Les Ghjurnate Internaziunale de Corsica Libera ont cette année un goût particulier, après deux éditions annulées pour cause de Covid. Mais surtout parce que ce sont les premières depuis l'implosion de la coalition nationaliste Pè a Corsica.
Le parti indépendantiste n'a plus de groupe à l'Assemblée de Corse, et fait de nouveau cavalier seul. Les Ghjurnate Internaziunale sont donc l'occasion pour lui de reprendre sa place dans le débat politique actuel, et de marquer clairement son territoire, face à la majorité territoriale. D'autant que vient de débuter un processus de discussions avec Paris, autour de l'autonomie, mené par Gilles Simeoni, l'allié d'hier....
"Nous comptons nous imposer par la force, la cohérence et le sérieux de nos propositions, d'abord, et puis par notre force de proposition militante", précise Petru Antone Tomasi, de l'exécutif de Corsica Libera.
Rapport de force
Difficile de ne pas déceler la volonté de marquer, sur la plupart des questions abordées, durant ce week-end, tout ce qui sépare Corsica Libera de ses anciens partenaires à l'Assemblée de Corse. Une volonté qui s'est plus clairement affichée lors du débat du samedi soir, intitulé "Statu francese assassinu : hè mortu un patriottu, è po dopu ?"
"Nous, nous nous mobilisons depuis le départ, avec le peuple Corse, avec la jeunesse, pour connaître la vérité dans cette affaire, alors que le rapport de la justice ne correspond pas à cette réalité. Nous, nous restons fidèles à ces mots d'ordre derrière lesquels nous avons manifesté massivement il y a quelques mois", assène Petru Antone Tomasi.
Le thème principal du débat, tel qu'indiqué par le parti indépendantiste lors de la conférence de presse, c'était "les modalités du rapport de force populaire qui demeure nécessaire, par-delà les discussions portées au plan institutionnel, afin d’assurer que les revendications autour desquelles des milliers de Corses de tout horizon ont manifesté ces derniers mois, à savoir la vérité pour Yvan Colonna, la libération des prisonniers politiques et la reconnaissance du peuple corse de ses droits".
Lorsque l'on parle de rapport de force, difficile de ne pas penser à la mobilisation dans la rue. Les manifestations qui ont, régulièrement, tourné aux affrontements avec les forces de l'ordre, ont fait débat au sein du mouvement nationaliste. Parfois de manière virulente.
Mais, pour Emmanuel Mercinier-Pantalacci, l'un des avocats de la famille d'Yvan Colonna, "les manifestations, violentes, des jeunes, ont conduit l'Etat à lever le statut de DPS d'Alain Ferrandi et de Pierre Alessandri. Et, que je sache, la Terre ne s'est pas arrêtée de tourner".
Comme l'a dit Yvan, on va se réveiller. e fora a Francia !
Egalement à la tribune, les jeunes qui ont mené la mobilisation dans les rues affichent leur détermination, sous les applaudissements nourris du public réuni sous le chapiteau : "malgré toutes les critiques de certains pendant un mois, on le dit haut et fort : la jeunesse ne baissera jamais les bras. Elle sera toujours là pour dire non à cette injustice, elle se lèvera contre l'Etat français, et comme a dit Yvan, on va se réveiller. E fora a Francia !"
Une motivation alimentée par les différents intervenants, qui sont revenus sur le déroulement de l'affaire, depuis son origine, et ont pointé du doigt, régulièrement, les responsabilités, et les zones d'ombres. A de nombreuses reprises, le comportement de la directrice de la maison centrale d'Arles mise en cause par le récent rapport de l'Inspection Générale de la Justice, a été souligné.
Mais, au micro, les invités ont fait savoir, sans faux-semblants, que cela ne suffisait pas à tout expliquer. Ainsi pour l'ancien député François Pupponi, en première ligne à l'Assemblée nationale au côté des députés de Corse, c'est "l'Etat profond" qui est en cause. "En refusant d'appliquer les textes, on en est arrivé au drame que l'on connaît".
Le droit, de façon ostentatoire, à un moment donné, n'est plus respecté par l'Etat.
Me Mercinier-Pantalacci, avocat d'Yvan Colonna
Une thèse appuyée par Me Mercinier-Pantalacci : "La responsabilité fondamentale est au plus haut niveau de l'Etat. Des décisionnaires y font en sorte que les prisonniers corses ne purgent pas leur peine près de leur foyer. (...) S'agissant d'Yvan Colonna, comme s'agissant d'autres militants, d'autres personnes ayant œuvré à la lutte pour la libération nationale, le droit, de façon ostentatoire, à un moment donné, n'est plus respecté par l'Etat. C'est comme ça."
"Il reste beaucoup de questions auxquelles il faudra répondre", conclut François Pupponi.
Autre voie
Pour l'heure, à la tribune, Corsica Libera s'est fait discret. Laissant à ses invités toute la place de s'exprimer. Mais ce soir, lors du meeting qui conclura ces 40e Ghjurnate, le parti indépendantiste entend bien faire entendre sa voix. A Corte, à l'ombre de la citadelle. Et bien au-delà.
"Nous présenterons notre initiative politique, notre projet pour une vraie résolution du conflit en Corse, et pour un vrai processus historique. Le processus actuel, pour l'heure, ne l'est pas, et nous souhaitons être une force de proposition, à l'initiative du débat politique".