolling Castagne. Un autre club a tenté de se créer à Ajaccio, mais le projet a tourné court. Peu importe.

Marie-Pierre Samani le dit, ce tournoi, ce n'était pas pour remporter le trophée, mais pour présenter ce sport au plus grand nombre, et passer un cap. Le club vit, tant bien que mal, avec les licences, le sponsoring et quelques subventions. Mais elle espère que le retentissement du tournoi bastiais va doper les aides. 

Parce que ces deux jours de compétitions, d'échanges et de fête ont été un aboutissement, elles sont également le début de quelque chose : "A la rentrée 2022, on s'inscrit dans le championnat !", lâche Marie-Pierre, bien décidée à porter haut les couleurs bastiaises et corses sur le continent. Cela ne lui fait pas peur. Depuis six ans, elle a renversé bien d'autres montagnes. 

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