Pour le président de l'exécutif, la venue de Gérald Darmanin et les discussions du jour ne sont qu'un début, et il estime que rien n'est gagné. Alors il veut des garanties.
Chat échaudé criant l'eau froide. Cette maxime éculée pourrait résumer parfaitement l'état d'esprit de Gilles Simeoni au sortir des discussions avec Gérald Darmanin, le nouveau "monsieur Corse" du gouvernement.
"C'est une réunion fondatrice, certes. Mais nous sommes vigilants. Trop souvent la Corse et le peuple corse ont été trompés. Dans l'esprit de beaucoup, il y a la crainte, et quelquefois même la conviction, qu'il peut y avoir une volonté dilatoire du côté de Paris". Face à la forêt de micros des médias insulaires et nationaux qui se sont dressés devant lui dès qu'il a fait son apparition, le président du Conseil exécutif tient à afficher sa circonspection.
Paradoxalement, il le reconnaît, "des engagements très forts ont été pris". "Des points importants ont été acté. C'est le premier pas d'un processus de portée historique, qui vient clore un cycle de 50 ans de logique de conflit, avec d'un côté l'aspiration du peuple corse à être reconnu, et de l'autre le refus obstiné de cette reconnaissance".
Rien n'est gagné
Tout au long de son intervention, alors que la nuit est déjà tombée depuis près de deux heures sur Ajaccio, Gilles Simeoni se livre à un numéro d'équilibriste. Et souffle le chaud et le froid, histoire d'envoyer un message à Emmanuel Macron. Les promesses, c'est bien. Mais l'ancien avocat le sait : verba volant, scripta manent.
"On a le souci que tout ce qui a été dit ce soir soit acté. Pour que les choses soient scellées dans le marbre, pour avoir une feuille de route partagée, il faut faire consigner par l'ensemble des parties le contenu de nos échanges dans un document officiel". Histoire que, le calme revenu, et l'élection présidentielle passée, les espoirs nés aujourd'hui ne s'envolent pas en fumée.
Dès lors que l'Etat fait les gestes nécessaires, l'apaisement reviendra de lui-même.
Gilles Simeoni
Gilles Simeoni a résumé à la presse les exigences qu'il a fait connaître à celui qui est également ministre de l'Intérieur : la justice et la vérité pour Yvan Colonna, le rapprochement immédiat de Ferrandi et Alessandri, et plus globalement "la libération des prisonniers politiques qui restent pour terminer un cycle qui a été marqué par la violence clandestine, et revenir à une logique démocratique de paix".
Enfin, et c'est le cœur du problème, "la revendication de la reconnaissance du peuple corse, qui est pour nous un objectif fondamental", et "sur le plan institutionnel, un statut d'autonomie de plein droit et de plein exercice qui implique une révision de la Constitution".
Gérald Darmanin s'est déclaré ouvert à tout, et a multiplié les gages de bonne volonté depuis 24 heures. Avec deux bémols. L'obstacle difficilement franchissable de la révision constitutionnelle, et l'arrêt de toute violence, en préalable aux discussions.
Ce a quoi Gilles Simeoni, dans son adresse du soir à la presse, répond : "nous sommes dans une logique de paix, de dialogue et de construction. Dès lors que l'Etat fait les gestes nécessaires, l'apaisement reviendra de lui même".
Reste désormais à savoir qui fera le premier pas.