Affaire Colonna : "je ne peux pas vous garantir, sinon je vous mentirais, qu'il y a une surveillance constante de tous les détenus", reconnait le directeur de l'administration pénitentiaire

Laurent Ridel, qui chapeaute l'ensemble des établissements pénitentiaires de France, était entendu par la commission des lois de l'Assemblée nationale, dans le cadre de la tentative de meurtre sur Yvan Colonna. Résumé d'une longue audition.

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L'audition a duré près de trois heures. Et Laurent Ridel, le directeur de l'administration pénitentiaire, a répondu à chacune des questions que lui ont posé les députés, devant la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Des questions qui se sont concentrées sur le fonctionnement de la maison centrale d'Arles, pour tenter de mieux comprendre dans quelles conditions s'est déroulée la tentative d'assassinat D'Elong Abé sur Yvan Colonna, le 2 mars dernier, à Arles. Une enquête judiciaire ayant été ouverte, il ne pouvait en être autrement. La commission n'a donc pu empiéter que sur le domaine de compétence de l'enquête administrative, alors qu'une mission de l'Inspection générale de la justice a également été diligentée. 

Après s'être associé, en préambule, au chagrin de la famille d'Yvan Colonna, Laurent Ridel a reconnu : "ce qui s'est passé est dramatique, ce n'est pas normal, ce n'est pas dans l'ordre des choses. Ce type d'événement est extrêmement rare, mais il arrive. Il est normal de faire toute la lumière sur les circonstances de cette très, très grave agression". 

Nous vous résumons les grandes lignes de ce que le directeur de l'administration a dit, ce 16 mars 2022, devant la commission des lois. 

La maison centrale d'Arles 

"On y trouve certains des condamnés les plus dangereux du pays, purgeant les peines les plus longues. Ces établissements ne sont jamais pleins à 100 %, pour prendre en compte la dangerosité des personnes détenues. Le 2 mars, elle hébergeait 130 détenus, pour 145 ou 150 places". 

"53 % sont là pour des faits de meurtre."

15 détenus sont soumis au statut de Détenu Particulièrement Signalé."

"Le personnel est composé d'agents expérimentés, mais aussi d'agents plus jeunes"

Elong Abé et Colonna

"Franck Elong Abé a connu un parcours chaotique mais semblait s'être stabilisé en Arles, qu'il avait rejoint en 2019. Il est d'abord passé par un quartier d'isolement, puis par un quartier spécifique d'intégration, réservé aux détenus au comportement compliqué, ou perturbé. Il y est resté neuf mois, avec des évaluations régulières, et ensuite, il a intégré la détention classique en avril 2021. Depuis son comportement était relativement correct, et il avait été classé au service général d'entretien des salles de sport en septembre 2021". 

"Les deux détenus étaient dans le même bâtiment, le bâtiment A. Mais pas dans la même aile. Ils avaient néanmoins des contacts sur les zones d'activité. Le rez-de-chaussée comporte entre 10 et 15 salles d'activités. Salle de boxe, de cardio, bibliothèque, et une salle que l'on dit de rencontres, où certaines d'entre eux se voyaient, à horaire déterminé".

"Selon les agents, Yvan Colonna et Elong Abé se rencontraient, de manière régulière. Il n'y avait pas eu d'anicroches, de disputes ou de conflits. Il pratiquaient parfois des activités sportives ensemble".  

Le matin du 2 mars

"Ce matin-là, vers 10h30, Colonna est en salle de sport. La salle est fermée à clé, et un personnel de surveillance ouvre la porte pour permettre à Elong Abé de nettoyer la salle. La porte est restée ouverte, car Elong Abé ne devait pas rester longtemps dans la salle, et durant ce court laps de temps, le surveillant, qui gère l'ensemble des activités, va mettre en place un certain nombre d'activités ailleurs. C'est là qu'Elong Abé commet les actes que vous connaissez".  

"Au bout de 9 à 10 minutes, le surveillant revient, et Elong Abé lui apprend que Colonna aurait fait un malaise. Le surveillant le place en position latérale de sécurité, prodigue les premiers soins, prévient les médecins de l'unité sanitaire. Ces derniers arrivent extrêmement vite, et permettent au pouls de repartir. 

Caméras de surveillance

Interrogé sur le manque de réaction à l'agression, alors que 300 caméras quadrillent l'intérieur de l'établissement et ses alentours, le directeur de l'administration pénitentiaire explique le fonctionnement de cette surveillance.

"Je ne peux pas vous garantir, sinon je vous mentirais, qu'il y a une surveillance constante de tous les détenus". 

"Il y a trois postes différents qui surveillent la zone :

  • Le premier, c'est le surveillant dit de brigade. Il est affecté régulièrement sur ce poste, il connaît les détenus, le mode de fonctionnement des lieux. Il a la responsabilité d'assurer la surveillance, la sécurité, et la gestion des activités du rez-de-chaussée".
  • Le deuxième, c'est le poste d'information et de contrôle. Il gère les accès et les mouvements du bâtiment, à travers 54 caméras. 45 dans l'établissement, et 9 à l'extérieur. Il est matériellement très compliqué de faire son travail de régulation, d'accès, et de visionner de façon parfaite ces 54 caméras. Alors un scénario est choisi, chaque matin. Et ce matin-là, le scénario n'était pas celui de la surveillance des salles d'activité, mais celui de la surveillance de la mise en place de cours de promenade, qui implique des mouvements en intérieur. C'est à l'occasion de ces mouvements qu'il y a habituellement des risques d'agression sur les autres détenus et le personnel..."
  • Le troisième poste, c'est celui de la sécurité centrale. C'est le nerf vital de tous les systèmes de sécurité de l'établissement. Et là aussi, c'est un autre scénario qui avait été envisagé."

Le statut de DPS

"Il y a 240 DPS en France, dont 55 terroristes islamistes radicaux. Les DPS ne sont pas soumis à des restrictions de droits par rapport aux autres détenus". 

"Dans chaque établissement, une note de service définit les modalités de prise en charge des DPS. Elle est de surcroît déclinée, de manière individuelle, pour être adaptée à chacun des cas". 

"Il est demandé à l'ensemble des personnels d'avoir une vigilance accrue et de faire remonter toutes les informations utiles sur ces détenus". 

"Tous les DPS sont en cellule individuelle. Les mouvements des détenus hors du bâtiment d'hébergement sont toujours accompagnés, pour le parloir, l'unité sanitaire, ou les ateliers. Ils ont néanmoins une possibilité de circulation autonome, au sein du bâtiment d'hébergement, à des horaires très précis, pour se rendre dans un lieu particulier, salle d'activité, salle de sport, rendez-vous avec un conseiller".  

Les DPS et Borgo

"Il y a pu y avoir à Borgo, de façon exceptionnelle et selon des modalités qui sont tout aussi exceptionnelles, un détenu prévenu DPS dont l'écrou à Borgo ait pu être nécessaire, durant un temps très limité, pour les besoins d'un procès en cours d'assises par exemple. Mais c'est extrêmement rare."

Elong Abé employé de la maison centrale

"La réglementation nous interdit de motiver un refus de classement à une activité ou un travail au seul motif que le détenu est un islamiste radical. C'est une donnée de droit". 

A plusieurs reprises, au cours de cette longue audition, Laurent Ridel, qui dirige l'ensemble de l'institution pénitentiaire, rappelle qu'il n'était pas sur place, et qu'il ne peut fournir que "des éléments factuels et contextuels". Une chose est sûre, si cette audition a apporté son lot de réponses, de nombreuses zones d'ombre restent à éclaircir.  

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