Il aura fallu deux heures pour que les forces nationalistes réunies à Corte, vendredi soir, se mettent d'accord sur l'attitude à adopter à la suite de la visite de Gérald Darmanin. Insatisfaits du protocole d'accord présenté, elles veulent rester mobilisées. L'absence de Gilles Simeoni et de Femu n'est pas passée inaperçue.
"Tant que les revendications portées par le collectif n'auront pas abouti, nous n'arrêterons pas. Nous appelons à l'organisation du grande mobilisation populaire à Ajaccio".
Il est un peu plus de 23 heures, ce vendredi 18 mars, dans l'amphi de l'université de Corte. Et autour de Pierre-Marie Bourdin-Muracciole, qui s'adresse à la presse, est réunie une bonne partie de la coordination nationaliste, regroupant étudiants, élus et militants. Un seul absent, et non des moindres : Femu, le parti de Gilles Simeoni, qui mène les négociations avec Paris...
Gagner du temps
Durant deux heures, la coordination a discuté de l'attitude à adopter, après les trois jours de visite de Gérald Darmanin. Et la découverte du protocole d'accord acté par le ministre de l'Intérieur et Gilles Simeoni, le président de l'exécutif. Un protocole d'accord que Corsica Libera, le PNC et Core In Fronte, présents, eux, à Corte, ont refusé de signer, comme nous l'explique Paul-Félix Benedetti :
"Le document a été politiquement refusé. Ce n'est pas l'acte fondateur politique que nous attendions. Il y a des restrictions possibles sur l'évolution institutionnelle de la Corse, donc la majorité des mouvements politiques a refusé de le signer".
Mais, pour le leader de Core in Fronte, pas question de fermer la porte : "nous considérons néanmoins que c'est un acte administratif qui prépare un début de négociation, et à ce titre, il a été acté. On espère qu'il permettra une discussion politique à long terme pour déboucher sur une solution".
"On peut être au départ d'une action politique historique comme on peut être au départ d'un chaos absolu"
Paul-Félix Benedetti
Du côté du PNC, et ne fait pas non plus mystère de ses doutes, par l'intermédiaire de Xavier Luciani : "je pense que l'Etat, peut-être, essaie d'amorcer un début de solution politique. Mais à un mois d'une échéance électorale, on peut se demander si ce n'est pas encore une fois une manière de gagner du temps. L'Etat a souvent joué ce jeu-là en Corse, on peut donc rester relativement circonspects".
Pour Petru Antone Tomasi, de Corsica Libera, on estime qu'il était "contre-productif de signer quelque engagement que ce soit, dans la mesure où il est contradictoire avec les revendications que nous portons. Nous serons au rendez-vous pour accompagner une véritable discussion, si elle existe. Mais pour l'heure elle n'existe pas".
L'absence de Gilles Simeoni et de Femu soulève de nombreuses questions. Alors qu'un retour au calme est un préalable à toute avancée des discussions, selon Gérald Darmanin et Emmanuel Macron, le président de l'exécutif a-t-il voulu prendre ses distances, afin de donner un gage de bonne volonté à Paris ? Est-ce que, comme le disait Paul-Felix Benedetti à un proche quelques minutes avant la réunion de Corte, il n'a pas pu monter, "trop crevé" ? L'explication est plausible, mais semble insuffisante, au vu de l'absence de toute représentant de Femu à l'université...
On n'en sait guère plus, pour le moment. Croisé à Bastia, pour la procession de la Saint-Joseph, Gilles Simeoni s'est contenté d'un commentaire rapide : "je n'ai pas eu pour l'instant l'occasion de discuter avec l'ensemble des parties prenantes, syndicats, mouvements, associations nationalistes. Je pense qu'on va faire le point sereinement pour réfléchir à la façon d'être le plus efficace ensemble..."
Mobilisation ou manifestation
Avec ou sans lui, la coordination, hier soir, a décidé de ne pas lever le pied. De quelle manière, on ne le sait pas encore. On ne connaît que le lieu, Ajaccio, un choix logique après les actions menées à Corte puis Bastia. Mais on ignore encore la date, et les modalités. On imagine que les discussions ont du être animées entre ceux qui sont pour une présence maintenue, mais dans le calme, et ceux qui penchent pour des moyens d'expression plus énergiques.
Le début de lapsus de Pierre-Marie Bourdin-Muracciole, qui a lu le communiqué de presse hier soir, l'illustre. Au cours de sa prise de parole, l'étudiant commence à prononcer le mot de manifestation, avant de se reprendre et de parler de mobilisation.
On l'imagine, le choix des mots, hier soir a Corte, a eu au moins autant d'importance que celui qui a présidé au protocole d'accord du gouvernement...