Le dernier module est installé, les branchements effectués, il ne manque plus que les autorisations officielles pour que l'unité de dessalement de Rogliano, dans le Cap Corse, commence à produire de l'eau potable.
Patrice Quilici est impatient. Cette unité de dessalement d'eau, il a pris la décision de l'installer dans sa commune de Rogliano au mois de juillet dernier, alors que le niveau de son réservoir d'eau potable était déjà bien bas, et la saison touristique encore longue."On n'a plus le choix" déclarait-il alors.
Un peu plus de deux mois plus tard, les trois modules et les raccordements au réseau électrique sont arrivés, branchés, l'unité de dessalement est prête à produire 500 mètres cubes d'eau potable par jour. "Nous sommes en mesure de faire fonctionner l'équipement, nous attendons maintenant les autorisations officielles" explique le maire de Rogliano ce 29 septembre.
Analyses en cours
Les techniciens de l’agence régionale de santé sont venus ce jeudi matin procéder à des prélèvements, afin de s'assurer que l'eau dessalée est bien potable, et ne présente aucun risque sanitaire. Les résultats des analyses, effectuées dans un laboratoire agréé sur le continent, devrait être connus la semaine prochaine.
Autorisations et réticences
L'équipement, dont le coût s'élève à 1,5 million d'€, a été en partie financé par l’État et la Collectivité de Corse. Toutefois les autorisations d'exploitation n'ont pas encore été délivrées. Patrice Quilici assure avoir obtenu un accord verbal de la préfecture, mais rien d'officiel ni de confirmé pour l'heure, et des réticences se sont exprimées, notamment par la voix des représentants du parc naturel marin Cap Corse et Agriate.
Energivores, les unités de dessalement dont le fonctionnement consiste à séparer les molécules d'eau et le sel au travers d'une membrane, produisent des déchets : pour un litre d'eau potable produit, 1,5 litre de saumure, boue salée et riche en minéraux, est reversée dans la mer.
"La saumure rejetée est plus dense que l'eau de la mer, elle ne se mélange pas et descend vers le fond", explique Christophe Mori, spécialiste de l'eau douce à l'Université de Corse. "Cela affecte l'herbier de Posidonie, présent sur tout le littoral corse, qui est un lieu d'abri pour les espèces. C'est une plante très sensible au sel, au milligramme près", poursuit le professeur interrogé sur franceinfo.
Selon lui, les conséquences sur ces herbes sous-marines endémiques de la Méditerranée ont été mesurées à Chypre, près de deux des plus grandes usines de dessalement de l'île. Les données montrent "des répercussions sur l'environnement marin à proximité des points de rejet de la saumure" avec "une forte réduction de la densité des pousses et de la surface des feuilles".
Une solution pérenne ?
L'été, la population de Rogliano, ce village du Cap Corse qui abrite le port très prisé de Macinaggio, passe de 650 à 6000 habitants. Avec pour conséquence une consommation d'eau potable augmentée à environ 1.000 m3 par jour. Le réservoir de 48 000m3 ne suffit plus en raison des sécheresses estivales toujours plus intenses.
Ici comme dans certaines îles bretonnes ou de Méditerranée, les unités de dessalement semblent à première vue une solution adaptée pour palier aux pénuries d'eau.
Mais la consommation d'énergie et les rejets de ces équipements pourraient bien contribuer à accentuer le réchauffement climatique.
Patrice Quilici espère obtenir au moins l'autorisation provisoire d'utiliser son unité, le temps que les études scientifiques en évalue tous les impacts.